Quel genre d'hommes revanchards au discours menaçant choisit de vous inviter dans un hôtel cinq étoiles en plein cœur des quartiers chics de Londres pour régler ses comptes? Il faut s'appeler Samuel Eto'o pour esquisser ce genre de plan «diabolique». Après s'être déchirés en pleine veillée funèbre, le footballeur et moi avons convenu de nous voir ce 29 novembre 2013 dans la capitale anglaise pour une confrontation en face à face. Il veut recueillir le récit de mes tromperies supposées avec Fally Ipupa, et tous les hommes avec qui j'ai pu converser depuis cinq ans et avec lesquels il me prête une liaison. J'ai longuement hésité. Une seule raison m'a décidé à faire le voyage: la violence de sa colère continue de m'inquiéter. Il me faut arriver à calmer ses instincts destructeurs. Obtenir des autorités camerounaises ma convocation au petit matin pour six ou sept photos de vacances publiées sur Internet démontre une capacité de nuisances illimitée. La réception du palace m'indiquelenumérod'une chambre réservée à mon nom. En y pénétrant, je constate queledéclassementnefaitpaspartiedesonarsenalde représailles. Sans mes téléphones, je n'ai pas d'autre choix que delui envoyer un e-mail pour lui annoncer monarrivée. Sa demeure londonienne est tout près, située juste derrière le Ritz voisin. J'ai à peine le temps de défaire mes bagages qu'il fait son apparition, en compagnie d'Étienne, alors âgé de onze ans. J'avais revu le jeune garçon l'an passé, dans la maison de son père à Majorque où il passait des vacances. Un selfie que nous avions alors réalisé sur la plage faisait partie de la collection de clichés que j'avais postée sur Facebook quelques jours plus tôt. En m'apercevant, Samuel remballe les courtoisies d'usage, et me lance d'un ton accusateur en désignant son jeune fils : «Regarde. C'est lui que tu as exposé sur Internet.» L'attaque est indigne. Étienne est déjà courtisé depuis longtemps par les médias camerounais, et son visage connu de tous. Je ne relève pas cette bassesse, meconcentrant sur le duel à venir. L'adolescent quitte la chambre à la demande de son père. Sans un mot, Samuel attrape une feuille et un stylo, me les tend, et exige: «Raconte tout. Souviens-toi de tout, et je te pardonne. Quand je reviendrai du match, je lirai ce que tu as écrit.» Son calme olympien me glace. L'hostilité est intacte. Il sort sans plus d'effusions. Je me retrouve seule, avec ma feuille et mon stylo, prête à coucher mes confessions intimes sur papier. La situation est grotesque, mais la peur de réveiller le monstre chasse vite le ridicule de ma posture. Il faut que j'écrive quelque chose, n'importe quoi. La liste de mes correspondants masculins est longue, et hormis avec Fally, je n'ai joué la carte de la séduction avec aucun d'entre eux. Je dois filtrer, trouver le bon dosage, ne pas en dire trop, ni pas assez. Je saisis le stylo, et note : «Amadou, un fonctionnaire camerounais rencontré par l'intermédiaire du travail. Bon ami.» Je barre. Ce numéro de cirque est absurde. Je commande un bol de porridge au room service en continuant de tergiverser. Le voyage m'a épuisée. Je me couche un instant, tente une sieste express, me relève, fais les cent pas. Tout ça n'a aucun sens. En atterrissant à Londres, la fraîcheur de l'air m'avait surprise. Je décide de suspendre mes aveux le temps d'aller acheter un pantalon jogging. En vérité, tous les prétextes sont bons pour retarder le moment dela«rédaction»... À mon retour, la réceptionniste me reconnaît, et m'explique que Samuel m'a cherchée partout. Mon estomac se noue. Je monte dans la chambre en imaginant la violence de sa réaction. Il est là, allongé sur le lit, jambes croisées, habillé d'un survêtement noir et d'un débardeur blanc. À sa vue, mon cœur décroche et vient s'écraser dans mon ventre. J'ai la trouille comme jamais. «Je suis là depuis un moment. Tu as fait ce que je t'ai demandé?» Son regard noir vaut avertissement. Ce n'est pas le moment de jouer à la maligne. «Non, j'arrive pas.–Comment? Toi, Nathalie, l'éloquente, l'intarissable, tu n'as pas réussi à écrire un mot?–Procédons autrement. Pose-moi des questions, et je te répondrai. » J'essaie de reprendre la main. Je ne veux pas découvrir monjeu avant de savoir avec précision l'étendue et la teneur de ses soupçons. Drôle d'ironie: il y a cinq ans, lorsque mon ex-petit ami de l'époque, Frédéric, avait découvert notre correspondance secrète, c'est Samuel lui-même qui m'avait conseillé de ne pas parler la première. «On va faire mieux que ça, reprend-il. Tu vas tout confesser en vidéo. Je vais te filmer avec mon iPad pendant que tu déroules ton récit. N'oublie rien. Ton passeport est ici et ne sortira pas de cette chambre. De la même manière, je ne te rendrai tes téléphones qu'une fois que tu m'auras tout raconté. » Jusqu'ici, je pensais qu'un policier ou un magistrat complice lui avait lu mes textos à distance. Je n'avais pas imaginé qu'un officiel, quel qu'il soit, ait été suffisamment culotté pour lui envoyer mes portables à Londres. Son pouvoir dépasse mes pronostics les plus sombres. Il attrape une chaise, s'assoit, et pose ses pieds sur un pouf. Le ton de sa voix est toujours aussi serein, et rend la mise en scène plus angoissante encore. Je ne peux plus me dérober. Je m'installe sur le lit, prête à me livrer et à en assumer les conséquences. «Il y a eu Amadou, un fonctionnaire, l'ami d'une collègue. Nousn'avons rien fait ensemble. J'ai aussi parlé avec Ido, un militaire camerounais. Nous avonspris unverre unefois...» J'égrène les noms des hommes qui ont croisé mon chemin depuis le début de ma liaison avec Samuel. Certains ont voulu me séduire, bien sûr, mais je n'ai pas donné suite. Et puis quand bien même j'aurais cédé à la tentation, Samuel est mal placé pour me faire un procès en coucheries. Mes confessions terminées, il s'abstient de tout commentaire. Les traits fermés de son visage indiquent que ma prestation ne le satisfait pas. «Je m'en fous de ces gars-là. Celui qui m'intéresse, c'est Fally. » Cette obsession du chanteur m'intrigue. J'yvoisune rivalité d'ego entre deux monstres sacrés dans leur discipline respective. Il faut bien avouer aussi que Fally est le seul avec qui mes échanges par textos trahissent une certaine ambiguïté. «On a commencé à se voir un an après que notre relation a débuté. On s'est vus à Paris et à Kinshasa. On a flirté, c'est vrai, mais c'était un jeu de séduction. Ce n'est pas allé bien loin. » Je vois son regard se noircir. Ses orteils craquent, sa tête s'incline légèrement sur le côté. Je connais ses signes: ils annoncent une montée de colère. C'est cruel, mais le spectacle de sa douleur me fait du bien. Maintenant, c'est lui qui morfle. Je rajoute des détails, j'en invente, pour appuyer là où ça fait mal. Telle période où tu me croyais en voyage avec untel, j'étais avec Fally. Tel moment où je te disais que j'étais au travail, j'étais avec Fally. Au fond, chaque minute de mon temps libre était tout entier consacré à Fally. À la fin de mon exposé, c'est tout juste si Fally et moi n'avions pas marché sur la lune. «J'espère que tu vas me pardonner», dis-je en guise de conclusion. Je n'ai plus qu'à attendre le prononcé de la sentence. Samuel coupe la caméra de son iPad. J'essaie de lire son ressenti dans ses yeux. J'y lis une douleur intense. Après unbref silence, il prend la parole. «Comment te sens-tu?–Libérée d'un poids.» Je ne l'ai jamais vu aussi mal. La seule fois où je l'ai vu pleurer, c'était après un match raté des Lions pour la qualification à la coupe d'Afrique des nations. Son expression de douleur est la même, mais il parvient à retenir ses larmes. Je le vois se relever, s'asseoir, se relever à nouveau. Il est KO. Finalement, il se sert un verre d'eau, et s'autorise encore quelques secondes de réflexion. Voilà, mon juge est prêt à rendre son verdict. «Je te pensais tellement amoureuse. Je n'ai rien vu venir. Mais moi aussi je t'ai fait du mal. J'ai fréquenté d'autres femmes. Tu m'as interrogé à New York sur une certaine MarieChristine. Elle tient une agence d'hôtesses au Cameroun et me fournit des prostituées pour mes jeux sexuels. Voilà. Je suis désolé. Je n'ai pas de leçons à te donner. Je te pardonne. En revanche, je ne pardonne pas à Fally. Je veux qu'il paye. Vous allez vous revoir dans l'intimité, tu vas prendre des photos de lui nu, et tu vas me les envoyer. Ce que j'en ferai par la suite ne te regarde pas. Après quoi, toi et moi pourrons repartir sur des bases saines. » Je suis abasourdie. Samuel me rend mes téléphones et mes cartes mémoire. Mon stock de messages est intact mais nos photos ont disparu. Son jugement est rendu, il n'y a pas d'appel possible. Je reste à Londres cinq jours de plus, à la demande de Samuel. Il n'a pas voulu me rendre mon passeport. J'aurais préféré rentrer au pays, mais je n'ai pas osé le contrarier. Le séjour se poursuit dans une ambiance étrange faite de rancœur enfouie et de complicité surjouée. Le lendemain de mes confessions, il m'invite à le suivre au camp d'entraînement de Chelsea. C'est un grand vaisseau de verre et de bois perdu dans la nature. Pendant qu'il s'échauffe, je déambule dans les couloirs, éblouie par les vitrines de trophées et les portraits des joueurs accrochés aux murs. Samuel me rejoint dans la salle du restaurant pour prendre le petit-déjeuner. J'aperçois, assise à côté de nous, la légende vivante du foot anglais John Terry. Le capitaine et défenseur du club londonien partage le repas avec ses deux enfants, deux faux jumeaux de six ou sept ans dont une petite blonde à queue-de-cheval jolie à croquer. Cette scène de bonheur m'offre une pause bienvenue, à la fois tendre et émouvante, au milieu de la crise violente que Samuel et moi traversons. Ce dernier en profite pour me parler de ses rapports avec Mourinho. Le climat entre les deux hommes s'est tendu, l'attaquant se sentant délaissé et se plaignant du caractère trop autoritaire du coach. «Il faut dire que moi aussi j'ai une personnalité assez forte», complète-t‑il. J'aurais du mal à prétendre le contraire. La semaine s'écoule, plus paisible que je ne l'aurais imaginé. Sur le trajet qui m'amène àl'aéroport, Samuel me rend mon passeport comme on donne un bon point. «Au fait, tu en es où pour les photos de Fally?» m'interroge-t‑il. Je pensais que cette idée saugrenue avait été lancée sous le coup de l'énervement et lui était sortie de la tête depuis lors. Je suis prise de court. «Je les ferai au Cameroun. Ce sera plus simple.» Ma réponse improvisée n'a pas l'air de lui déplaire. À mon retour à Yaoundé, j'ai la sensation d'avoir passé une semaine plongée dans un mauvais rêve. Mais bizarrement, mes sentiments à l'égard de Samuel sont plus équivoques que je ne pensais. Je n'ai rien oublié de sa brutalité verbale et parfois physique, et pourtant, la fin de mon escapade londonienne a amorcé un début de normalisation dans nos rapports. Je ne suis plus amoureuse de lui, mais je mentirais si j'affirmais ne pas ressentir une certaine affection à son égard. Peut-être que ces derniers moments passés sans aucune dispute m'ont simplement rappelé nos jours heureux. Je dois aussi avouer que l'entendre reconnaître ses torts et s'excuser m'a chamboulée. C'est si rare de sa part. Pendant les semaines qui suivent, Samuel ne perd pas de vue la mission qu'il m'aconfiée.Ilmerelancefréquemment sur les moyens que je compte déployer pour arriver à ses fins. Je suis coincée: je n'ai aucune envie de mener son projet à bien, et dans le même temps, faire la sourde oreille m'exposerait à d'imprévisibles représailles. La seule échappatoire possible est de lui faire croire que j'ai la ferme intention de remplir son objectif, d'échafauder un semblant de stratagème, puis de lui rendre compte, faussement dépitée, de mon échec final dans cette entreprise. Nous serons quittes, et je pourrai enfin retrouver ma liberté. À l'occasion de l'une de ses nombreuses relances, j'esquisse une ébauche de plan : «Fally est en concert à Yaoundé, le 22 décembre. Voilà une belle opportunité.» De fait, j'avais de toute façon prévue de m'y rendre et d'en profiter pour voir Fally. Si des témoinsnoussurprennent,Samuelauralaconfirmation que j'étais bel et bien présente au côté du chanteur, et mon baratin n'en sera que plus crédible. La veille de son arrivée au Cameroun, Fally prend contact avec moi, et nous convenons de nous retrouver directement au Hilton le lendemain. J'enfile une belle robe bustier noire et le rejoins dans sa chambre en début de soirée. Nous sommes heureux de nous revoir. «Salut Cooper, comment ça va?» me lance-t‑il avec son sourire le plus éclatant. Ce surnom était né quelques mois plus tôt de ma passion dévorante pour la Mini Cooper, dont l'un des modèles constituait la photo de profil de ma messagerie Blackberry. Fally avait utilisé ce gentil sobriquet dans l'une de ses chansons sortie quelques mois plus tôt, Service, où il évoque en fin de morceau «Nathalie Koah Cooper facile à garer». Plus tard, lors de la médiatisation de ma liaison avec Samuel, les Camerounais utiliseront cette anecdote pour railler la prétendue légèreté de mes mœurs. En vérité, comme l'explicitera d'ailleurs Fally dans une interview, «facile à garer» est une expression congolaise populaire qui s'applique à une personne facile à vivre, pas du genre encombrante. Je l'avais pris comme tel, et le clin d'œil m'aamuséeautant qu'il m'a flattée. Sans plus attendre, je préviens Samuel par texto que j'ai retrouvé l'artiste comme prévu. Le footballeur se réjouit. «S'il faut que tu couches avec lui, n'hésite pas.» Sa perversité est intacte. Connaissant le personnage, je me demande si c'est la perspective de voir sa vengeance accomplie ou celle de m'imaginer dans le lit de Fally qui l'excite à ce point. Dans tous les cas, si je n'ai aucune intention d'aller au bout de ses folies, je ne peux pas revenir les mains vides de mon expédition. Samuel ne me lâchera pas tant qu'il n'aura pas, sinon la photo tant attendue, du moins une preuve de ma bonne volonté. Il va falloir la jouer fine. Je n'ai rien avalé de la journée. Fally me commande un hamburger à la réception. Pendant ma dégustation, il met un morceau de rumba et se met à danser sans se départir de ce sourire accroché en permanence à son visage. Comment pourrais-je faire du mal à cet homme? J'élabore une stratégie du moindre mal en un battement de cil. Je dis à Fally qu'il est tard, que j'embauche demain matin à 6 heures, et qu'il a de son côté un concert à préparer. Il acquiesce, part se changer dans la salle de bains, et revient s'installer au lit en caleçon. Je m'allonge près de lui pour lui faire un bisou, et j'en profite pour faire un selfie de nousdeux. Il se prête au jeu avec amusement. Je repars de l'hôtel, fière de mon stratagème. La photo témoigne d'une évidente proximité et nous présente ensemble sur un lit en tenue légère. Je ne sais toujours pas ce que voudra en faire Samuel, mais il ne pourra qu'admettre mon investissement sincère dans la mission qu'il m'a confiée. Sur le chemin du retour, je lui transmets le cliché par BlackBerry Messenger avec le commentaire suivant: «C'est le maximum que j'ai pu faire. J'espère que ça te conviendra. » Sa réponse douche mes espoirs. «Je t'avais dit que je voulais une photo de lui nu. Complètement.–C'est impossible. Je ne peux pas t'avoir ça.–Tu ne peux pas ou tu ne veux pas?–Tu vois bien que j'ai fait le job. Je suis allée le voir pour toi. J'ai pris une photo de lui presque nu. J'ai pris des risques. Tu n'auras rien de plus.» Silence. Rideau. J'entame l'année 2014 plus sereine que jamais. Pour moi, la page Eto'o est définitivement tournée. Sur le plan sentimental tout du moins. En réalité, nos liens ne sont pas complètement rompus. L'épisode malsain des photos de Fally expurgé, et nos rapports étant depuis lors pacifiés, je m'accommode de l'idée de pouvoir faire de Samuel Eto'o un ami. Peut-être pas celui que vous appelez le soir pour confier vos peurs intimes et vos angoisses profondes, mais un compagnon de jeu et de rires de circonstances. Nos disputes à répétition et l'intensité qu'elles ont pu avoir ne s'effaceront jamais de ma mémoire, mais le temps a fait son œuvre. Je suis consciente qu'il serait plus sain de couper les ponts, mais je ne peux pas m'y résoudre. Comme après chaque crise violente, Samuel se montre affable, prévenant, repentant. Lorsqu'au premier trimestre, il nous prend de nous revoir quelques jours à Londres et à Paris, il n'est plus question de Fally, de vengeances, ou de tromperies. Seule reste la complicité qui nous a toujours unis. À Londres, pour mon anniversaire, il m'offre une montre RolexDatejustenorrosesertiedediamants.Valeur: 25 000 euros. Superbe objet, mais pas mon style. Je me surprends à lui dire qu'elle ne me plaît pas trop, comme si je n'avais plus besoin de faire semblant. Le lendemain, nous nous envolons en jet pour Paris, où Frédéric Bongo, le frère d'Ali, le président du Gabon, se marie selon les traditions. Le vol est émaillé de fortes turbulences. Mon footballeur est terrorisé : à chaque secousse, il m'agrippe la main et répète en chuchotant «A djob djem, a djob djem» qui signifie «Mon Dieu» en bassa. Cette fragilité inconnue m'attendrit. Avec ce nouvel équilibre, c'est tout un pan chaotique de ma vie qui disparaît. Le reste est à l'avenant: ma famille, mes amis, mon travail, le tableau, sans être toujours parfait, est complet. Ducôté de la carrière de Samuel, le bilan est plus mitigé. Le 19 janvier, il inscrit un triplé –le fameux hat-trick –lors d'un match de championnat contre Manchester United, un exploit qu'aucun Blues n'avait réalisé depuis soixante ans, preuve qu'il a encore du répondant. Ses problèmes avec Mourinho ne sont pas réglés pour autant. L'entraîneur continue de lui mener la vie dure, en limitant son temps de jeu au profit des jeunes talents de l'équipe. Au mois de février, c'est le clash. Lors d'une interview télévisée, et alors qu'il croit son micro coupé, le coach portugais ironise sur l'âge supposé de Samuel, plus avancé que ce qu'il prétendrait. «Il a trente-deux ans, peut-être trente-cinq, je ne sais pas. » La boutade n'est pas du tout du goût de Samuel. «Ce type est un connard», commente-t‑il lors d'une de nos conversations. Le sujet est sensible, car la rumeur tenace. Pour ma part, je pense avoir résolu le mystère lors d'une de nos précédentes escapades amoureuses. À chaque hôtel où il réside, Samuel entrepose d'énormes sommes d'argent en liquide dans le coffre de sa chambre. Le code qu'il choisit est toujours le même: 1976. Son année de naissance? C'est maconviction. Si tel est le cas, cette date le vieillirait de cinq années, puisqu'il a toujours affirmé être né en 1981. Je n'ai jamais osé le lui demander frontalement, car la déduction m'est toujours apparue logique, et la question beaucoup trop taboue pour pouvoir être abordée calmement. Fin mars, Samuel m'annonce au téléphone qu'il part au Portugal pour un stage de préparation avec les Lions indomptables. L'ambiance au sein de l'équipe nationale camerounaise n'est guère plus réjouissante qu'au sein du Onze londonien. «Je n'aime pas les sorciers», me répètet‑il en boucle. «Les sorciers», c'est le surnom qu'il a donné aux coéquipiers avec qui il ne s'entend pas, à la tête desquels figure Alexandre Song, son ennemi juré. Ce dernier est le neveu de Rigobert Song, monument national au Cameroun, et ancien capitaine des Lions, qui a perdu son brassard quelques années plus tôt au profit de Samuel. Un épisode vécu comme une «trahison» par le clan Song. Face aux «doyens» dont il se méfie, l'attaquant se rapproche de Jean II Makoun et Achille Webo avec lesquels il forme le bloc des «innocents». Les tensions entre les joueurs ont vite fait de rejaillir sur les résultats, l'équipe échouant à se qualifier deux années de suite pour la CAN, en 2012 et 2013. Consciente des instants difficiles qu'il s'apprête à traverser, je lui envoie un message de soutien le premier jour de son stage, en lui conseillant de rester avec ses amis. Je travaille alors de nuit, de 18 heures à 1 heure du matin. Le lendemain, juste avant ma prise de poste, je m'enquiers par texto de l'atmosphère au sein des Lions. «Ça va», répond Samuel dans un message sec qui ne lui ressemble pas. Je n'ai plus de nouvelles jusqu'au troisième jour. Lorsque j'arrive chez moi, épuisée par ma journée à l'aéroport, Samuel m'appelle et vide son sac. «Je savais qu'il y avait un complot contre moi. Un complot auquel participe Fally. » En entendant le nom du chanteur, je comprends que la discussion va être houleuse. Je suis loin de m'imaginer à quel point. «De quoi parles-tu? Pourquoi est-il encore question de Fally ?–Ce matin, quelqu'un est venu me raconter que Rigobert Song avait mandaté Fally pour coucher avec toi simplement pour le plaisir de me faire du mal.» Je n'arrive pas à réprimer un rire. Dans quelle histoire tordue tente-t‑il une nouvelle fois de m'embarquer? «Écoute Samuel, calme-toi, ça n'a absolument aucun sens.–Au contraire, c'est lumineux. Ce Fally est venu empiéter sur mon territoire. Si tu as encore un peu d'amour pour moi, tu dois te sacrifier. Je veux que tu fasses les photos. Je veux ma vengeance.» Tout allait si bien depuis trois mois. En un éclair, le Samuel que je déteste refait surface. L'homme jaloux, colérique, paranoïaque, agressif, que j'avais presque fini par occulter. Je pensais pouvoir faire de lui un ami. Ça n'arrivera pas. Il va falloir l'effacer de ma vie. «J'en ai marre de nos problèmes. Tu ne changeras jamais. J'ai donné. Oublie-moi. » J'espère du plus profond de mon cœur que cette énième altercation est la dernière. Aussi incroyable que ça puisse paraître, j'ai toujours de l'affection pour Samuel. Je n'ai juste plus le courage de la porter. Pendant cinq ans, on s'est aimés, on s'est détestés, jusqu'às'épuiser. Notre couple défunt mérite de reposer en paix. Une semaine passe. Mon refus semble avoir été reçu et digéré. Du moins le croyais-je. Le jour de la fin de son stage au côté des Lions, Samuel ressurgit dans ma vie. Voir son nom s'afficher sur mon écran ne provoque plus chez moi qu'un sentiment de lassitude. «Tu as passé une bonne journée?–Oui, ça va.–Je suis en train d'acheter une montre. J'hésite entre deux modèles. Je vais t'envoyer des clichés de la boutique pour que tu m'aides à choisir.» Son dilemme m'indiffère à un point qui m'étonne moimême. Bien entendu, ce n'est qu'un leurre: sa prise de contact n'a en réalité rien à voir avec ces tergiversations horlogères. «Au fait, tu as pu faire les photos de Fally?» Ce n'est plus une obsession, c'est de la monomanie. Quand va-t‑il enfin cesser de revenir à la charge? «Merde! Tu m'entends? Je n'ai pas les photos. Je ne les aurai jamais parce que je ne les ferai jamais.–Tu as jusqu'à la fin du mois pour les obtenir. Sinon, commence à courir.» Ces menaces ne m'impressionnent plus. Je suis déjà passée par là. J'en ai bavé, mais j'ai survécu. Il n'aqu'à appeler ses copains des forces de l'ordre. Je connais le chemin. J'enfonce le clou. «Tu ferais mieux de passer à autre chose. N'insiste pas. C'est non.» Sa réponse n'est pas une menace. Elle est une promesse. «Alors observe. »
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REVENGE PORN. Foot, sexe, argent: mon témoignage ex de Samuel Eto'o
RomanceFoot, sexe, argent: mon témoignage ex de Samuel Eto'o: HISTOIRE VRAIE