Partie 16

4.8K 573 249
                                    

Suleyman :

Devant la fenêtre, le réflexe de réfugié sans papier me colle à la peau, cette errance m'a rendu anxieux et inconsciemment, je me mets de profil de peur que l'on me remarque. Etre sur ses gardes une règle de survie que j'ai très vite assimilée. La peur au ventre, la peur que l'on vienne nous attraper Yanis et moi, à chaque instant par dénonciation, ou contrôle banal sur la voie public​. Sans papier, vous êtes un réfugié​ dont le seul crime est de vouloir rêver d'un monde meilleur pour l'avenir de votre enfant. Je ne suis qu'un fantôme serviable, à la merci du premier venu. Vivre dans une dignité sans être esclave de la misère, c'est mon seul rêve.

Chaque sirène, chaque uniforme, chaque représentant de l'ordre sont devenu des phobies à tel point que j'ai l'impression d'être redevenu un enfant à qui l'on fait peur en évoquant le terme « police ». S'il n'y avait pas Yanis, même si je me fais attraper cela ne serait pas trop grave. Mais pour le sacrifice de Soraya et tout​t​ ce que l'on a éprouvé avec Yanis, il est hors de question que l'on nous remette dans le premier charter pour Kaboul. Nous avons donné une vie comme sacrifice, j'ai perdu ma perle dans les eaux troubles de l'indifférence d'une humanité qui se meurt là où les migrants qui viennent s'échouer sur les vagues des préjugés voir même de la haine des pays dit soucieux des droits de l'Homme.

J'aperçois à travers la fenêtre un accident de la route, deux voitures en collision, une Mercedes classe A et une Audi A8. Je n'ai pas vu les circonstances de l'accident, mais je peux percevoir deux familles en train de s'invectiver à coup de nom d'oiseau. Je distingue une famille musulmane au voile de la femme et une famille juive à la kippa des hommes. À chaque croyance sa tenue, signe d'appartenance à une communauté, à une histoire qui se perpétue au travers des siècles. La diversité est une richesse inestimable. Qui n'a pas été un jour intrigué par la barbe, les papillotes, le chapeau ou encore le manteau noir porté par certains juifs. Une chose étonnante qui me frappe aux yeux, depuis là où je suis, ils sont tous habillés​ avec des vêtements de cérémonie. J'essaie de décoder à partir de leurs tenues à quelle tendance où origine ils appartiennent. Le Talit ainsi que le châle de prière, est un élément essentiel dans la tradition juif et dans la vie du croyant. Tout comme le sont les Tsitsit, ces franges accrochées aux quatre extrémités du Talit. Cela constitue avec les Téfilins ou phylactères la base commune de la tenue de prière nécessaire à tous les pratiquants du judaïsme. Un lien entre Dieu et l'homme qui reste le même quel que soit le pays où la terre montrant aussi l'appartenance à un peuple unique.

Le vêtement reste un signe d'appartenance visible pour tous. Dans la tradition juive, seule une loi reste en observance pour la majorité des juifs c'est celle de ne pas porter un habit confectionné de quelque manière que ce soit en laine et en lin mélangé(le Chaatnez).

Signe de reconnaissance vestimentaire qui perdure dans le temps et est commun à tous les croyants du judaïsme : la Kipa. Ce petit chapeau que l'on porte avant d'entrer à la synagogue, que l'on soit juif ou pas, symbole de l'humilité de l'homme devant Dieu....

Je perçois soudain, Sarah au balcon avec un kimono de satin, j'en oublie presque l'accident, elle est rayonnante, je suis troublé​ de la voir habillé​e​  ceinturé​e​ à la taille. Ses formes sensuelles sublimées par la légèreté du voile en satin, laisse transparaître sa féminité irrésistible. Je ne l'ai jamais vu avec une tenue aussi légère et sensuelle.

Mon Dieu ! Comme résister à cette femme callipyge où chaque centimètre de son corps éveille les sens du désir. Ses courbes parfaites me donnent le tournis au point d'​oublier que je ne peux abuser de ce premier regard qui m'est permis en Islam. Je me ressaisi pour me forcer à observer l'accident. Sarah ne pouvant voir correctement la scène de sa fenêtre longe le balcon haussmannien pour arriver à la hauteur de la fenêtre de la chambre Saint Exupéry. Elle se retourne furtivement par-dessus son épaule.

Le dernier trainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant