Partie 30

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Me voilà pieds et poings liés, les yeux bandés, allongé sur le côté, je devine que je suis dans un coffre, la sensation de vitesse et les virages me donnent envie de vomir, je résiste tant bien que mal. Pendant que mon corps souffre mon esprit est à la prière, je cherche en moi qu'est ce que j'ai fait de mal pour finir dans cet état. En moi une litanie s'impose « Ya Allah quelque soit ma faute pardonne moi mes erreurs et accorde une chance pour devenir meilleur, accorde moi le droit de voir mon fils grandir, accorde moi la possibilité de remercier Sarah » ...

M'oubliant un instant, mes pensées vont à Yanis, Sarah et Fatima. Est ce qu'ils vont bien ? Sont-ils hors de danger ? ... l'angoisse me rend très vulnérable et sensible à la moindre secousse. À chaque mouvement brusque, je ne peux m'empêcher de répéter « Allah Akbar ! (Dieu est Grand !) »

Au rythme des bosses et des virages infernales, depuis mon réveille, je suis complétement déboussolé, je ne sais pas quelle heure est-il, où je suis, mais surtout à qui j'ai à faire ? Je retourne la situation de mille façons et j'imagine tous les scénarios plausibles, les renseignements Afghans, la CIA, les services secrets Français, la mafia... en vain, je n'arrive pas à trouver une logique, une explication ...

Tel un navire sur le point de chavirer, mon âme en danger se retrouve plus enclin à la foi, au rappel vers Allah, j'ai l'impression de revivre cette nuit terrible du naufrage... mes supplications brisent le silence infernal qu'impose le chaos qui règne dans le coffre.
Depuis mon départ du camp de réfugiés me suis je éloigné de mes principes, de ma spiritualité ? Est une manière de vivre sa pénitence ? Ne dit on pas, lorsqu'Allah aime sa créature il lui offre plus d'épreuve pour l'élever davantage...

La chaleur me donne soif, je ressens les mêmes sensations de déshydratation que lors de cette traversé de la Méditerranée, ce lieu qui réunit le sublime et l'horreur pour l'immigré réfugié que je suis.
J'ai beau me débattre pour me détacher les mains, c'est mission impossible. La corde est trop serrée, mes tours de poignets me font horriblement mal, mais que faire ? Je ne peux même pas crier et appeler à l'aide, je ne peux respirer que par le nez ... cette sensation de n'exister que par l'esprit est terrible. J'ai le sentiment d'être un objet habité par une conscience. 

Après un trajet interminable, secoué dans tous les sens, la voiture s'arrête enfin, mon corps me fait sentir les courbatures, j'ai qu'une hâte, comprendre qui sont ces gars, qu'est-ce qu'ils me veulent ? Mon coeur s'accélère les implorations et les prières se pressent dans ma tête créer une confusion dans mes priorités de quêtes,  durant ce trajet je me rends compte que le mot « Allah » m'a habité comme jamais. Est ce la crainte de mourir ? De perdre les derniers être qui me sont chères ?

J'entends les portes de la voiture claquer, je distingue trois voix d'homme et une femme... l'un d'eux demander à la femme :

- " T'as vérifié que personne ne nous a vu rentrer ? "

- " T'inquiète pas tout est ok, il n'y a pas un chat à dix kilomètres à la ronde"

Là je me dis, la situation est grave, je suis dans un no man's land, comment je vais m'en sortir ?

- "  Très bien ouvrez le coffre et sortez le "

Le coffre finit par s'ouvrir, je sens deux bras me saisir violemment pour m'extraire. Lorsque soudain l'un des hommes me crie dessus avant de m'arracher le ruban adhésif sur la bouche :

- " Assis toi sale bâtard de terroriste! On va te faire la fête, tu as cru que tu allais nous échapper ! "

Je n'ai pas le temps de dire un mot que l'on me force à m'assoir sur la chaise, puis on m'enlève le bandeau des yeux. Le passage de l'obscurité à la lumière me fait mal aux yeux. Les mains toujours attachées dans le dos, je peux enfin voir des silhouettes ... un projecteur m'aveugle complètement, je suis incapable de distinguer les visages de mes ravisseurs. Je regarde autour de moi, je ne sais pas où je suis, mais j'ai l'impression que c'est une usine désinfectée, l'odeur du poisson me prend aux narines. Je déduis que je ne suis pas loin de la mer, mais impossible de confirmer quoique ce soit. J'évite de regarder en face pour m'épargner l'intensité de la lumière, mon regard se porte sur la pièce qui semble large et pourvu de plusieurs accès tous condamnés.

Le dernier trainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant