Jour de rentrée

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Tristan était assis sur son lit. Le torse nu sous les couleurs matinales, il était plongé dans un livre. Son regard ébène parcourait avec intérêt les lignes illustrées par d'étranges symboles. Il releva la tête lorsqu'il reconnut le cliquetis du verrou de la salle de bain. Des bruits de pas se rapprochèrent avant qu'il n'aperçoive sa sœur jumelle, Kaeïra, dans l'entrebâillement de la porte. Elle séchait ses cheveux à l'aide d'une serviette.

− Tu peux y aller, sourit-elle.

− Ouais.

Tristan ferma son ouvrage, laissant apparaître le titre "fondements de la magie". Il décroisa les jambes et se leva pour le déposer sur une commode où traînaient quelques bougies et un petit encensoir. Tandis qu'il saisissait son matériel de toilette et se rendait dans la salle de bain, Kaeïra entrait dans la chambre voisine aux teintes mauves et bleutées. Elle entreprit de faire quelques étirements puis elle farfouilla dans son armoire à la recherche d'une tenue convenable pour son premier jour de cours.

Optant pour une tenue décontractée, elle attrapa son sac à dos et se glissa dans la chambre de son frère. Elle s'empara du livre de magie et le rangea dans sa besace. Elle dévala les escaliers menant au salon avant de se rendre dans la cuisine. Elle y embrassa son père, un grand brun à l'image de son frère, occupé à lire le journal ainsi que sa mère, une femme svelte habillée d'un tailleur noir.

Kaeïra saisit un toast et un couteau. Elle laissa tomber son sac au sol et s'attabla.

− Prête pour ta rentrée en terminale ? lui demanda sa mère.

− Bah tu sais, c'est une rentrée comme une autre, répondit l'adolescente en étalant du beurre sur sa tartine. Faut juste qu'on se fasse de nouveaux amis, mais c'est pas ce qu'il y a de plus dur à faire. Et puis, cette ville est sympa ; on y trouve bien plus de trucs intéressants que là où on était.

− Je suis contente que tu le prennes comme ça. Et puis, vous pourrez toujours voir vos anciens copains pendant les vacances.

− Ouais. T'en fais pas, on va pas t'en vouloir parce que t'as été mutée. Au contraire, on est contents pour toi.

− Merci, sourit la femme en servant Kaeïra en jus d'orange.

Elle leva les yeux vers le plafond et s'écria.

− Tristan, ne sois pas trop long, que tu aies le temps de déjeuner !

Un faible "ouais" fit écho dans la demeure.

− Eh bah ! s'exclama le père, toujours derrière son journal. Il y a de l'animation à Rakia. C'est pas aussi calme qu'à Nantes, écoutez :

C'est peu de temps après la fermeture du musée d'art de la ville, alors qu'il s'apprêtait à quitter les lieux, que le directeur du bâtiment culturel, Hervé Gabay, a ressenti une forte secousse qu'il a, dans un premier temps, cru être un tremblement de terre. Se précipitant dans les galeries du musée, il a pu constater que les fenêtres étaient brisées et que de nombreuses toiles étaient à même le sol. Il a ensuite découvert dans le grand hall une dizaine de vigiles à demi dépecés. Les forces de l'ordre ont d'abord pensé à des bêtes sauvages. Cependant, les premières constatations laissent penser que des secousses aurait effectivement eu lieu dans ce musée et que les hypothétiques bêtes ne seraient intervenues qu'après cet incident, profitant de l'absence de sécurité pour pénétrer dans l'enceinte et s'en prendre aux gardiens. L'enquête est passée au rang de priorité, les policiers n'excluant pas l'hypothèse que tout ceci soit l'œuvre de criminels, d'autant plus qu'un jeune étudiant en archéologie, David Shang, occupant un poste de vigile, ce soir là, reste toujours introuvable.

− Des bêtes sauvages. Qu'est-ce qu'ils ne vont pas nous inventer, déclara-t-il en déposant le journal.

− On sait jamais, répliqua Kaeïra.

− En plein cœur d'une grande ville..., exposa son père. J'en doute. J'opterais plutôt pour des psychopathes.

Kaeïra reporta son attention sur son petit déjeuner alors que l'on pouvait entendre Tristan traverser le couloir de l'étage.

− Kaeïra ! C'est toi qu'as pris le bouquin ? s'écria-t-il.

− Ouais ! Il est dans mon sac !

Tristan descendit les escaliers avec calme et déposa sa besace sur le canapé. Il vint embrasser ses parents à son tour et mangea en leur compagnie. Kaeïra lui montra aussitôt l'article de presse qu'il parcourut brièvement. Sa lecture terminée, ils se fixèrent un instant.



Tristan et Kaeïra étaient debout dans le bus qui les menait au lycée.

− Tu crois que c'est naturel, ce qui est arrivé au musée ? demanda la sœur.

− Je sais pas. Toi, tu penses que non ?

− Attends, c'est la première fois qu'on tombe sur une ville où on trouve autant de livres et de boutiques de magie. Y'a pas mal d'églises et d'anciens sites en ruines. Je sais qu'on débute, mais avec le peu qu'on a lu, on peut se poser des questions, tu crois pas ?

− C'est vrai que Rakia semble pas être une ville comme les autres, mais on va pas s'en plaindre. Depuis le temps qu'on recherchait de vrais bouquins sur la magie...

Kaeïra fixait son frère.

− Tu penses qu'on regarde trop la télé ? s'amusa-t-elle.

Tous deux se mirent à rire.

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