Chapitre 2 - Grany - Lyon

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- Bonjour, Mme Lenoir ! Est-ce que vous avez ce que je vous avais demandé, s'il vous plaît ?

Micheline Lenoir était une femme âgée, frêle, on avait l'impression qu'elle allait tomber à chaque instant, s'écrouler sur le plancher, morte, mais je ne m'inquiètais plus car on croyait déjà à cela, il y plusieurs années. Elle s'habillait de longs châles aux couleurs sombres et de pulls en tissu usé par le temps, de grands bracelets entouraient ses maigres poignets. Seuls ses cheveux encore blonds qui descendaient en cascade dans son dos trahissaient sa non-appartenance aux Gitans, heureusement pour elle...

La boutique, quand à elle, reflétait parfaitement la personnalité de la vieille dame, toute droite sortie du passé, les murs en chêne massif - je le sais car elle s'en était en jour vantée - arboraient des lampes vétustes dont les ampoules de certaines avaient grillées. Une moquette éliminée rouge foncé, dont la poussière n'avait pas été faite depuis longtemps, était présente au sol. L'ensemble était rustique et autrefois, du moins avant la guerre, chaleureux car on sentait à cette époque une odeur de cuisine, de biscuits ou de chocolat chaud dans l'air. Désormais, ces denrées non indispensables étaient bien trop précieuses pour être utilisées quotidiennement et uniquement réservées à de grandes occasions ou encore pour amadouer les gardes allemands lorsqu'on souhaitait jouer sur le sort d'une personne.

- Ah Grany ! Je suis heureuse de te voir, cela faisait si longtemps ! Mais viens donc dans l'arrière-boutique, j'ai ce qu'il te faut, c'est arrivé il y a deux jours et je dois dire que t'attendais impatiemment pour pouvoir m'en débarrasser...

Je la suivis discrètement derrière la porte de bois qui marquait l'entrée de la salle. Sans lumière, elle était très sombre, noire comme la nuit, mais après avoir allumé la lumière, on découvrait une pièce aux murs remplis de reproductions de tableaux et du vieux parquet au sol.

Elle souleva une grande couverture usée, pour découvrir des nombreux paquets de feuilles et une dizaine de pots d'encre.

- Je ne pourrais jamais tout emmener en une fois, lui dis-je, je vais prendre seulement la moitié de chaque et je reviendrai dans deux jours chercher le reste.

- ... D'accord, répondit-elle après une courte hésitation, par contre je ne veux aucun ennui, je t'aime bien, Grany, mais si il y a le moindre souci, je te préviens, te dénoncer sera la seule solution pour moi et j'en suis désolée...

Je me vis alors emportée par la Milice, interrogée et torturée comme toute personne de mon rang dénoncée. A cette pensée, je frémis et tentai aussitôt de la chasser.

- Je vous assure que tout ira bien, merci à vous, dis-je en essayantv de maîtriser ma voix du mieux que possible.

Je sortai sous la pluie battante et  courus, tout en protégeant du mieux que je pouvais le précieux papier que contenait ma vieille sacoche de cuir, mon sac battant sur mes jambes, me gênant à chaque foulée, tournant dans les rues sans même les regarder tellement leur disposition étaient imprimée dans mon esprit. J'arrivai enfin dans la petite impasse où se trouvait notre "repère". J'ouvris la simple et fine porte de métal et déclara :

- Alors, les garçons, ça avance ? J'ai ramené le matériel !

Seul le silence me répondit...

The Night Of HopeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant