Des vies pour des millions [ EN PAUSE ]

Chapitre 5

Mila,
"Sanctuaire"

Un bruit particulièrement familier me tire de ma concentration : quelqu'un toque à ma porte. Il s'agit de ma mère, comme me l'indique sa voix chantonnante. Hmm, elle semble de bonne humeur ; je n'ai rien à craindre. Par automatisme, je retourne la feuille sur laquelle je dessinais ardemment et autorise l'entrée de ma génitrice. Je tourne sur ma chaise de bureau pour lui faire face quand elle pénètre dans la pièce. Elle me sourit d'un air espiègle. Qu'a-t-elle donc derrière la tête ?

— Installe-toi, je t'en prie, l'invité-je en lui désignant mon pouf gris clair – elle le préfère à mon lit : elle trouve ça "rigolo".

J'attends que ma mère prenne place avant de lui demander dédaigneusement de but en blanc :

— Tu m'veux quoi ?

— Tu n'es pas très affable, ma fille, pouffe-t-elle.

Elle se reprend bien vite devant mon indifférence.

— Je voulais savoir comment ça s'est passé avec Léo.

— Bien, me contenté-je de répondre.

— Je m'en doute bien, mais pourquoi est-il venu si tôt pour te voir ? Surtout que vous avez passé toute la journée ensemble, hier...

Oh, c'était donc ça.

— C'était pour m'informer de son départ imminent. Tu n'es pas sans savoir qu'il déménage, étant donné que tu as discuté avec sa mère quand elle est venue le chercher en voiture. Alors pourquoi cette question, maman ?

— Je sais tout ça, Mila, je sais qu'il s'en va loin. Et justement ! Je voulais juste savoir ce qu'il s'est passé entre vous avant que Rossio ne débarque dans ta chambre...

— Rien de spécial, il m'a juste annoncé la nouvelle.

— Rien de plus ?

— Rien.

— Vraiment ?

— Je t'arrête tout de suite, il n'y a rien entre nous.

Ma mère semble déçue, mais je sens qu'on en reparlera bientôt.
Léo et moi somme amis, c'est tout. Je n'aime pas l'idée que ma mère s'imagine des choses à propos de nous deux.
Celle-ci se ressaisit et me lance le plus simplement du monde :

— Je vois bien que tu es fermée à cette discussion avant même qu'on ait pu l'entamer, donc je n'insisterai pas. Pour aujourd'hui. Quoi qu'il en soit, prépare-toi : Julie arrive dans une demi-heure ! Il faut que tu sois présentable, m'avertit-elle avant de quitter la pièce.

C'est ce que j'appelle passer du coq à l'âne.

Enfin bon. Je soupire, déjà exaspérée par le dîner qu'on partagera en famille. J'aurais largement préféré être en compagnie de Léo et Rossio, mais ils sont partis depuis quelques heures déjà : l'un pour prendre l'avion, l'autre pour aider chez elle.

•  •  •

Mila,
À table

La lumière que diffusent les trois luminaires de notre salle à manger se reflète sur mon verre scintillant. Même ce petit détail insignifiant me captive plus que l'ennuyante conversation que mon exécrable sœur entretient avec nos parents. Julie me paraît aussi chaleureuse que le feu ardent dans lequel j'aimerais la brûler.

— Mila ? Tu vas bien ? Tu me regardes bizarrement, soulève-t-elle narquoisement.

— Oui, assuré-je aussitôt en affichant une expression aimable sur mon visage pâle.