L'ange et la jeune fille [Conte]

Chapitre 6 - L'ange et la jeune fille

Ici, beaucoup de mouvements, beaucoup de bruits beaucoup de gris et de couleur de suie. L'ange arrivait dans les villes, passait les murailles et entrait dans les maisons. Aucune porte ne lui était fermée. Puis il s'installait, juste le temps qu'il fallait.

Il devenait alors de nouveau teinturier, ou alors peintre, ou imprimeur, ou confectionneur d'encre et d'huile.

Il s'essaya à la musique, pensant les sons comme frères et sœurs des couleurs. Il y avait beaucoup de lumière dans sa musique, mais il comprit qu'elle était réservée à ceux qui avaient le sou. Même lorsqu'il jouait dans la rue, peu de gens s'arrêtaient pour écouter les couleurs.

Il aurait fallu jouer quelque chose qui les fasse danser. L'ange, lui, voulait jouer de la lumière.

L'ange prit plaisir à être crieur public, pensant les paroles comme fils et filles des couleurs. Mais il en fut déçu car parfois les paroles sont trompeuses.

Il ne resta que peu de temps écrivain itinérant, ne comprenant pas que les mots soient utilisés autrement que pour les lettres d'amour.

Il fut aussi cultivateur de fleurs pour les vendre sur les marchés. Il aimait ce doux mélange de senteurs et de couleurs.

Il s'essaya au métier de parfumeur. Il aima, car ainsi il se souvenait des fleurs. Cependant, son talent n'était pas de faire vivre les odeurs ; lui, il ne savait que voir ; lui, il n'était que couleurs.

Il s'amusa à être falotier ; un travail qui n'existe plus aujourd'hui. Avant, à la tombée de la nuit, il fallait que certains parcourent les rues pour allumer une à une les lanternes et les réverbères. L'ange aimait bien cette idée ; celle de permettre ainsi, au-delà du jour, de discerner un peu de couleur.