L'ange et la jeune fille [Conte]

Illustration X - Le falotier

Pour entrer dans la profession, il fallait faire ses preuves, quand bien même l'ange n'avait rien à prouver.

D'abord lampadophore, l'ange accompagnait les passants dans la nuit. Sablier à la ceinture et flambeau à la main, en sa présence le passage dans la ville endormie se déroulait sous de lumineux auspices. D'habitude, la peur et son ombre faisaient de la lumière une maigre consolation, mais avec l'ange, le voyage se faisait comme en plein jour.

Promut à un poste de plus hautes statures, l'ange fut porté aux portes de la ville. Il guettait dès que le jour s'en allait et que voulaient entrer les malfaiteurs. Seulement, ne tenant pas en place, il quittait son poste pour arpenter les ruelles sombres de la cité qu'aussitôt il éclairait de sa lueur. On dut alors le transférer dans la guilde des veilleurs de nuit.

A déambuler ainsi, promeneur solitaire, il finit par connaître les moindres recoins de la ville tentaculaire. Voulant profiter de ce talent, on lui confia la mission d'allumer un à un les falots sur son trajet.

Lorsqu'il se lassait de devoir changer les chandelles, l'ange recueillait un couple de lucioles qui se mettaient à danser dans les réverbères. Même lorsque huile, gaz et électricité finirent par remplacer les chandelles, jamais lumières ne scintillaient aussi joliment que les lucioles qui dansaient.

Avec le temps, le métier de falotier déclinait. La technique progressant, elle remplaçait insidieusement ceux chargés d'assurer le passage dans la nuit. L'ange voulut alors offrir à la ville un dernier cadeau. Au matin, caché par les rayons de soleil, il partit haut, très haut, loin derrière le voile bleu du ciel avant de revenir au crépuscule. Il déposa son présent sur le plus haut sommet de la plus haute tour, et à la nuit tombée, tous levèrent les yeux : la ville s'était mise à briller de mille feux.

Personne ne sut pourquoi on l'appelait la ville Lumière, personne ne sut, depuis, qu'une étoile veillait sur elle.