L'ange et la jeune fille [Conte]

Illustration XVII - Le peuplier

ô arbre

peu plié par les vents qui poussent la verticale en ligne courbe. Résistante et poussée toujours au plus proche d'elle-même, elle s'enroule vers son centre, en un point : l'essentiel. Les airs peuvent se jouer des contraires et alors le virage passe d'un sens à l'autre et il faut  ce pivot qui oriente le mouvement d'une révolution, jamais en boucle, et tendre en spirale vers l'infiniment grand en ce qu'il est infiniment  petit : l'essence-ciel.

ô l'arbre,

on peut plier la feuille du monde en ses angles donnant forme à l'origami de la vie. Au contact de l'argile les mains trouvent résistance des choses, c'est  bien, elles leur résistent, aussi. Et alors, l'échange de mouvements  prolonge la cime, renforce la branche, plonge la racine dans la parole de la terre.

ô mon arbre,

mon peuplier, je me suis fondu dans ton écorce et je ne t'ai pas écouté, je me suis perché sur ta branche et je n'ai pas chanté, préférant la hauteur de ma raide fierté, je me suis adossé à la recherche d'un soutien, sans l'avouer, et j'ai attendu, j'ai vu sans ça-voir, je t'ai arrosé de mes pleurs et me suis  caché sous tes feuilles, me protégeant du rien car j'avais peur de tout. Je viens à toi et te salue, sans l'espérance d'un retour, juste d'un bien.

ô notre arbre,

peuple lié autour de toi, nous  entendons et transmettons de bouche en bouche ton souffle aux mouvants.  Hommes parmi tant d'autres, nous avons suivi ce que nous avons su  comprendre, fait ce que nous avons voulu avec ce que nous avons pu,  debout, imparfaits, suivant les courbes de nos chemins et moi, homme parmi eux, je me couche sous ton ombrage. Ne te recouvre pas d'inutile, tu portes haut le ciel et sèmes la graine ; il lui faut du temps pour éclore, grandir, fleurir et qu'importe que ce soit en la fin tant que cela vient. La paix alors trouvée, je vais me reposer et nourrir de ma poussière la glaise qui dans les mains d'un autre transformera la terre.