Chapitre 6: On flirte sous la pluie.

1K 98 4
                                    

Il fallait qu'il le voit. Mais pour lui dire quoi ? «Bonjour Tom, je suis au courant que votre père a essayé de vous tuer quand vous étiez petit et que vous vous êtes acharné sur son corps à coups de couteaux. Ça vous direz de boire un verre ?» Sûr qu'il allait se sentir très à l'aise et lui confier tout ce qu'il avait sur le cœur.

Bon sang! Pourquoi Dumbledore était venu lui raconter le passé du jeune homme, de plus, en faisant semblant de respecter le secret professionnel inhérent à sa fonction ? Harry avait vu Tom comme quelqu'un de mystérieux et de captivant, mais il pensait que c'était une simple attitude d'adolescent de son âge qui désire se rendre intéressant. Ce qui ne l'avait pas empêché d'être tout à fait intéressé, il fallait l'avouer. De là à dire à Molly qu'il pourrait y avoir quelqu'un d'autre remplaçant Ginny dans son cœur, il avait peut-être mis la charuue avant les boeufs. Il connaissait très peu ce garçon. Et pour preuve, il découvrait son horrible passé sur internet après qu'un directeur un peu bavard lui ait soufflé de très explicites indications. Dumbledore voulait-il qu'il s'abstienne de revoir Tom pour ne pas risquer de le fragiliser psychologiquement, ou pour empêcher les penchants qu'il avait remarqué de se muer en relation ?

Une autre question se posait. Qu'avait-il à être obsédé par un garçon ? Harry savait qu'il s'était posé pas mal de questions vers ses quatorze ans, mais ensuite il était tombé amoureux de Ginny et avait relégué ces réflexions dans un coin obscur de sa mémoire. A la décharge du directeur, il fallait bien avouer que risquer de perdre sa femme, et de blesser un adolescent déjà fragilisé en lui faisant croire tout et n'importe quoi juste pour vérifier s'il aimait les hommes ou non... serait très égoïste de sa part.

Mais il voulait voir Tom.

Les raisonnements passèrent à la trappe et il prit sa voiture. L'orphelinat était à vingt minutes de route, mais Harry mit presque une demie-heure pour y arriver avec le déluge qui s'abattait sur son pare-brise. On était fin avril, mais il faisait un temps propice aux glaciales giboulées de mars. Comme si l'hiver se déchargeait une dernière fois de tout son mauvais temps avant le renouveau du printemps. Le jeune écrivain se plaisait à imaginer que les éléments se déchainaient contre sa décision.

Il ne prit pas le parking par peur d'être repéré par Dumbledore, ou un quelconque autre professeur, et se gara un peu en retrait de l'orphelinat. C'était vraiment la rase campagne. Il avait l'impression d'être dans un no man's land verdoyant et détrempé. Il imaginait le jeune garçon assis à sa gauche, le regardant intensément. Il fallait qu'il arrête de rêver et se secoue les méninges! Il était venu ici sur un coup de tête et n'avait absolument aucun plan pour attirer discrètement Tom à l'écart de l'orphelinat pour discuter. En supposant qu'il soit à l'orphelinat, bien entendu. Peut-être pouvait-il attendre ? C'était le soir et sans doute que les élèves sortiraient bientôt pour faire le mur ? Cependant, en bon écrivain de polars Harry avait l'esprit pratique. A 19h30, ils étaient sans doute plutôt en train de manger, et ne s'aventureraient sans doute pas dehors au vu du temps.

Il prit donc la décision de fureter au hasard dans l'école, en restant à proximité tout de même du bâtiment scolaire et administratif. Si on lui demandait des comptes, il dirait qu'il cherchait le bureau du directeur. Après tout hormis quelques têtes qui le connaissaient, et une assistante, la plupart du personnel de l'orphelinat et du lycée y étant rattaché n'allait même pas lui porter attention. Au mieux il croiserait par un hasard tout à fait fortuit le jeune homme et lui glisserait dans la main un bout de papier préparé à l'avance. Comme il n'avait pas de quoi écrire, il prit un eye-liner laissé par Ginny dans la boîte à gant et entreprit de gribouiller «je suis garé un peu plus loin à gauche en sortant du bâtiment C par la porte principale, rejoins-moi si tu as envie» en tâchant de ne pas faire de pâtes de mouche. N'était-ce pas un peu cavalier ? Tom n'allait-il pas s'imaginer que Harry était un vil satyre voulant profiter de lui et tirer son coup sur la banquette arrière, avant de le jeter comme un malpropre sous la pluie ?

Les lèvres d'un garçon.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant