Chapitre 9 : On se réveille seul au matin.

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Harry se réveilla, le bras endolori et frissonnant. Il regarda la chambre à la lumière du jour et nota seulement alors qu'il était seul. Il s'était bien sûr rendu compte de l'absence de Tom dans le lit, mais il n'avait pas vu tout de suite que les seuls vêtements qui traînaient aux quatre coins de la pièce étaient les siens. Puisque son bras lui faisait encore un peu mal, c'était peut-être parce qu'il n'était parti que depuis peu de temps. Harry essaya d'imaginer la scène du réveil à deux et en conclut que c'était sans doute mieux ainsi. Il n'aurait pas su quoi dire, comment se comporter... Tom était quelqu'un de spécial, pas quelqu'un avec qui on plaisantait l'air complice en prenant le petit-déjeuner un lendemain de baise. Du moins c'était l'impression qu'il donnait.

Harry fut frappé alors par une pensée qu'il n'avait pas réellement prise en compte jusqu'ici. L'orphelin était plein d'aplomb et parfois même un peu mystérieux, mais c'était encore un enfant qui se sentait seul. C'était un enfant qui avait vécu des traumatismes graves. Devait-il vraiment tenter une aventure avec lui ? Ce n'était pas avec un homme dont le mariage battait de l'aile que Tom devrait perdre sa virginité et connaître les jeux de l'amour, mais avec un adolescent de son âge. Bien que Harry soit encore en colère contre l'attitude de Ginny, il se souvint avec nostalgie de leurs premiers ébats dans le grenier de la maison des Weasley. Ils avaient composé un lit de fortune avec les couvertures de l'hiver entreposées là pendant l'été.

Harry chassa ces pensées. Maintenant que la tension du premier rendez-vous était retombée, il voulait avant tout sortir de ce manoir. Il avait la sensation d'être un étranger dans ses murs, une personne non désirée, comme s'il n'avait rien à faire dans ce lieu chargé d'un lourd passé. Harry avait toujours trouvé ridicule et dépourvu de bon sens qu'on puisse se sentir mal à l'aise dans une maison où un meurtre avait été commis et voilà qu'il se retournait fréquemment sur lui-même en cherchant le passage où il avait du égarer le reste de ses affaires. Il ne craignait pas que la maison soit hantée bien sûr, du moins pas au sens où un fantôme errerait entre les murs, mais il sentait la présence pesante de quelque chose qui le perturbait. Après tout peut-être que les légendes de châteaux hantés par de malveillants ectoplasmes prenaient leur source dans ce malaise difficile à définir.

Harry finit par retrouver son chemin et sorti après avoir cherché en vain son pull pendant dix minutes. Encore hébété de sa courte nuit et du trajet du retour, il fut stupéfait en arrivant devant sa porte de voir écrit «pédéras» en grosses lettres rouges. Il se rappela alors les événements de la veille. Apparemment la police était arrivée avant que Ronald n'achève son œuvre. C'était étrange de voir le mot écrit en presque toutes lettres. Alors ça y était ? Il était homosexuel ? Il aimait les hommes ? Harry laissa échapper un petit rire. Il ne savait même pas si les femmes ne lui faisaient plus d'effet.

Il se déshabilla prestement afin de prendre une douche chaude. Il pensait encore à Tom. Ils avaient été si proches pendant une bonne partie de la nuit... Harry était venu dans cet orphelinat pour adopter un enfant avec sa femme. Maintenant il vivait séparé d'elle et avait rompu le dernier fil qui le rattachait à son ancienne vie. Même s'il n'avait pas d'avenir avec Tom, il ne pourrait jamais revenir en arrière. Il fallait qu'il essaye de régler ça à l'amiable, il ne voulait pas partir en claquant la porte. S'il voulait se donner une chance de ne pas abandonner le jeune homme, il fallait qu'il fasse le deuil de ses jeunes années. Il ne voulait pas savoir Tom se sentir seul dans ce manoir glauque, ou dans une chambre d'orphelinat.

Harry avait du mal à assimiler tout ce qui s'était passé depuis deux semaines. Tout s'était accéléré trop vite ces derniers temps. Il prit une aspirine et décida de se distraire un peu de ses sombres pensées, sachant pertinemment qu'il n'arriverait pas à dormir. Il appela Luna pour l'inviter à manger à midi et elle accepta volontiers, promettant d'amener le dessert. Il passa ensuite un autre coup de téléphone. Il savait qu'il tomberait sur le répondeur à cette heure-ci et laissa un message demandant de l'aide pour aller acheter des meubles et les monter jusqu'à son appartement. Avec un peu de chance l'ancien professeur de piano de Luna aurait la bonne idée de passer après ses cours à domicile du samedi matin. Par un hasard fortuit il s'était révélé être un vieil ami de Sirius au temps où tous deux étaient à l'université, et il était toujours prêt à lui rendre service.

Les lèvres d'un garçon.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant