R O B B I E
Le talon de mes bottes claquent lourdement sur la planche de bois,alors que je quitte la visqueuse et répugnante boue qui a gagné le sol de la tranchée depuis maintenant deux jours. Lorsque je suis arrivé, il y a moins d'une semaine, la tranchée dans laquelle nous habitons (parce que oui, c'est malheureusement le mot), n'était qu'à moitié construite. Maintenant, on a fini par en faire un magnifique tombeau. On a creusé sur trois mètres de profondeur, créant un énorme fossé en zigzague sur plus de dix kilomètres, renforçant le parapet, qui fait face à l'ennemi, par d'immenses planches en bois, dans lesquels on a découpé des ouvertures, pour pouvoir tirer vers le no man's land. On a renforcé les murs de la tranchée à plusieurs endroits par des sacs de sable, parce que la terre est très meuble, et il arrive souvent qu'un pan du mur ne s'écrase et bloque la route. On a beau avoir recouvert le sol avec des caillebotis, histoire de ne pas se retrouver trop les pieds dans l'eau, la boue a repris ses droits et en a recouvert la moitié.
Je déteste cet endroit.
Je n'ai jamais voulu m'engager. Au pays, de l'autre côté de La Manche, ils disent que cette guerre sera bientôt finie, et seuls les plus braves étaient invités à partir pour le front. J'ai jamais voulu signer. Je l'ai compris le lendemain, quand je me suis retrouvé dans ce satané train, j'ai compris qu'en fait, cette guerre, elle est loin d'être finie, et qu'ils sont prêts à réquisitionner n'importe qui à envoyer crever là-bas. J'ai été enrôlé de force, et je suis en train de pourrir littéralement, de l'intérieur, comme de l'extérieur.
Ils te vendent la guerre comme un moyen de sauver ta patrie, de sauver des vies. Mais ils oublient de te parler de comment tu vas la vivre, toi, ta pauvre vie, sur le front.
On est en Septembre, même en Angleterre, il ne fait pas encore aussi froid, et pourtant, je suis gelé. Je frotte mes mains l'une contre l'autre, soufflant à l'intérieur, espérant récupérer un peu de sensibilité dans mes doigts gelés.
Il fait nuit, alors c'est plutôt tranquille. Aujourd'hui, on a eu un mort. Un idiot qui faisait pas attention, il a sûrement oublié qu'on était en guerre. Sa tête a dépassé de trois centimètres à peine de son poste de surveillance, il paraît qu'il voulait juste ramasser son paquet de clopes. Une balle dans la tête. Les Allemands sont bons. Leurs tireurs d'élites sont toujours aux aguets. Il paraît aussi que leurs tranchées sont beaucoup mieux que les autres. Paraîtrait même qu'ils aient l'électricité, et l'eau. Nous, on a des rats et de la boue, et des couvertures miteuses pleine de puces.
La nuit, c'est tranquille, on voit rien, on peut viser personne et donc encore moins tuer quelqu'un. On reste attentif quand même, j'ai entendu dire que les Allemands avaient la main facile sur le gaz. J'aimerais bien pouvoir piquer un somme, mais je crois bien qu'on va aller me demander d'établir des barbelés sur le côté nord de la tranchée. Il en manque, depuis l'obus qu'on s'est pris hier en fin d'après-midi. Le premier obus de ma vie. C'est une déflagration à t'en percer les tympans, et le souffle qui suit l'explosion, il te coupe la respiration au point que tu as l'impression de te noyer, alors que pourtant, l'air est partout autour de toi, mais tu l'aspires pas, il veut pas rentrer dans tes poumons.
J'ai tiré une fois, avant-hier, quand je suis arrivé, pour mon premier jour. J'ai déjà tiré, au camp d'entraînement, mais j'avais pas de cible vivante. Honnêtement, je ne sais même pas si je l'ai eu. Je saurais même pas dire qu'est-ce que je visais, exactement, c'est difficile de voir d'ici, une dizaine de mètres tout au plus. J'ai même trouvé ça bête de voir une silhouette dans le no man's land, comme ça, toute seule, mais le sergent, il a dit de tirer. Je suppose que c'est ça la guerre, on te dit de tirer, tu tires, peu importe pourquoi, parce que de l'autre côté, y'a un autre mec qui dit de tirer au mec qui est en train de te viser.
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World War Zombies
Science Fiction10 Septembre 1914, Bataille de La Marne. La guerre fait rage en Europe, et plus précisément en France. Les Anglais sont venus prêter main forte pour vaincre l'ennemi Allemand. Mais, lorsqu'en plein champ de bataille, une épidémie frappe le no man's...