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E D D A

Hilda s'approche de moi, alors que je garde mes yeux baissés sur l'homme trempé de sueur auquel je m'occupe. Il tremble de la tête aux pieds, ses draps enroulés autour de son corps meurtri, sa lèvre inférieure ne cesse de trembler et ses yeux entrouverts fixent le plafond, comme suppliant qu'il lui tombe sur la tête et ne l'écrase brusquement. J'essore l'éponge dans un sceau à mes pieds, tout en recommençant à la passer doucement sur l'un de ses bras. Je répète ce geste depuis une bonne dizaine de minutes, et pourtant, j'ai l'impression que la fièvre ne tombera jamais. Tout son corps est recouvert d'une fine pellicule de sueur, et son front est brûlant. Je ne sais pas exactement quelle fièvre l'a touché, mais son état empire au fil des heures, et c'est très inquiétant.

- Qui est-ce ? me demande Hilda, tout en se penchant vers moi pour éviter que les soldats autour de nous ne nous entendent.

Je jette un petit regard discret vers les deux soldats Anglais, qui inspectent un à un les vestes des blessés, à la recherche de leur collègue Français. Les Soldats sont dans un tel état qu'il est difficile de les reconnaître à leurs visages, d'autant plus que j'ai cru entendre que les deux Anglais ne connaissaient pas particulièrement le Français. Ils ont fait une annonce, en entrant, déclarant être à la recherche de Henri Dupuis, 5ème régiment d'infanterie, mais personne ne leur a répondu. Ils sont allés voir dans les trois autres infirmeries, et les voilà de nouveau dans celle-ci. Au regard blasé du soldat le plus âgé, je devine qu'être ici ne lui plaît pas, et qu'il est impatient de pouvoir s'en aller. Cependant, je suppose qu'ils ne pourront rentrer que lorsqu'ils auront trouvé le soldat blessé, sinon, ils n'insisteraient pas à ce point.

Alors que le Soldat qui répond au prénom de Jamie parle avec les blessés, leur demandant leurs noms et s'ils n'ont pas eu vent d'un blessé Français, l'autre se contente de jeter un œil sur les Soldats avec désinvolture, retournant le col de leur veste par moment pour s'assurer qu'ils soient Allemands. Plus je l'observe, et plus je me dis qu'il est bien dommage qu'un regard aussi beau que le sien ne soit gâché par tant de haine. J'ai vu son regard, caché par ses cheveux bruns qui lui tombent devant les yeux, j'ai vu à quel point il me détestait. Et ce qui m'a frappé, ensuite, c'est qu'en plus de sentir son regard sombre et haineux sur moi, je le ressentais plus profondément encore, je le ressentais en moi tout entier. Je sentais ses yeux me transpercer, de tout mon être, et répandre à l'intérieur de moi le dégoût qu'il semblait avoir en ma présence. J'en ai eu la chair de poule. Tout mon corps en à trembler, et pour le contrôler, j'ai dû serrer mes poings afin de planter mes ongles dans ma chair et me ressaisir.

Croit-il que parce que nous sommes ceux contre qui il se bat, nous sommes forcément les méchants ? Eux aussi nous tuent chaque jour, ils prennent la vie de l'un des nôtres. Ils enlèvent un fils à une mère, un mari à une femme, un frère à une sœur. Nous ne sommes ni bons, ni mauvais, nous pensons juste faire ce qui est bon pour notre peuple, et pour les gens que nous aimons. Personne ne m'a forcé à venir ici, si je l'ai fait, c'est pour venir en aide à ceux qui n'ont pas eu le choix. Chaque soldat ici présent n'a pas demandé à mettre en jeu sa vie de cette façon.

- Ils viennent chercher leur camarade blessé, apparemment, on a un Français dans une de nos infirmeries. La bataille de cette nuit a dû être rude pour que l'un d'eux se retrouve de notre côté des tranchées...

Hilda hoche la tête, elle n'arrive pas à détacher son regard des deux hommes.

- Les Anglais ont cette classe qui manque à certains de nos hommes, tu ne trouves pas ? me demande-t-elle soudain, la voix encore plus basse que tout à l'heure.

Pendant un moment, je me demande si je n'ai pas halluciné ses paroles, et je la dévisage, presque désapprobatrice. Elle m'observe un petit moment avant d'éclater de rire et de me donner une légère tape sur l'épaule avec le torchon qu'elle avait dans les mains. Je grimace en la fusillant du regard, n'appréciant guère son geste puéril.

World War ZombiesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant