R O B B I E
Ce Henri Dupuis me paraît très idiot, pour oser toucher de cette façon l'ennemie. Je le prends comme une forme de trahison, après tout, s'il est capable d'avoir cette forme d'inclination envers une Boche, ne pourrait-il pas ressentir de la compassion pour leurs Soldats et décider de les épargner ? Mais je ne m'attarde pas plus sur son cas, étant donné qu'il n'est qu'une couverture. Fort heureusement pour moi, il est toujours dans l'incapacité de parler, et je n'ai pas besoin de rester à son chevet trop longtemps. Je dois cependant faire quelques manières avec l'infirmière aux cheveux d'or, pour qu'elle voit en moi un vrai messager de paix, et non pas un espion. Mais il m'est particulièrement difficile de garder mon sang-froid, quelque chose chez elle me répugne, je n'arrive pas à mettre le doigt dessus. Si l'autre infirmière, dont la beauté jadis enfantine n'a que peu ternie, ne m'émeut pas, mis à part un certain sentiment agressif de part sa naturalité Allemande, cette Miss Edda Rosenwald ne saurait que me faire ressentir beaucoup trop de sentiments.
Alors qu'elle est occupée à laver un homme, une grande éponge dans les mains et un seau empli d'eau crasseuse à ses pieds, je m'approche d'elle. Le dégoût grandit à chaque pas, renforcé par l'état dans lequel se trouve l'homme. La moitié de son visage lui a été arraché, et les os de son crâne, brisés, se mélangent à la chair putride apparente. Il scrute les gestes de l'infirmière avec son unique œil, tandis que sa bouche, ou plutôt ce qu'il en reste, ne s'étire en un sourire peu accrocheur. Pourquoi ne lui mettent-ils pas un bandage, ou alors un masque, pour cacher l'atrocité de sa blessure ? N'est-il pas inhumain de laisser cet homme à la vue de tous ? Je ne suis même pas sûr que les gens qu'il a connu jadis puissent le reconnaître maintenant. L'homme ouvre la bouche, et pendant un moment, je ne crains qu'il ne se mette à nous faire l'horreur de nous parler, mais à la place, seul un filet de sang noirâtre s'échappe de ses lèvres et coule le long de son menton. Une bile se forme dans ma bouche, et je ne crains de me mettre à vomir sur le champ.
L'infirmière aux cheveux d'or s'en rend compte, et commence à lui parler en Allemand, sa voix pourrait être comme une mélodie apaisante si elle ne parlait pas en cette langue sauvage et barbare. Elle essuie avec attention le sang qui dégouline sur le menton et dans le cou de l'homme. Et, tandis qu'elle s'affaire, l'unique œil de l'homme se pose sur moi, elle le remarque, et donc, prend conscience de ma présence. J'observe un léger sursaut de ses épaules alors qu'elle tourne le visage et qu'elle distingue ma silhouette près d'elle. Elle se détourne un petit instant, ses épaules se soulèvent longuement avant de retomber, puis elle se retourne complètement vers moi.
- Que voulez-vous ? me demande-t-elle froidement.
Le changement de ton entre la façon dont elle s'adresse à moi maintenant et la façon dont elle parlait au blessé quelques secondes plus tôt est flagrante. Mais je ne m'en formalise pas, et baisse les yeux vers elle avec tout le dédain dont je peux faire preuve, et avec lequel je suis presque né.
- Le Soldat Dupuis sera-t-il apte à être déplacé une fois la trêve finie ?
L'effet de la trêve se sera bientôt dissipé, dans un peu plus d'une trentaine d'heures, elle ne sera plus d'actualité, et ils ne garderont pas Henri pour en faire un prisonnier et pour le torturer, je vais m'en assurer. L'infirmière m'observe un petit moment au travers de ses longs cils alors qu'elle lève les yeux vers moi. Je devrais me sentir grand, dominant, je devrais penser être celui qui mène le jeu, parce que je suis debout, que je la regarde de haut. Mais alors pourquoi n'ai-je soudainement l'impression que d'être un pion dans le jeu de quelqu'un d'autre ? L'infirmière lance un regard à Henri, qui s'est endormi depuis quelques minutes, et son regard se pose de nouveau sur moi. Elle essuie ses mains sur son tablier tout en se relevant.
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World War Zombies
Science Fiction10 Septembre 1914, Bataille de La Marne. La guerre fait rage en Europe, et plus précisément en France. Les Anglais sont venus prêter main forte pour vaincre l'ennemi Allemand. Mais, lorsqu'en plein champ de bataille, une épidémie frappe le no man's...