Chapitre 14

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Lorsque je débarquai de ma voiture lundi matin, je n'eus pas à chercher longtemps mes amis. Un attroupement bloquait le chemin jusqu'au banc de pierre. Et, cette fois, ce n'était pas parce que l'équipe de hockey de l'école avait remporté le dernier match. Ni parce qu'Emma était arrivée avec une nouvelle coiffure, ou encore de nouvelles bottes Gucci. J'essayai tant bien que mal de me frayer un chemin, mais je me fis éjecter du groupe. Et, franchement, cela m'a énervé au plus haut point qu'on m'ignore. Alors que je m'apprêtai à essayer de contourner le troupeau, j'entendis la voix forte de Sophia s'élever.

- Bon, cria-t-elle en faisant des gestes avec ses bras, circulez, allez! Vous ne voulez quand même pas les étouffer!

Les élèves, certains déçus et d'autres honteux, s'éparpillèrent rapidement sur le terrain de l'école. Lorsque Sophia me remarqua enfin, son regard s'éclaira.

- J'ai cru que tu n'arriverais jamais! s'exclama-t-elle. Je me suis presque brisée la voix à crier comme ça.

- Pourtant, je trouve que tu as très bien géré.

Pour toute réponse, elle m'adressa l'un de ses sourires qui donnait l'air de dire : « que veux-tu, je sais tout faire ». Étrangement, aujourd'hui, Soso avait l'air particulièrement... joyeuse. Non pas que d'ordinaire elle broie du noir, loin de là, mais c'était assez étonnant, et déstabilisant, au vu de la situation. Je la rejoignis néanmoins au banc, où se trouvaient les Carter. Je me dirigeai d'un pas hésitant vers Scott afin de l'enlacer, mais il me devança et me serra contre son torse, fort, très fort, au point où je ne pouvais même plus respirer, mais je ne me plaignis pas. En tant que petite-amie, je me devais de le réconforter.

Il se détacha alors doucement de moi, releva mon visage et me déposa un léger baiser sur mes lèvres pleine de gloss. Je lui fis un petit sourire et me tournai à contre cœur vers Emma. Je la pris dans mes bras. Lorsqu'elle se détacha de notre étreinte, je m'assis sur le banc, à côté de Scott.

- Au fait, lança brusquement ma meilleure amie, Emma, la prochaine fois que tu mettras une bonne heure à la salle de bain pour te préparer, mon père changera la poignée à verrou pour une poignée normale.

Alors que la concernée s'apprêtait à acquiescer, je lui jetai un regard interrogateur, totalement prise au dépourvu.

- Comment ça, avançai-je − bien que redoutant la réponse −, la prochaine fois?

- Eh bien, hésita la blonde, à cause de... Enfin, tu vois... Le truc c'est que la maison est toujours monopolisée par les agents. Donc, la mère de Sophia a bien voulu nous accueillir chez elle le temps que les policiers finissent leur boulot et que nous puissions enfin récupérer la baraque.

- Ah, je vois...

Je me sentais assez... blessée. Blessée dans mon orgueil, mais encore plus dans mon amour-propre. Ce n'est pas pour me venter, ni pour rabaisser ma meilleure amie, mais la maison de Soso est nettement plus modeste que la mienne. Je veux dire, je pourrais accueillir la famille de Sophia au grand complet, ainsi qu'Emma et Scott. Quand Emma et moi allions coucher chez Sophia, nous dormions toutes les deux dans le salon car il n'y avait pas de place pour installer deux couchettes dans sa chambre. Donc, je ne voyais vraiment pas pourquoi Emma et Scott ne m'avaient pas demandée de les héberger. Ou même pourquoi ils ne m'avaient pas informée de la situation! Scott est mon petit-ami, il ne devrait pas avoir honte de me demander une chose pareille, ou juste de m'en parler!

Et quand je pense au nombre de fois, durant mes soirées, où Emma n'avait cessé de jacasser à propos de la grandeur de ma maison, j'aurais cru que si elle en avait la possibilité, elle viendrait coucher chez moi! Elle me l'avait même laissé croire, une fois, en me confiant que si elle fuguait, elle viendrait se réfugier chez moi pour jouer au bowling du matin au soir en se servant au minibar. Je veux dire, il y a un tas de chambres vides chez moi, avec des lits douillets, alors que chez Sophia, Scott et elle doivent sûrement dormir sur les divans, dans le salon.

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