RPG: La Sélection

Devoir N*1: Crystal Dubois

Épuisée, je poussai un profond soupir tout en me massant les tempes. Je sentais déjà un début de migraine poindre à l'horizon. Logique, dans la mesure où je venais de passer plus de six heures à rédiger le premier chapitre de mon nouveau roman. Roman qui, songeai-je amèrement, ne verrait probablement jamais le jour vu le manque cruel d'inspiration dont je souffrais ces derniers temps...

Soudain, une légère brise se leva, me faisant frissonner et resserrer les pans de mon manteau autour de moi. Mon regard se posa alors sur les nombreuses feuilles rougeâtres qui commençaient à joncher le sol. Nous étions en plein saison automnale, et, à Hundson le mois d'octobre était la période où les températures commençaient à chuter, forçant les gens à travailler d'arrache-pied afin de préparer l'arrivée d'un hiver présumé rude.
Mes lèvres s'étirèrent en un sourire satisfait lorsque j'aperçus la façade de ma maison, quelques mètres plus loin.

Que voulez-vous ? J'avais beau être l'une des romancières les plus prometteuses du pays, je n'avais pas le luxe de pouvoir travailler chez moi. Non, j'étais forcée d'exercer mon métier dans un petit cabinet miteux que mon éditeur m'avait récemment déniché.

Lorsque je poussai la porte de la maison, je tombai nez-à-nez avec Ingrid, la domestique que ma mère venait d'embaucher. Vous l'aurez deviné, Ingrid était une Six. La pauvre femme était forcée d'alterner entre plusieurs domiciles afin de subvenir aux besoins de sa famille. Son regard sombre s'illumina lorsqu'elle m'aperçut :

_ Crystal ! s'exclama-t-elle sur un ton joyeux.

_ Bonsoir Ingrid, la saluai-je avec un sourire aimable. Comment est l'ambiance ? ajoutai-je en grimaçant.

L'air contrit de la dame ne fit que confirmer mon inquiétude. Je pinçai les lèvres. Mes yeux se posèrent ensuite sur l'horloge murale en face de moi. Dix-huit heures trente. Plus qu'une demi-heure avant le Bulletin et -mon estomac se noua à cette pensée- l'annonce des Sélectionnées.

_ Tout va bien se passer Crystal, s'empressa de me rassurer Ingrid comme si elle avait lu dans mes pensées.

Au même moment, ma mère Francesca, fit son apparition. Je me dépêchai de faire disparaître toute expression soucieuse de mon visage.

_ Ma chérie, s'écria-t-elle en m'embrassant sur les deux joues.
Je la serrai brièvement dans mes bras avec un sourire forcé. Puis je plongeai mon regard dans ses yeux bleus et y décelai une lueur d'excitation à peine contenue.

_ Ce sera tout pour aujourd'hui Ingrid, annonça ma mère à cette dernière sur un ton calme.

La Six la remercia d'un hochement de tête et me lança une oeillade d'encouragement avant d'aller ramasser ses affaires.

J'entrai dans la cuisine, Francesca sur mes talons. Je sentais qu'elle mourrait d'envie de prendre la parole, mais avait peur de me brusquer. La délicatesse incarnée...

_ Bientôt la diffusion du Bulletin, murmrurai-je en prenant l'initiative de commencer la conversation moi-même.

_ Oui, acquiesça ma mère, les yeux pétillants.

_ Mais tu sais que je n'ai qu'une chance sur je ne sais combien d'être prise, soupirai-je.

Cette phrase eut pour effet d'enclencher le légendaire processus d'encouragement de Francesca Dubois.

_ Je t'en prie Crys', geignit-elle. Bien sûr que tu seras Sélectionnée. Comment ne pas tomber sous ton charme ?

Je masquai mon exaspération derrière un demi-sourire.

_ C'est le trac qui te fait parler ainsi...

Je hochai la tête, résignée. Je n'avais aucune envie de participer à cette compétition inutile. Aucune envie de me retrouver enfermée dans une cage dorée en compagnie d'une troupe de furies décidées à se battre pour une vulgaire couronne. Mais ma mère n'attendait que ça depuis mon plus jeune âge. Elle avait eu l'occasion de s'entretenir avec la Reine à plusieurs reprises et depuis, n'avait cessé de me chanter les louanges du Prince d'Illéa. Le prince Kyle. Je n'avais jamais rencontré ce dernier. Et lorsqu'il apparaissait à la télévision, tout ce que je voyais était un garçon arrogant, imbu de lui-même et coincé à l'extrême. Évidemment, j'avais toujours gardé ça pour moi...