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Inspirer. Expirer. Inspirer. Expirer.

Cela fait maintenant plusieurs heures que je suis seule dans ma chambre et que je me répète cette phrase. Il est parti. Il a peut-être compris que je ne voulais plus le voir.

Inspirer. Expirer. Inspirer. Expirer.

Elle est morte... Maman... Je ne peux retenir mes larmes. Elle me manque terriblement. Mon père m'a dit d'un ton bourru que cela faisait deux mois qu'elle était décédée. Deux longs mois que je vis avec lui, sa femme et leur mioche.

Je ne me rappelle plus de lui avoir dit au revoir. Je ne me rappelle plus de l'avoir enterrée. Je ne sais pas si ces souvenirs me reviendront... J'aimerais bien. Je voudrais tout me remémorer, me rappeler de chaque chose vécue avec elle.

Ma mère était une femme belle, douce et aimante. Elle m'avait aimée de tout son cœur, je le savais. Même quand j'étais entrée dans ma période d'adolescente arrogante, elle m'avait soutenue, m'avait fait rire malgré les conflits qui nous opposaient. Généralement, c'était pour des broutilles. Une dispute pour une carte de téléphone, pour un mascara emprunté et non rendu à l'autre. Enfin des choses banales et complètement débiles.

Puis, un jour d'hiver, on a appris la maladie. Trois jours avant le nouvel an exactement. J'étais persuadée qu'elle allait guérir mais elle ne cessait de me répéter qu'elle ne souffrait pas d'une grippe mais bien d'un putain de cancer.

Je commence à manquer d'air, mes côtes se serrent, oppressant mes poumons. Je me lève, tirant tout le tralala de fils que l'infirmière m'a remis et ouvre la fenêtre précipitamment. Le vent s'engouffre dans cette chambre sinistre et me fouette les joues. Je ferme les yeux, tente de calmer ces angoisses qui me hantent, me consument.

Inspirer. Expirer. Inspirer. Expirer.

Je me penche légèrement par la fenêtre. Je dois me situer au septième étage de l'hôpital si j'en crois le nombre de fenêtres comptées en hauteur. Les derniers visiteurs sortent, certains sont seuls. Comme moi. D'autres rient, sont au téléphone. La sirène des ambulances résonne dans les airs, leurs gyrophares bleus transpercent l'obscurité de la soirée. La fontaine devant les entrées se coupe, deux enfants cessent alors de courir autour en pestant.

-Ne me dites pas que vous êtes suicidaire.

Je regarde par-dessus mon épaule et reluque l'étudiant en médecine entrer dans la chambre.

-Je ne pense pas l'être, non.

Il sourit en avançant dans la chambre. Je me redresse et ferme la fenêtre avant de m'installer sur le fauteuil bleu délavé. Alors qu'il semble lire sa fiche, je me prends à l'observer. Il n'est vraiment pas mal en fait. Ses cheveux noirs sont en bataille, comme s'il venait de se lever ou de s'envoyer en l'air. Sa peau légèrement hâlée magnifie les traits de son visage. Il a la mâchoire assez carrée, une barbe de trois jours beaucoup trop sexy. Bref. Il est canon.

-Encore beaucoup de douleurs ? me demande-t'-il.

-Avec la perfusion qui est en train de me rendre groggy, c'est impossible.

Il sourit encore, nos regards se croisent un bref instant.

-Alors... Vous êtes ?

Il hausse un sourcil interrogateur et me dévisage. L'espace d'un court instant, j'ai l'impression d'avoir deux têtes et six yeux jusqu'à ce que je comprenne que j'aurais dû formuler ma question autrement.

-Votre nom je veux dire.

-Ah, ri-t'-il. Je suis Matthew mais je préfère Matt.

Matt. Ca ne lui va pas du tout comme prénom en plus je hais les math. J'aurais pensé à un truc plus original pour un gars aussi beau.

Interdiction d'aimerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant