15

7.6K 697 29
                                    

J'ouvre la bouche alors que Matthew me relâche doucement. Une fois que mes deux pieds touchent le sol, mes jambes se mettent à trembler sans que je ne puisse les contrôler. Et merde. Faire connaissance avec ses parents alors que nous en étions presque aux préliminaires est super gênant.

-Qu'est-ce que tu fais ici ? Enfin, je veux dire... Vous êtes rentrés plus tôt ?

Matthew semble hyper stressé et je recule derrière lui pour m'échapper du regard noir que pose sa mère sur moi depuis qu'elle est apparue.

-On est chez nous, non ?

Elle est énervée. Sa voix et son ton froid, autoritaire le prouve. Matthew se passe une main nerveuse dans les cheveux et de le voir agir comme un petit garçon prit en faute m'horripile. Merde ! On ne faisait quand même rien de mal !

J'ai envie de le crier mais je préfère me taire au vu de la situation. Sa mère remonte ses lunettes sur son nez et croise ses mains sur son ventre, se tenant dignement droite. Elle pue la classe et le fric. Du moins, c'est ce qu'elle veut faire croire. Elle doit penser que je ne sais rien du secret de Matthew, j'en suis certaine. Il se retourne vers moi et d'une voix douce me demande si je peux l'attendre dans sa chambre. Je hoche la tête silencieusement tandis que sa mère s'étouffe avec sa propre salive.

-Pas dans ta chambre Matthew.

-Et pourquoi donc ? demande-t'-il, excédé.

Je pose ma main sur la sienne et m'apprête à lui dire que je peux l'attendre dehors mais sa mère ne m'en laisse pas le temps.

-Parce que tu vas te marier dans deux mois.

Elle dit ça en me toisant, son sourcil haussé. Elle pense réellement que je vais être la fille outrée, que je vais faire une méga scène du genre « Quoi ? Mais tu n'es qu'un salaud ! » et coller une gifle à son fils sauf que je me refuse de réagir même si le fait qu'elle ose sortir ça comme s'il s'agissait d'une vraie union me retourne les tripes.

Le poing de Matthew se serre dans ma main. Son corps crispé irradie de colère.

-Arrête, lâche-t'-il. Elle sait.

Sa mère ouvre la bouche, la referme aussitôt sans piper un seul mot.

-Laure, vas m'attendre dans ma chambre.

Son ton austère ne prête pas à la discussion. Sa mère part en grognant dans le séjour, faisant claquer ses talons sur le parquet ciré. Matthew relâche son souffle, ses épaules s'affaissent.

-Matthew...

-Monte. S'il te plait.

Il avance de deux pas, me laissant près de la porte d'entrée et s'arrête avant de revenir sur ses pas.

Je recule sous sa force quand son corps entre en collision avec le mien. Ses lèvres se pressent avec urgence sur les miennes, son baiser reste appuyé, ferme tandis que ses paumes tiennent mon visage avec douceur. Quand nos bouches se séparent, Matthew plonge son regard dans le mien et je reste là, hypnotisée par ses yeux sombres.

-J'arrive.

*****

Cela fait une demi-heure que je tourne en rond dans cette chambre. Je m'énerve à rester là telle une imbécile. De temps à autre, un éclat de voix retentit et je m'arrête de marcher, retenant mon pas dans les airs. J'essaye d'entendre ce qu'il se dit mais il est clair que cette baraque est super isolée au niveau acoustique.

Sur la pointe des pieds, j'ouvre la porte. J'avance discrètement dans le couloir, me plaque au mur au-dessus des escaliers.

-Tu ne dois pas t'attacher Matthew. Penses à nous, à la maison, au prêt de la voiture.

C'est la voix de son père et sans avoir vu l'homme en question, je lui reconnais une certaine douceur dans son intonation.

-Je ne suis pas attaché à elle, ça te va ?

-Et Sophie ? Si elle apprenait ça ? Oh mon dieu...

Sa mère sanglote, des soupirs se font entendre tant qu'à moi, je tremble. Je ne comprends vraiment pas comment ces personnes peuvent laisser faire ça à leur fils unique. J'en ai la gerbe.

-Ecoutez bien, s'énerva Matthew, cette fille ne représente rien pour moi okay ?

Un sourire fend mon visage, mon cœur se gonfle d'amour pour ce mec.

-Elle n'est qu'un passe-temps en attendant fin août. Alors cessez de vous inquiéter, je ne vais pas m'enfouir avec Laure.

Putain de bordel ! Quel connard !

Je n'écoute plus la conversation qui se déroule, la douleur que je ressens à ce moment est tel un poignard enfoncé directement dans mon cœur. Je ne prête plus attention à ma discrétion, je m'en tape s'ils m'entendent marcher sur leur parquet de faux bourges de mes deux. J'entre dans la chambre de Matthew, claque la porte aussi violement que je le peux. Va te faire foutre ! Je tire ma valise, y fourre rapidement les vêtements que j'ai laissés traîner sur son lit et mon chargeur de téléphone.

J'en ai ma claque qu'on se foute de ma gueule. Je ne suis qu'un passe-temps. Evidemment connard comme tu vas te marier avec une pimbêche siliconée ! Je ne sais pas pourquoi mais je suis le genre de fille qui n'attire que des merdes. C'est pour ça que j'aime être seule, au moins personne ne m'emmerde, personne ne me ment, personne ne me fait souffrir.

-Tu vas où ?

J'entends Matthew refermer la porte derrière lui et j'essuie furtivement les larmes que je n'ai su retenir.

-Laure ?

Je n'ai pas envie de lui parler, je veux juste être en paix.

Je tire sur la fermeture éclair, ignorant le fait qu'il s'agenouille face à moi, de l'autre côté de ma valise. Il pose sa main sur la mienne et je me fige.

-Un passe-temps ? Vraiment ?

Ma voix emplie de trémolos non dissimulés résonne dans la chambre.

-Bien sûr que non Laure, tu le sais.

-Non je ne sais pas, dis-je en haussant les épaules.

J'humidifie mes lèvres qui deviennent sèches et m'agenouille.

-Le gars que je viens d'entendre n'a rien à voir avec celui que j'aime.

-Bébé...

-Non, c'est bon. Il s'assied sur ma valise et me tire sur lui sans aucun effort alors que de mon côté je me débats. Il m'enserre de ses bras, me colle contre son torse. Je résiste et plisse les yeux, je ne veux plus me laisser aller contre lui, je veux qu'il me laisse tranquille.

-Laure, tu sais que je t'aime. Ce ne sont que des paroles pour qu'ils nous laissent tranquilles.

Mes larmes roulent sur mes joues, mouillent son t-shirt. Je sais qu'il dit vrai. Je sais qu'il tient à moi, ses sanglots de la veille m'ont indéniablement marquée. Pourtant, j'ai mal. Ca fait si mal de l'entendre parler de la sorte à mon sujet. J'aurais tant voulu qu'il dise à ses parents qu'il m'aime, qu'il ne se mariera pas avec cette cruche. J'ai beau me répéter qu'il faut que je me fasse à l'idée, de me dire qu'il ne sera jamais l'homme de ma vie, je souffre quand même.

Il me berce doucement et je relâche la tension logée dans mes épaules pour me lover contre lui, la tête sur son cœur. Les palpitations de celui-ci sont apaisantes, lentes, régulières.

-Quoique je dise ou fasse, n'oublie pas que mon cœur t'appartient Laure.

Je resserre mon étreinte et lève mon visage vers lui. Son regard me donne le vertige tant j'y lis toute sa sincérité.

-Idem l'intello, je parviens à sourire.

Il rit à son tour et mon cœur s'affole.

-Si tu savais à quel point je t'aime.

Il rougit et je fonds. J'attrape son visage entre mes mains et moule mes lèvres aux siennes. Après avoir échanger un baiser doux, je me relève.

-Ca tombe bien que ta valise soit faite, dit Matthew en m'envoyant un clin d'œil, on part.

Interdiction d'aimerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant