Chapitre 2

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Les étoiles disparurent une à une laissant place à l'aube naissante à travers les nuages. Les ronflements sifflants de Varek rompaient le silence et Kranedur laissait échapper un filet de bave sur le bras de sa soeur.

Les épaules d'Astrid étaient agitées par des spasmes irréguliers et ses gémissements accompagnaient les ronflements stridents de Varek. La jeune femme était prise de violents cauchemars depuis la bataille sur Beurk. L'odeur du sang et les cris lointains causaient chez Astrid des nuits agitées et des mouvements incontrôlés.

Les rayons du soleil frappèrent son visage, la forçant à ouvrir péniblement les yeux. Elle se releva brusquement, enfonçant ses mains dans le sable chaud, alertée par les cris de Stoick la Brute.

Rustik laissa sortir un cri on ne peut plus virile (notez ici l'ironie) en apercevant une trentaine d'hommes battis comme des titans les encerclant.

"Que faites vous sur l'Île des Magyars?" Demanda d'une voix rauque l'un d'eux.

"Les Magyars?!" Demanda Rustik. "D'où il sort ce nom? J'appellerais même pas un mouton comme ça."

De lourds regards menaçants s'affaissèrent sur le morveux qui se mit à rire nerveusement. "Mais ça irai bien à un yak, c'est... c'est... joli, j'ai-j'aime bien en fait." Bredouilla-t-il du mieux qu'il pouvait avant de se prendre un coup à l'arrière du crâne par Gueulfor. "Ouch"

Un homme attrapa d'une main le col de Rustik et de l'autre la ceinture d'Astrid qu'il souleva vigoureusement malgré les débattements de la jeune femme. Varek se rangea timidement dans le rang qui venait de se créer, derrière Stoick et les Hooligans qui coopéraient étrangement.

"ESPÈCE DE RUSTRE! SALE MUFFLE! JE VAIS TE FAIRE BOUFFER DE LA BOUSE DE YAK SI TU ME POSES PAS PAR TERRE!!!" Hurla sauvagement Kognedur portée comme un sac à patate sur l'épaule d'un homme qui trainait Kranedur encore somnolent par les pieds.

Ses braillements n'aboutirent à rien si ce n'est que l'homme la fit taire en lui fourrant une boule de tissu dans la bouche. Ses cris étouffés étaient à présent à peine audibles.


***


De toute part feuillages et racines dominaient. La nature avait tout droit sur cette île. La boue collait sur les bottes et le climat était humide. Rien n'était commun à Beurk. Mais pourtant dans ce berceau de verdure, tout était d'une beauté naturelle et d'un charme envoutant. Toutes ces ramures provoquaient chez les Hooligans un enivrement enchanteur. Des lianes sur les toits des habitations jusqu'à l'odeur exaltante de l'herbe. Un ombrage particulier était dû aux nombreuses cabanes construites en haut des arbres.

Les plaintes de Kognedur s'étaient stoppées, et tous les vikings observaient avec ébahissement l'environnement autour d'eux. Une branche fouetta la joue d'Astrid et ses cheveux blonds s'emmêlèrent aux feuilles. Elle se protégeait le visage de ses mains, mais la curiosité prenait le dessus. Ses doigts s'écartèrent, laissant place à deux yeux bleus désorientés par tant d'inconnu. Les Magyars se tenaient là, sans bruit, sur le côté du chemin, ou bien dans les arbres. Le regard d'Astrid se posa sur une silhouette solitaire, au visage capuchonné, qui l'intrigua beaucoup. Un sentiment qu'elle ne sut expliquer lui noua le ventre.

Ce long chemin de terre et de gravier aboutit à un immense bâtiment. Les piliers de pierres délimitaient une entrée dans la salle. Des gravures étranges attiraient les regards. La lumière des torches éclaira la pièce. Elle était semblable à la Grande Salle de Beurk. Un grand bûcher au centre, de nombreuses tables éparpillées habitaient l'endroit, des peintures tapissaient tous les murs.

Les hommes libérèrent les Hooligans de leur étreinte. Astrid passa une mèche rebelle derrière son oreilles. 'Pas de dragons.' Avait-elle pensé à la minute où ils avaient pénétré dans l'enceinte.

Un homme à la courte barbe blanche monta sur l'estrade de pierre surélevée. Il caressa calmement sa moustache en observant les nouveaux arrivants.

"Je suis Ivor le Bienveillant ." Sa voix résonna contre les parois. "Vous êtes ici chez nous, sur l'Île des Magyars."

Stoick s'avança. "Je suis Stoick la Brute. Chef de Beu... Hmm... de la tribu des Hooligans." Se rattrapa-t-il après un raclement de gorge. "Une interminable traversée nous a forcé à nous arrêter sur cette île." Continua-t-il.

Ivor fixa la nuée de vikings présents. Il leva un sourcil.

"Nous parcourons l'archipel à la recherche d'une terre promise. Nous naviguons depuis plus d'un mois, allant d'îles en îles. Nous avions espéré que cette île soit..."

"...inoccupée." Le coupa Ivor. Stoick serra les lèvres.

"Vous êtes peu nombreux. Nos deux tribus peuvent cohabiter." Remarqua Stoick, la gorge nouée par cette proposition farouche.

Avait-il perdu la tête ou bien avait-il simplement perdu tout espoir de trouver un nouveau Beurk ? Usé par ce périple incessant, par cette déception lancinante qui les avait trainés d'un bout de l'archipel à l'autre. Et aujourd'hui cette terre promise. Pas de dragons, des habitants civilisés. Alors pourquoi pas. Des chuchotements se mirent à parcourir la salle, aussi bien chez les Hooligans que chez les Magyars.

"Vous n'êtes pas la bienvenue ici, Stoick." Ses mots retentirent froidement dans les tympans.

'Reprendre la mer, repartir au large.' Pensa Astrid le coeur serré. Le bruit des vagues se fracassant sur la coque du bateau et la pluie glacée était devenue pour les Hooligans, un enfer. Ils étaient tous à bout de forces, et à court de provisions dans les cales des navires.

"Nous n'avons plus rien." Le ton de Stoick se rapprochait de plus en plus de la supplique. Le désespoir se lisait à travers chaque parcelle de son corps.

Les Hooligans avait mené une lutte acharnée pour la survie de Beurk, mais à présent tout ce qu'ils leurs restait, était des supplications. Quel pathétisme pour les vikings, de se retrouver à implorer.

Mais Ivor était plein de bon sens. Ses traits endurcis par l'expérience étaient pourtant doux. Son regard était puissant. Ses yeux clairs, affaiblis par l'âge, permettaient à son âme de visiter chacune de leurs émotions.

"Deux jours." Articula-t-il enfin.

Des heureux soupirs se firent entendre. Astrid aperçu l'homme capuchonné sortir d'un pas vif, les points serrés.

"Uahhh" bailla bruyamment Kranedur, qui avait enfin quitter son état de somnolence. Il s'accouda à Rustik. "Qu'est-ce que j'ai raté?"

InconnuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant