Une fille chez les loups

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Ça y était. On y était arrivé. Cette journée là, c'était à mon tour de faire mes preuves. Toute ma vie, j'avais attendu et redouté ce moment. C'était maintenant ou jamais. Je savais qu'ils m'attendaient, il ne me restait plus qu'à les trouver. Puis, il me faudrait les battre, tous, jusqu'au dernier.

Je m'élançai. Je sentis mes pattes battre la terre, l'air qui entrait dans mes poumons, suivant son parcours jusque dans mes veines.

Approvisionnent mon corps entier en nutriments, lui permettant de donner son meilleur. Seulement, j'en voulais plus. Ce jour là, il me fallait encore mieux que le meilleur que je pouvais offrir. Parce que ce jour en particulier, je devais surpasser ma meute afin de me tailler une place parmi elle. Je combattais pour ma vie, mon avenir, mon rang. C'était d'autant plus important que j'étais une femelle.

Une femelle convoitant une place de mâle.

Une telle chose n'avait jamais été vue dans la meute. J'étais un sujet de nouveautés depuis toujours de toute manière.

Je découvris leur piste. Tous les mâles participaient, mais je savais qu'ils m'attaqueraient à tour de rôle. Ils ne voudraient simplement pas que je sache à qui j'aurai affaire trop tôt. Je m'étonnais qu'ils aient décidé de partir en meute au lieu de se séparer dès le début, ce qui m'aurait rendu la traque plus difficile.

J'utilisais tous mes sens pour m'orienter dans la forêt. Ils m'entraînaient vers une partie que je ne connaissais pas. Je vis des buissons et des plantes écrasées qui s'écartaient de la trajectoire d'origine. J'en déduisis qu'ils avaient décidé de se séparer progressivement. Probablement pour nous encercler, mon premier opposant et moi et m'empêcher de m'enfuir. Un sourire s'étira sur ma gueule. Ils ne pouvaient s'imaginer à quel point c'était important pour moi, ils ne pouvaient comprendre que ce rite revêtait pour moi autant d'importance que pour eux lorsqu'ils passèrent le leur. Malgré tout leur bon vouloir et tout leur amour, les loups de ma meute avaient arrêté depuis longtemps d'essayer de me comprendre.

La piste devant moi c'étaient rétrécie, assez pour me laisser penser qu'il ne restait plus que deux ou trois loups devant moi. Un jeune et deux aïeux. Une trace claire et deux plus subtiles. C'était frais, j'avais réussi à ne pas trop me faire distancer, même si je ne serais jamais capable de les rattraper. Mes pattes n'étaient pas comme les leurs, c'était une de mes nombreuses malformations. Je sentis que mes muscles commençaient à trouver l'exercice éreintant, alors je ralentis légèrement la cadence. Je ne voulais pas être à bout de souffle avant même de pouvoir connaître mon premier opposant. Je diminuais progressivement ma vitesse jusqu'à ce que je me retrouve à marcher. Une autre piste déviait quelque mètres plus loin. C'était l'un des plus vieux. Il ne restait plus que deux loups en avant de moi.

Soudainement, je réalisai que celui que j'avais identifié comme le plus jeunes était en réalité Strat, ou Stratégie, mais je préférais Strat. Nos aïeux l'avaient nommé ainsi après qu'il les ait vaincus, en se fiant à son style de combat. Je me demandais quel nom me serait décerné, mais je chassai vite cette pensée de mon esprit lorsque je vis que le dernier loup avait bifurqué, ne me laissant plus aucun doute sur l'identité de mon premier adversaire.

Ironiquement, leur choix était stratégique. Ainsi, ils me testeraient autant psychologiquement que physiquement. Ils me faisaient comprendre que je devrais vaincre amis, frères, et êtres aimés pour atteindre leur niveau.

Je ralentis encore pour bien prendre le temps d'analyser mes chances et de préparer ma première attaque. J'avais l'impression de prendre trop de temps tout en voyant les évènements débouler trop vite. Je me retrouvai bientôt dans une clairière encerclée d'arbres et je distinguais plusieurs membres de la meute au travers des buissons et des ronces. Ce fut seulement à ce moment que j'aperçut Strat à l'autre bout  de ce qui deviendrait bientôt mon champ de bataille. Je devais le surprendre, je n'avais aucun autre moyen de gagner ce duel. Alors je m'élançai vers le loup noir, le devançant, chose que je ne m'étais jamais permise de faire, étant d'ordinaire plus sage et réservée. Sauf que qu'en ce jour, tout m'était permis.