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La journée du lendemain fut d'une lenteur exaspérante et pourtant, elle passa trop vite. Les jours commençaient à rapetisser, je sortis juste après que les enfants soient couchés. Amendine vint me serrer dans ses bras et fit de même avec Philippe qui nous avait rejoint. Comme cadeau d'adieu, elle me donna un collier. C'était un simple lien de cuir avec pour pendentif un cœur grossièrement taillé dans du bois. Nous partîmes sans plus de cérémonie, pour ma part, j'avais dit au-revoir à ceux qui comptaient vraiment pour moi. J'étais équipée d'un sac à dos qu'on avait fini de remplir il y avait quelques minutes à peine, de mes bottes, de pantalons, et de la chemise de Philippe. J'apportais aussi ma dague, dissimulée dans ma botte comme le jeune homme me l'avait conseillé. Philippe était habillé comme moi à un détail près: il avait dans le dos plein de tiges avec des plumes au bout et deux branches tendues en demi-cercle par des cordes. Strat nous ouvrit la voie et je m'étonnais de pouvoir sortir sans plus de résistance. Ce fut à peine si les gardes nous jetèrent un regard lorsque nous passâmes l'entrée du village. En même temps, je n'allais pas m'en plaindre. Ce fut la sortie parfaite, celle qu'on espérait sans trop oser l'avoir, tant elle était improbable.

Je me tournais vers Philippe et lui lançais un grand sourire. Il m'en fit un en retour et je pus voir ses prunelles briller de plaisir. Nous marchâmes normalement tant et aussi longtemps que les gardes à la porte nous avaient à portée de vue. Une fois que ce ne fut plus le cas, nous nous mirent à courir. Le but était d'aller le plus loin possible avant que l'on se rende compte que notre départ était inhabituel. Nous déviâmes de notre trajectoire originelle et nous laissâmes la forêt la forêt dans notre dos, le village en arrière à droite. Encore une fois, je me retrouvais devant l'inconnu. J'aurais bien aimé retourner dans ma forêt, mais je comprenais le raisonnement de Strat, ce serait la première place où les hommes viendraient nous chercher.

Nous étions tous silencieux, ce qui m'étonnais à chaque fois que je posais mes yeux sur Philippe qui trimballait tout cet équipement. Les bâtons dans son dos ne s'entre-choquaient même pas! Il faudrait que je lui demande comment il faisait. Après un certain temps, je sentis que Strat devenait de moins en moins sûr. Peu après, Philippe s'en rendit compte lui aussi et il prit les devants pour nous guider. Stratégie l'avertissait en grognât des risques au sol. De cette façon, nous allâmes plus vite que ce que l'on avait prévu. Mes jambes et mes poumons étaient en feu. Je me forçais à prendre de grandes respirations, mais il m'était de plus en plus difficile de tenir la cadence. Je savais que je ne pouvais pas me mettre à quatre patte, je deviendrais encore plus lente. Le ne voulais pas être un poids, mais je ne pouvais pas continuer ainsi pendant très longtemps encore. Les garçons s'en rendirent compte et ils ralentirent, ce qui me permit de reprendre mon souffle. Je n'aimais pas perdre du temps à cause de mon corps qui ne suivait pas, il y aurait moins de distance entre le village et nous lorsqu'on nous pourchasserais. Si jamais ils partaient à notre recherche. Je n'avais jamais pensé qu'ils pouvaient ne pas le faire. Ça voudrait dire qu'on ne comptait vraiment pas pour eux, ou qu'ils respectaient notre choix, dépendamment du point de vue.

Je continuais d'avancer et me concentrais uniquement pour mettre un pieds devant l'autre. Je rivais mes yeux sur le dos de Philippe et posais mes pieds le plus possible où les siens étaient passés plus tôt. L'activité devint vite redondante, mais au moins elle empêchait de me concentrer assez pour penser. J'étais tellement concentrée que je ne vis même pas la nuit passée. Nous nous arrêtâmes pour manger et se reposer un peu tandis que le soleil teintait le ciel d'une magnifique composition de couleurs. Je restait sans mot devant ce spectacle que je ne pouvais pas voir lorsque les branches de la forêt me bouchaient la vue. On ne voyait pas souvent le ciel lorsque que l'on vivait dans une forêt, ni lorsqu'on se lève si tard dans un village.

Nous continuâmes notre chemin durant toute la journée que je qualifierais comme douloureuse pour mes pieds, ces derniers n'étaient pas habituer à porter tout mon poids aussi longtemps. Nous fîmes quelques pauses, que je soupçonnais fortement de m'être que pour moi. À la fin de la journée, peu de temps avant que le soleil disparaisse, Philippe nous amena dans un bosquet en me disant de me préparer pour la nuit. Je m'écroulais par terre et m'endormis avant même d'avoir pu enlever mon sac.

Une fille chez les loupsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant