Nous quittons notre hôte qui nous voit partir, peu rassuré par les projets que nous lui avons confiés : la nuit prochaine, on prévoit de bivouaquer dans la voiture.
On aurait pu trouver un logement, hein. Mais on a envie d'essayer. Provisions d'eau faite, on s'arrête au musée Borealis, à Trois Rivières. Situé dans une ancienne usine de papier (canada = beaucoup de bois = gros producteur de papier journal) l'exposition permanente nous explique l'évolution de l'industrie du papier sur ses deux siècles d'existence. L'audio guide est un peu longuet, mais la visite de la tour de filtrage nous fait belles impression.
Route vers l'Ouest ! On décide de passer par le parc national de Mauricie... Mais on se retrouve arrêtées par un garde-barrière. La route est fermée aux voitures. Déçues, on se rabat sur une technique éprouvée : localiser une cascade sur la carte, s'en rapprocher le plus possible en voiture, puis terminer la route à pied.
C'est ainsi qu'on se retrouve, en milieu d'après-midi, sur les berges du lac Minogami. L'endroit nous plait... On n'a pas fait le quart de la route jusqu'à Saguenay, ou un Air B&B nous attend le lendemain, pourtant ou se dit "pourquoi pas se poser là ?".
Là, c'est un renfoncement dans le chemin forestier à peine carrossable qu'on suit tant bien que mal depuis vingt minutes. Là, c'est au milieu de nulle part. Là, c'est dans la forêt, au bord d'un lac. Bref, c'est là qu'on décide de passer notre première nuit en bivouac dans la voiture. On ne fait pas les choses à moitié !
Et la cascade alors ? Elle est environ six kilomètres en amont. On se dit qu'on ira demain matin, en se levant. Là dans une heure il fera presque nuit, ça ne serait pas raisonnable, mais deux heures de marche avant de reprendre la route, ça sera très bien. En attendant, on s'offre une promenade durant laquelle :
- on constate qu'on n'aurait jamais pu poursuivre en voiture (qu'a des roches qui sortent de la terre à l'improviste au beau milieu de la route)
- on s'émerveille devant les couleurs absolument indescriptibles (et qui rendent beaucoup moins bien en photos qu'en vrai *_*)
Ce qui est fou, c'est que ce petit lac, ce n'est qu'un lac parmi plein d'autres. Ici, ce paysage ne semble pas rare (pour peu qu'on se tape 20 minutes sur un petit chemin).
Pour être honnêtes, on ne fait pas les fières, au moment de passer la voiture en mode "nuit" (un matelas gonflable, deux duvets, une lampe...) Ce qu'on a pris pour chauffer de l'eau s'avère inefficace. On se dit que sans café, la cascade demain matin, ça va être compliqué. Pire encore, nous n'avons aucun réseau. Rien. Les téléphones affichent une petite croix à la place de l'indicateur de réception.
Un instant, ça nous angoisse. La famille n'est pas prévenue de notre passage "hors ligne", on n'a plus internet pour répondre à nos questions (de type "pourquoi y'a marqué "je me souviens" sur les plaques d'immatriculation QC ? Et je me souviens de quoi ?). On est isolées. C'est quand il nous manque quelque chose qu'on se rend compte de sa dépendance.
On respire un grand coup. On s'abîme dans la contemplation du paysage. On se fait une tisane. On profite et on se dit qu'en fait, être injoignables, c'est un luxe.
Le soleil se couche, il nous laisse dans les ombres d'une forêt presque entièrement silencieuse. Les animaux nocturnes s'éveillent et poussent leurs cris incongrus (pour nous). La lune, presque pleine, fait vivre des monstres dans les feuillages. On a peur, mais on est heureuses.
On y est, devant le lac, dans la voiture, dans les bois. Dire qu'on a traversé l'Atlantique pour ça.