Chapitre 10

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Assis derrière son bureau, David attendait Vince de pied ferme, impatient de lire ce qu'il avait bien pu rédiger dans son rapport sur l'incident de la veille.

Il était environ 9 heures du matin.

Soudain, il entendit un fracas indescriptible, des cris, des hurlements, suivis de deux coups de feu.

Il se leva aussi vite qu'il put tandis qu'on frappait à la porte et que, sans attendre sa réponse, Vince pénétrait en trombe dans le bureau, un pistolet à la main.

- Vite, suivez-moi, Chessman, sortons d'ici ! cria-t-il.

- Quoi ? Que se passe-t-il ? Qui a tiré ?

- Une mutinerie, dans les douches, il y a 5 minutes, expliqua Vince dans un souffle. Des détenus ont attaqué un gardien et se sont emparés de ses clés. Ils ont franchi les deux portes sas et, sortant de la zone d'enceinte à plusieurs, sont parvenus à pénétrer dans le guichet de remise des armes. Ils ont agressé les surveillants et ont volé des armes, apparemment quatre pistolets au moins, peut-être plus... Venez, sortons, nous ne sommes pas en sécurité ici. Les renforts ont été demandés par téléphone, mais d'ici à ce qu'ils arrivent pour mater cette rébellion, ça risque de barder.

Ils sortirent en courant. Le personnel administratif et médical courait déjà lui aussi vers la sortie. C'était la panique.

Deux autres coups de feu claquèrent du côté du guichet de remise.

Ils entendirent de nouveau un grand fracas, comme si quelque chose s'écroulait, puis se retrouvèrent dans la cour de la pré-enceinte.

Il y régnait l'affolement général, entre les employés des cuisines, les administratifs, des gardiens avec et sans armes. Personne ne semblait savoir que faire.

- On ne peut pas rester là ! hurla Vince afin que tout le monde entende. Si les mutins arrivent ici armés et tirent, nous sommes cuits. Ouvrez le portail ! cria-t-il aux hommes de garde à l'entrée.

- Mais Vince, vous n'allez pas faire ouvrir la porte, nous aurons des évasions ! dit David, pâle comme la mort.

- Vous préférez voir arriver les détenus ici, pistolets au poing, et nous flinguer comme des lapins ? Restez, si vous voulez, empêchez-les de sortir, vous êtes si fin psychologue...

Les gardes ouvrirent la porte et tout le monde se rua dehors. Les gardiens qui étaient armés prirent position, en compagnie des gardes, retranchés derrière des renfoncements.

Il était temps, les mutins arrivaient avec le gros Shelton, l'ex-shérif-adjoint, à leur tête, un pistolet dans la main droite.

Suivait toute une bande. Ils devaient être au moins une trentaine. Ils avaient effectivement quatre pistolets, dont celui que tenait Shelton, et tiraient en l'air à qui mieux-mieux.

- Bordel, ils ont ouvert aussi les cellules du fond, dit Vince à David.

- Quoi ?

- Vous ne reconnaissez pas Shelton ? Je ne vois pas Mac Callum, cependant. Ni Lucas. Avec un peu de chance, ils n'auront pas pu lui ouvrir le mitard...

Les détenus firent mine de s'approcher du portail mais Vince donna aux gardes l'ordre de tirer en l'air. Ceux-ci possédaient des fusils et le fracas étourdissant dut dissuader la bande de tenter une sortie.

Au bout de quelques instants de ce curieux face à face, on entendit des sirènes de police : la cavalerie arrivait.

Un cortège de voitures débarqua en trombe le long du mur d'enceinte et une nuée de policiers armés de fusils et de pistolets mitrailleurs en descendit en toute hâte.

Un capitaine, qui semblait diriger l'opération, s'approcha de David et de Vince.

- Capitaine Penning, dit-il. Où est le directeur ?

- C'est moi, je suis David Chessman. Voici M. Vince, le gardien-chef.

- Bien, y-a-t-il des blessés, des morts, des otages ? Les détenus sont-ils armés ?

- Probablement des blessés parmi les gardiens. Des morts nous ne savons pas. Il y a des gardiens encore dans l'enceinte mais nous ignorons s'ils sont retenus en otages, et enfin les détenus paraissent s'être emparés de quatre pistolets de service. Mais à la cadence à laquelle ils tiraient en l'air il y a quelques instants, je doute qu'ils disposent encore de beaucoup de munitions.

- Merci, dit le capitaine.

Il réunit rapidement ses hommes et donna quelques brèves instructions puis se saisit d'un porte-voix.

- Ici le capitaine Penning, chef de la police du comté. Je m'adresse aux détenus. Posez vos armes à terre et rendez vous. Vous n'avez aucune chance, nous bloquons l'unique issue et nous avons des armes automatiques. Rendez vous sans histoires, vous serez fouillés, regagnerez vos cellules et il ne sera fait de mal à personne. Nous allons pénétrer dans la cour. Au premier geste hostile, je vous avertis que nous tirons sans sommation.

Il y eut un silence puis des murmures parmi les mutins. Le conciliabule dura une minute et Shelton dit d'une voix forte :

- Nous sommes d'accord pour nous rendre sans histoires, à condition que Chessman lève l'interdiction de fumer et rétablisse la bière au repas de midi.

Penning regarda David, n'osant comprendre.

- Quoi ? Tout ce bordel ! Vous avez interdit de fumer aux prisonniers ?

- Dans les cellules oui, dit David.

- Cela a-t-il une grande importance ? demanda Penning, incrédule.

- Je... C'est pour la sécurité de tous, dit David.

- Euh, permettez, M. Chessman, je crois que dans la situation où nous nous trouvons, l'urgence en matière de sécurité ne se trouve pas dans le point de savoir si les détenus peuvent fumer et boire de la bière mais de les faire regagner leurs cellules sans que cela finisse dans un bain de sang, en priant le ciel pour que personne, parmi les gardiens se trouvant encore là-dedans, ne soit gravement blessé ou mort. Alors ?

David ne disait plus rien.

- Décidez-vous, Monsieur Chessman, lui fit Vince.

- Bon, c'est d'accord, je lève les interdictions, dit David d'une voix quasiment inaudible.

Le capitaine Penning emboucha aussitôt son porte-voix :

- Le directeur, M. Chessman, lève les interdictions.

Nouvelle concertation dans la cour.

- Et qui nous dit qu'il ne va pas nous baiser ? demanda Kinley dans son habituel langage fleuri.

- Vous avez sa parole ! assura Penning.

Après quelques derniers murmures, Shelton déposa son pistolet à terre avec des gestes mesurés, imité par les trois qui en étaient munis et de ceux armés de barres de fer et d'ustensiles en tout genre.

La promesseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant