Chapitre 15

351 64 308
                                    

L'inspecteur pénitentiaire O'Toole descendit de la voiture administrative qu'il venait de garer sur le petit parking « visiteurs », juste devant le centre.

Depuis le portail ouvert, David et Vince le regardèrent arriver.

Une mallette au bout du bras, il se hâtait, se dandinant de la manière caractéristique des gens qui ont les pieds plats.

David se dit qu'il représentait l'archétype du fonctionnaire zélé, blanchi sous le harnais, et pour qui seul comptait le service, loin, très loin devant sa vie personnelle. Et encore, s'il en avait une...

Ce type n'avait vraiment pas été gâté par la nature et, au vu de son allure, il n'était pas difficile de se rendre compte qu'à 45 ou 50 ans, son âge probable, il devait être un vieux garçon vivant seul car aucune femme, sauf peut-être une mère âgée et peu regardante, n'aurait laissé son mari se présenter de la sorte : cheveux trop longs couleur blondasse et d'une propreté douteuse, grosse moustache jaunâtre en bataille, narines humides qu'il essuyait continuellement avec un vieux mouchoir, lunettes aux verres épais comme des culs de bouteille, pantalon noir trop court et sans aucune forme qui laissait entrevoir des chaussettes tirebouchonnées, chemise à carreaux avec une cravate de travers et au ton mal assorti...

Le tout enveloppé dans un grand imper mastic taché et fripé aux fesses, probablement parce qu'il le gardait pour conduire.

Quant aux chaussures éculées, elles n'avaient pas dû voir un pot de cirage depuis belle lurette à en juger par l'état du cuir, sans doute marron à l'origine mais devenu tout gris patiné.

Il exhiba une carte professionnelle portant une photo qui avait dû être prise lorsqu'il était âgé de 18 ans et, sans leur serrer la main, dit juste, de cette voix nasillarde que David avait entendue au téléphone deux heures avant :

- O'Toole. Allons-y.

Ils lui emboîtèrent le pas sans un mot jusqu'au bureau du directeur où le type enleva son imper et posa sa mallette pour en sortir un grand calepin et un pauvre stylo acheté vraisemblablement en solde dans les surplus de l'armée soviétique.

David réalisa avec effroi que son poste de directeur à Woodville, et donc une partie de sa carrière, allaient dépendre de cette caricature vivante en train d'essayer de déchiffrer, à travers ses grosses lunettes sales, les plans des locaux qu'il venait de lui remettre...

Il fallait espérer que, malgré cet aspect répugnant, ce type connaisse au moins son boulot et ait un regard objectif.

O'Toole lut rapidement le rapport sur la mutinerie et l'évasion concomitante de Lucas puis mit le tout dans la mallette et demanda à visiter les locaux.

David et Vince l'accompagnèrent partout où il voulut, en commençant par ce qui se trouvait à l'extérieur de l'enceinte de détention.

Il posait de nombreuses mais brèves questions et notait sans cesse dans son carnet.

Contrairement à ce qu'attendaient David et Vince, il ne fit aucune remarque directe sur des points qui ne lui auraient pas parus à son goût sur le plan de la sécurité ou autre.

Il inspecta ensuite le mitard et demanda à voir le grillage de l'enceinte extérieure par où l'on pensait qu'était passé Lucas pour se faire la belle. Bien sûr, l'échafaudage n'était plus là et le fort grillage avait été réparé.

Midi arriva et comme prévu, ils déjeunèrent d'un plateau de détenu, installés à la va-vite dans un local près de l'infirmerie. L'inspecteur, qui mangeait comme un porc, ne fit pas de commentaire sur le verre de bière mais n'y toucha pas.

La promesseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant