Chapitre 11

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Les policiers pénétrèrent dans la cour de pré-enceinte, sur leurs gardes.

Mais apparemment, les détenus s'étaient calmés. On aurait dit qu'en donnant l'assurance de la levée de l'interdiction de fumer et du verre de bière, le capitaine Penning, avec son porte-voix, avait sifflé la fin de la dangereuse récréation.

On les aligna contre les murs et les policiers, secondés par les gardiens, les fouillèrent méticuleusement.

Puis les policiers pénétrèrent dans la prison par groupe de 6, toujours lourdement armés, accompagnés de Vince et de quelques gardiens.

A intervalles plus ou moins réguliers, ils ressortaient, poussant devant eux des détenus dont ils s'étaient assurés.

On amena Mac Callum, étonnamment docile, au grand soulagement de David.

Des gardiens ressortaient aussi, qui avaient été pris dans la mutinerie.

Finalement, à part les deux hommes affectés au guichet de remise des armes qui avaient été molestés, et encore n'était-ce qu'assez légèrement car ils avaient eu l'intelligence de ne pas résister aux mutins, on ne déplorait aucun blessé grave ni chez les gardiens ni chez les prisonniers.

C'était un miracle...

Au bout d'une heure, tous les gardiens se trouvaient dans la cour à l'exception des deux du guichet qui étaient partis à l'infirmerie avec le personnel médical, ainsi que tous les détenus, parqués d'un côté, dûment menottés.

Tous, à l'exception d'un.

Penning et Vince firent signe à David de les suivre.

Sans un mot, les trois hommes se dirigèrent vers le mitard.

La porte en était ouverte, béante, et bien sûr, il n'y avait plus personne dedans...

- Il est dans la maison, dit David. Nous avons contrôlé l'entrée du début à la fin de l'incident...

Penning et Vince, toujours sans rien dire et le visage grave, lui firent à nouveau signe de les suivre.

Dans le couloir hors enceinte se trouvait une porte pleine, en acier, qui, comme pas mal d'autres ce jour là, n'avait rien à faire ouverte. Elle donnait sur un intervalle, une espèce de couloir à ciel ouvert, entre le mur de la construction et l'enceinte, externe celle-là, réalisée en grillage très fort, inviolable.

A vingt mètres environ de la porte, une sorte d'échafaudage en tube gris carré gisait, affalé sur le grillage qui, à 5 mètres de haut, avait été littéralement écrasé sous le poids de l'engin.

- Qu'est-ce que c'est que ce truc là ? demanda David.

- Un échafaudage qu'on a utilisé pour aller réparer une avarie qui se produisait régulièrement en cas de forte pluie. L'entrepreneur allait le démonter et le reprendre la semaine prochaine, dit Vince. Personne n'avait accès ici.

- Il n'est pas tombé tout seul, dit Penning. Aucun homme n'a pu pousser ce truc et le basculer comme ça.

- Aucun homme normal. Mais Lucas, si... dit Vince.

- Bon sang, ne me dites pas que s'il ne s'en est échappé qu'un seul, ce serait Lucas !

- Je ne sais pas, M. Chessman. Il faut fouiller tout le centre, entièrement, même les placards à balais, même les frigos de la cantine. Ce type est capable de tout, vous n'avez aucune idée de ce qu'il peut faire.

On fouilla partout. Ceci, allié avec les multiples précautions rendues obligatoires par la mutinerie, représentait un travail de romain, d'autant que la mission de Penning et ses hommes, qui se limitait au strict contrôle de la situation de mutinerie, prenait fin avec la remise en cellule des détenus.

Il fallut gommer les vains espoirs auxquels, en vérité, personne ne croyait. Se ranger à une occurrence qui normalement n'aurait pas pu exister : Bill Lucas, le meurtrier cannibale, était dans la nature.

On avait déclenché, avant même d'attendre le résultat infructueux des fouilles au sein du centre, d'importantes opérations de recherche dans toute la région.

Des centaines de policiers furent mobilisés, on bloqua les routes, tout fut contrôlé, mais on ne retrouva pas la trace de Bill Lucas.

******

Il ne se passa pas plus de quelques heures avant que le téléphone ne sonne. Bien sûr, c'était l'inspecteur général.

Il voulait voir David au plus vite afin de l'entendre sur les évènements.

Apparemment, l'évasion de Lucas le tracassait infiniment plus que le fait qu'il y ait eu une mutinerie. Il faut dire que d'une part ce n'était pas une première, que d'autre part cela s'était plutôt bien terminé puisqu'on n'avait déploré aucun mort ni même de blessé grave, et qu'enfin David avait réussi pour l'instant à minimiser les choses autant que possible.

Il omit ainsi soigneusement de préciser les raisons probables de la mutinerie, se contentant de dire que les prisonniers semblaient revendiquer de meilleures conditions de détention...

Il fut cependant obligé d'évoquer la mise au mitard de Lucas, par crainte que l'inspecteur général ne l'apprenne eu égard au fait que c'était de là que Lucas s'était finalement enfui, ainsi que Vince et le capitaine Penning n'avaient pu manquer de le constater...

- C'est un méchant, d'après ce qu'on m'a dit, ce Bill Lucas. Un cannibale, non ?

- Oui, Monsieur l'inspecteur général. Il a été reconnu coupable de plusieurs meurtres avec des actes d'anthropophagie et condamné à mort. De plus il est imprévisible et se fond dans le décor avec une habileté incroyable, à telle enseigne qu'on l'a surnommé le caméléon lors de sa traque : il échappait sans cesse à l'arrestation sans qu'on sache comment. Il a menacé de mort l'ex-directeur M. Finch et moi-même, raison pour laquelle j'avais décidé de sa mise à l'isolement au cachot, à titre de punition.

- Mais bon sang, quand se décidera-t-on, dans ce pays, à exécuter en temps utile les gens qui ont écopé de la peine capitale, au lieu de les faire lanterner, avec le coût que cela comporte pour les contribuables et les risques qu'ils se soustraient à la sentence en se suicidant ou bien en s'échappant comme cette fois !

David ne se hasarda pas à entrer dans ce débat, d'autant que certains des éléments que venait d'évoquer l'inspecteur général plaidaient en sa faveur : si on exécutait les gens plus vite, évidemment ils n'auraient pas le loisir de tenter de s'évader.

- Bon, reprit l'inspecteur général, je vous vois vendredi à 14 heures, ça ira ?

- Parfaitement, Monsieur.

On était mardi. D'ici aux services centraux, il y avait un peu plus de deux heures de route en voiture.

Avant de raccrocher, l'inspecteur général dit encore :

- Chessman ?

- Oui Monsieur ?

- Ne venez pas seul, s'il vous plaît. On ne sait jamais, avec ce type dans la nature. Je souhaite que vous ameniez le gardien-chef Vince, et demandez donc aussi deux policiers pour vous escorter. D'ailleurs, j'y pense, pourquoi ne pas venir en voiture de police, ce serait plus sûr. Je vais appeler le shérif du comté, ne vous en occupez pas. Par ailleurs, la nouvelle de l'évasion de Lucas a sans doute un peu filtré par le bouche à oreille, mais la presse n'a rien publié pour le moment, nous y avons veillé. Ce n'est pas la peine d'effrayer les populations, donc black out là-dessus, vous me suivez ?

- Parfaitement. Merci Monsieur.

 

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