Alice in Nightmareland [En Pause]

Chapitre 4: Cora

Alice se baissa, passant sous une branche, et pulvérisa Lazuli du regard. Ce lapin avait le don de l'énerver. Depuis le début de leur voyage, il la snobait du regard, et lui parlait d'un ton terriblement pincé, comme si elle n'était qu'un insecte nuisible qui lui faisait perdre son temps. Il n'en fallait pas plus à Alice, qui s'énervait très vite. Elle avait hâte d'arriver au château de Cœur pour s'en débarrasser le plus tôt possible. La silhouette d'un immense édifice se découpa dans le ciel, exauçant sa prière silencieuse.

Du cœur. Ce fut la première chose à quoi elle pensa lorsqu'elle vit le palais. Symbole dominant, on le retrouvait sur les frises des tours, dans la forme des arches, les fenêtres, les arbres, les bannières, les girouettes... Sa couleur, le rouge, était elle aussi partout, déclinée dans tous les tons, rehaussée de blanc et de noir.

Ils traversèrent un immense pont levis, bordé de servants Coeur, des cartes cette fois-ci. Elles alternaient les chiffres deux et trois. Plus ils avançaient vers la salle du trône, plus leur puissance augmentait. Quatre, cinq, six... jusqu'à la salle d'audience, où quatre dames gardaient les portes. Lazuli se pencha vers ses compagnes.

- Nous allons passer par la porte latérale, et, Alice (pour une fois il avait oublié son ton pincé), surtout, ne commet pas d'impairs. Notre reine Cora est un peu... susceptible. Mieux vaux ne pas la contrarier. Incline toi devant elle et parle sur un ton poli, c'est tout ce que je te demande.

Il se détourna, pendant qu'Alice l'observait. Bien qu'elle n'en ait pas crû un mot, le discours de Marsy l'avait intriguée, et elle n'avait put s'empêcher d'essayer de percer à jour Lazuli. Elle avait d'ailleurs constaté avec étonnement que le lièvre avait raison au moins sur un point : Son compagnon blanc était complètement dévoué à sa reine. Ce regard, cette voix qu'il avait en parlant d'elle, ne trompaient pas, sa personne l'hypnotisait si totalement qu'Alice en était même venue à se demander s'ils n'avaient pas une liaison. Une plainte lancinante la coupa de ses pensées.

- Non majesté, s'il-vous-plait, ma famille a besoin de moi ! Je vous supplie d'accéder à ma requête, et vous supplie de me laisser la vie !

Une voix lasse lui répondit.

- Donne-moi une seule raison de t'épargner, charretier.

Alice entra dans la salle d'audience, une vaste pièce tapissée de velours rouge. Au centre, un homme pauvrement vêtu roulait des yeux terrifiés.

- Répond ! Reprit la voix.

- Je, je...

- Tu vois ? Tu n'as toi-même aucune raison de te sauver, or, j'ai horreur des vies inutiles. Qu'on lui coupe la tête !

- Non !

Deux servants Coeurs se saisirent du charretier. Celui-ci se débattit, ruant et décochant des coups de pieds comme un possédé. Ses yeux criait sa peur, son désespoir suintait de sa peau. Toute son innocence écorchée vive saignait de ces hurlements, encore et toujours les mêmes mots.

- Je vous en supplie !

Alice regarda autour d'elle. Quelqu'un allait bien aider ce pauvre homme! Elle se leurrait. Lazuli, le regard tranquille, ne bougea pas d'un poil, Alice se demandait même s'il voyait la scène, tandis qu'Atanaka, bien que le regard dur et les poings serrés, n'en faisait pas moins. Un soupir attira son attention.

- Toujours le même refrain, ils pourraient innover un peu.

Sur un imposant trône d'or, incrusté de cœurs de rubis, la silhouette épousée par une robe rouge et noire au style étrange, se trouvait une magnifique jeune femme. Des yeux de glace, entourés de motifs, des lèvres de sang, ressortant sur une peau pâle, et un visage ovale monté sur des épaules tendres, complétaient le personnage, soutenu par un corps gracile. Alice avait devant elle le parfait exemple d'une sirène: un être à la fois cruel et magnifique, Cora, la reine de Coeur.