Mysterious Eyes - Tome 1 : Genèse (Disponible en Broché et Ebook sur Amazon)

Part 8 : La solitude d'une étoile

Le feu de bois est assez simple à allumer dans l'ancienne cheminée de cette maison abandonnée. Il y a souvent des magazines cachés sous les matelas que j'utilise comme combustible. La plupart sont destinés à un public masculin. Ça ne me choque pas, à une autre époque, s'exhiber dénudé n'effarouchait personne. À ma grande surprise, je trouve des livres aussi. Ma dernière trouvaille, une pépite en très bon état qui a rejoint ma collection : "Le comte de Monte Cristo".

Il ne fait pas spécialement froid, mais la nuit apporte son lot d'angoisse. J'avoue ne pas faire la maligne une fois qu'elle est tombée. La seule lumière de mon briquet réveille des ombres fantômes sur les tapisseries centenaires. Le doux crépitement, produit par le bois qui se consume, a au moins le bénéfice de combler le silence inquiétant.

Je sors la petite couverture de mon sac à dos et l'étale sur le sol. Le canapé est sans aucun doute ravagé par les mites et les bestioles en tout genre alors je préfère de loin le carrelage dur, mais plus sain. Je prends ma carte de l'ancienne Europe où j'ai tracé mon chemin et mes haltes. Je la déploie sur la table basse. Ma boussole m'indique dans quelle direction je dois me diriger demain. J'ai parcouru quelques kilomètres déjà. Une cinquantaine depuis trois jours. Je n'avance pas très vite. Le terrain est très escarpé et la forêt dense. Je n'ai encore croisé aucune âme qui vive mis à part des insectes répugnants ou quelques lapins. Je sais pourtant que le danger est présent. Partout où il y a des proies herbivores, se trouve des carnivores aux dents acérées.

Je déchire le plastique de ma dernière barre de céréales. Même si la faim me tenaille le ventre, j'en coupe un morceau que je laisse pour demain matin. Il est hors de question que je fasse demi-tour. J'aurais cru la chasse plus facile, mais les pièges que je place le soir ne fonctionnent que très rarement. Je vais devoir apprendre à rationner mes provisions.

Je casse une chaise abandonnée dans l'ancienne cuisine afin d'alimenter une seconde fois le feu. Je me couche et regarde les flammes. Mes yeux se ferment.

— Ze veux avoir un ranch avec des zevaux, des poules, des lapins et des p'tites brebis, ah voui et une vasse aussi, pour le lait, lui avais-je avoué en zozotant un peu, le pouce entre mes dents tout en triturant mes cheveux.

— Une ferme, quoi, avait conclu Aden distraitement.

Il était étendu sur le dos, les deux mains derrière la tête. Il contemplait la nuit qui était tombée, au travers de deux planches du toit de notre cabane.

— Oui, c'est ça. Un endroit parfait où il ne fera zamais trop chaud, zamais trop froid. Et devant, il y aura un petit étang propre où on pourra se baigner avec les canards et leurs canetons.

— Qui « on » ?

— Et bem, toi, moi et Créature, avais-je affirmé en brandissant la pauvre peluche devant ses yeux.

— Hum...

Il avait repoussé Créature qui lui barrait son champ de vision. Excédée par son indifférence, je m'étais agitée sur son ventre sur lequel j'étais assise,. Comme d'habitude, je faisais la conversation toute seule.

— Tu ne dis jamais ce que tu penses ! m'étais-je exclamée.

— Toi, tu parles trop. Et puis, descends de mon bide, tu as le cul pointu !

Il avait essayé de me dégager en posant ses mains sur mes côtes, juste en dessous de mes bras, mais mes jambes se cramponnaient à ses hanches et mes mains à son cou comme une sangsue. Il avait laissé retomber sa tête contre le sol, en soufflant.