Chapitre Huit

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(Tante Jo en media)

Plantée dans le couloir sombre, je mis un moment à retrouver mes repères. Finalement, je me dirigeai vers la cuisine. Qu'allais-je bien pouvoir raconter à Tante Jo pour expliquer mon absence ? La pièce déserte, d'une propreté inhabituelle, était plongée dans un silence mort. Quand au sol, il était si brillant que j'y voyais presque mon reflet. Tante Jo était elle repartie en randonnée ? Mon ventre se contracta : je n'avais plus envie de rentrer dans une maison vide après les cours, comme cela avait été le cas pendant plusieurs semaines d'affilée. Mais le pire, c'est que je n'avais jamais vu Tante Jo se comporter en fée du logis. Quelque chose ne tournait pas rond.
Enfin, je relevai quelques signes de vie ici et là : un sachet de thé humide sur le micro-onde, un livre avec une enveloppe en guise de marque-page, des piles de papiers bien rangées. Une feuille négligemment jetée à côté attira mon attention. Je la pris et découvris qu'il s'agissait de mon extrait de naissance ! Le cœur cognant à tout rompre, j'épluchai les autres papiers. Des photocopies de mon passeport, mes références de Sécurité sociale, les documents relatifs à la tutelle... et un formulaire de police pour enregistrer un avis de recherche !
La voix de Tante Jo me fit sursauter. Quelques secondes plus tard, elle apparut dans la cuisine, un téléphone à la main.

- un mètre soixante-cinq, brune aux yeux gris. Championne de ski. Un peu sauvage au premier abord, mais en réalité très...

Quand son regard se posa sur moi, elle raccrocha le téléphone. L'appareil lui échappa des mains avant de s'écraser sur le parquet.

- Naomy, murmura-t-elle, les larmes aux yeux.

Sur son visage se mêlaient tristesse, soulagement, colère et regrets.

- Je suis..., commençai-je, sans savoir quoi dire d'autre.

Tante Jo accourut pour me serrer dans ses bras.

- Naomy, Naomy, Naomy ! Répéta-t-elle en me berçant. Tout va bien ? Où étais-tu passée ? Sache que tu es dans un sacré pétrin ! Mais je suis trop heureuse pour te passer un savon !
- Excuse moi..., fis-je en enfouissant le visage dans ses cheveux. Tu m'as trop manqué !

La vérité ? Je me rendais enfin compte que j'avais eu peur de ne plus jamais la revoir. Tante Jo s'écarta de moi, et nous nous assîmes par terre, au beau milieu de la cuisine. Elle me tâta les bras comme si elle cherchait d'éventuelles fractures.

- Que t'est-il arrivé ? As-tu idée de notre angoisse ? Demanda-t-elle en s'essuyant les yeux. J'aurais dû être là. Te parler. J'aurais dû...
Arrête, tu n'y es pour rien, la coupai-je.
- Que t'est-il arrivé ? Répéta-t-elle en passant la main sur mes bleus et mes égratignures. Tu as vu ton visage ? Tu veux qu'on fasse un saut à l'hôpital ?
- Non, je vais bien. Vraiment. Je suis juste un peu fatiguée.
- Oui, j'imagine, répondit-elle en m'étouffant une nouvelle fois dans ses bras. Mais tout ira bien dorénavant. Tu es à la maison. En sécurité.

Non, je n'étais pas en sécurité ; j'en avais pour preuve la plume blanche trouvée au Love The Bean. J'avais beau être de retour à la maison, avec Tante Jo pour me mitonner mes plats favoris, rien ne serait jamais plus comme avant. À l'étage, je pris une douche, la première depuis des jours. Je fis couler sur moi l'eau bouillante pour effacer toute trace liée à mes mésaventures. La trahison de Niall disparut avec l'eau dans le siphon, et je me laissai envelopper par la buée.
Je m'enroulai dans une serviette et regagnai ma chambre, où je sortis un short et mon tee-shirt préféré, que j'étalai sur le lit. Tournée vers ma psyché, je fis glisser ma serviette par terre. Incroyable : mon ventre était intact, comme si on ne m'avait jamais poignardée ! Je me passai les doigts sur la peau, sans rien ressentir de spécial. La chair de poule me couvrit les bras et les jambes, et j'eus soudain la drôle d'impression qu'on m'observait. J'enfilai en vitesse mes vêtements, que je retrouvai avec bonheur, me brossai les cheveux et me fis un chignon avant de m'arrêter net. Le sol venait de tanguer sous mes pieds. Soudain, l'obscurité tomba sur la pièce. Je relevai les yeux vers le miroir, et je dus me retenir à ma commode pour ne pas tomber : une auréole sombre se propageait autour de mon tee-shirt.
Paniquée, je le soulevai et poussai un hurlement : une plaie béante me déchirait le ventre ! J'avais les mains maculées de sang, dont les gouttes souillaient la commode et la moquette.

Beautiful Dark II [ TERMINÉ ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant