XXXXII.

321 12 2
                                    


10h54.

Presque tremblante, Lou toqua à la porte de l'appartement. Son cœur se serra plus qu'elle ne pensait que c'était possible lorsque Deen l'ouvrit. Elle resta statufiée, hésitante sur la démarche à adopter : devait-elle l'embrasser ou ne rien faire ? Ou plutôt pouvait-elle encore l'embrasser ? Définitivement son cœur se serra et son angoisse menaça de la faire déguerpir à toute vitesse. Mieux valait se bercer d'illusion que de laisser ce « Loveur à deux balles » lui briser définitivement le cœur. Son Loveur à deux balles. Briser son cœur alors qu'elle l'avait accepté et qu'elle l'aimait.

- Tu entres ?

Lou hésita trois secondes supplémentaires avant de pénétrer dans l'appartement et alors qu'elle se dirigeait vers le salon, Deen la prit dans ses bras et lui offrit un baiser sur la tempe. Au moins tout n'était pas perdu, espéra-t-elle. C'était à la fois rassurant et douloureux. Si rassurant qu'elle se blottit contre lui en s'agrippant à lui, presque à vouloir rentrer en lui pour ne jamais s'en détacher. Et si douloureux que la jeune femme sentit les larmes perler aux coins de ses yeux. Elle se détacha lorsque l'une d'elles s'échappa de son œil. La sensiblerie n'avait jamais été son fort.

Un geste vif pour essuyer les larmes prêtes à déborder de ses yeux, un mouvement d'épaule pour se donner une contenance et Lou se détacha de l'homme qu'elle aimait, tête baissée, et fit route jusqu'au canapé.

Lou s'était rarement sentie mal à l'aise dans cet appartement. Jamais même, aurait-elle tendance à dire.

- Un verre ? Commença Deen qui semblait relativement peu à l'aise lui aussi.

- Non merci. Tu voulais parler de quoi ?

Raide comme un bâton et les mains se torturant l'une l'autre, Lou attendit les explications. Elle dut se faire violence pour ne pas lui sauter dessus et lui répéter qu'elle l'aimait jusqu'à ce que toutes les mauvaises pensées qui semblaient l'habiter partent de son esprit. Elle envisagea même de lui sauter littéralement dessus et de le retenir par le sexe. L'amour malmène un peu trop l'égo et la fierté, que n'était pas prête à faire Lou par amour ? Elle ne savait pas très bien. Mais elle se battrait et démonterait ses arguments pour lui prouver qu'elle l'aimait.

Paradoxalement elle se sentait prête à affronter cette discussion qui s'annonçait houleuse alors que ces tripes se resserraient seconde après seconde dans l'attente.

- Hugo a une maison de vacances en Bretagne, enfin ses parents, et il m'en a filé les clefs. Tu veux m'accompagner ? Que tu veuilles ou non, j'y partirais mais sans doute pas seul, ça tu dois le savoir. Si ça te tente, on passe chez toi faire une valise ou bien on part direct.

- Mais ...

Lou ouvrit la bouche avant de la refermer. Son cerveau ne semblait pas vouloir traduire les paroles de Deen. Ne devait-il pas parler de ses absences et lapins à répétition des dernières semaines ? Elle avait usé et abusé de Deen, était allée trop loin. Mais, lui, parlait de vacances ?

Sa motivation précédente fondit comme neige au soleil. Totalement prise au dépourvu, Lou ne put que bégayer bêtement.

L'expression de sa petite-amie n'échappa pas à Deen. Un peu narquoisement, il en sourit.

- Tu pensais que j'allais te foutre un taquet par rapport à ton taff' excessif ?

- Bah ouais. Je, enfin, j'ai merdé. Je t'ai plutôt ignoré et ...

Deen sourit un peu plus, un mélange entre une amertume profonde et du soulagement. Mixte issu des absences de Lou et de l'inquiétude que ça avait pu générer, et, de voir que malgré ça elle s'en rendait compte et l'aimait suffisamment pour être chambouler par une éventuelle rupture. Il avait été vache de ne pas la détromper, encore plus de l'induire exprès en erreur. Mais il avait eu besoin d'être rassuré, d'être égoïste lui aussi à sa manière.

- Tu pensais que je t'interdirais de travailler ? Requestionna-t-il.

La jeune femme sembla hocher la tête.

- Lou, je t'aime et ce peu importe que tu me délaisses ou non. Oui, je ne suis pas heureux mais je ne te foutrais pas d'impératifs. Tu es libre et indépendante dans tes choix. Enfin, va pas me tromper parce que là ouais je ne l'accepterais pas.

Lou ne sut réagir tout de suite. Elle eut peur d'avoir loupé quelque chose. Elle ne voulait pas comprendre de peur d'interpréter et d'être déçu, elle ne le gérerait pas, ça.

- Tu ne m'en veux pas alors ?

Les yeux résolument fixés sur Deen, Lou attendait un miracle.

- Si. Un peu. Tu as intérêt à te rattraper pendant ces vacances, fit-il pour détendre la jeune femme tendue comme un string.

Une lumière sembla s'allumer dans le cerveau de Lou. Petit à petit, elle autorisait la compréhension de l'information à remonter jusqu'au plus profond de son être.

- Tu n'as donc jamais voulu rompre ? S'assura-t-elle d'une voix lointaine.

Deen grimaça. Alerte rouge dans la tête de Lou.

- J'vais pas te cacher que cette idée m'a traversé l'esprit ces derniers temps, commença Deen alors que les doigts de la jeune femme se mirent à trembler - réaction lorsqu'elle était déchirée par une émotion - seulement faut croire que je t'aime un peu trop.

Plus que son cœur qu'elle sentit se comprimer face à cette éventualité c'est un déferlement de soulagement qui inonda tout son être et elle partit à rire, la pression abandonnant son être.

Il ne voulait pas rompre. Absolument pas rompre. A aucun moment. Ni hier, ni aujourd'hui, ni prochainement. Enfin pour le prochainement pas encore sur. Mais elle y veillerait.

- Tu m'as fait si peur, souffla-t-elle au bord des larmes par l'immense soulagement ressenti.

Une caresse sur son bras. Si douce, si agréable.

- Je sais, je l'ai bien vu, s'excusa Deen.

Des frissons naquirent le long de son bras pour remonter délicieusement jusque dans sa nuque. Comme un retour de boomerang, c'est un retour d'émotions qui assaillit Lou. Lou lui réserva une œillade faussement noire. Pourtant après deux secondes de presque colère, elle abandonna. Elle ne pouvait pas lui en vouloir. Les barrières étaient déjà abaissées. Et dans le fond, peut-être avait-elle bien mérité ce petit retour à la réalité.

- Infâme petit con !

Le saligot se mit à rire, puis à lui servir un tendre sourire.

- Je t'aime, éluda-t-il.

Explosion délicieuse naissante. Définitivement, elle ne pouvait pas le détester à ce moment-là.

- T'as de la chance que moi aussi ! Bouda faussement Lou.

Deen ne put s'empêcher de la trouver radieuse avec cette expression boudeuse. Enfin il retrouvait sa Lou. Une Lou complice.

- Je sais.

- Loveur à deux balles, continua Lou dont la mine boudeuse s'effilochait.

- Je t'aime.

Aussi cliché que cela fut, Lou sentit ses joues rosirent de plaisir et un sourire naquit sur ses lèvres, comme si cette simple phrase renouvelé était une formule magique guérisseuse.

- Tu me l'as déjà dit ça, joua-t-elle néanmoins, désireuse de plus.

- Je sais. Je t'aime quand même.

Lou ne put bouder plus longtemps. S'apprêtant à bondir sur ses pieds elle s'arrêta néanmoins. Il lui restait un point à éclaircir. Le point qui initialement l'avait rendu si anxieuse. C'est les doigts se chamaillant qu'elle se lança.

- Deen ?

- Oui ?

Un coup d'œil vers l'homme qu'elle aimait avant de fixer résolument ses mains, Lou se lança :

- Promis je ne te referais pas un coup pareil. Réellement. Je ferais gaffe à ne pas me laisser trop obnubiler par une idée.



« Loveur à deux balles. »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant