« Loveur à deux balles. »

XXVII.

- Qui est-ce ? Décrocha Lou à l'interlocuteur qui avait masqué son numéro.

- Ton pire cauchemar ! Répondit la voix avec un air dramatique, qui fit immédiatement penser à Lou au film d'animation Mulan.

- Je t'ai reconnu espèce d'idiot, souffla-t-elle amusée. Bon, qu'est-ce que tu me veux Mushu ?

- Te parler.

- Me parler ?

- Et te voir. T'es chez toi ?

- Oui, j'y suis là.

- Super, ouvre la porte, princesse.

Cinq minutes plus tard, Deen aka Mushu se trouvait dans l'appartement de la jeune femme. Lou fut vite intriguée par l'étui à guitare cinglé dans le dos de Deen.

- Que me vaux ta venue ? Commença-t-elle après l'avoir laissé entrer dans son petit appartement.

- Tu as réussi tes partiels et par la même ton année, non ?

Lou hocha la tête. Elle avait eu les résultats la veille.

- Alors une coupe de champagne s'impose, princesse.

Lou lui sourit exagérément. En effet, sa réussite valait d'être fêtée ! Surtout qu'elle avait excellé.

N'avisant aucune bouteille dans les mains de Deen, Lou comprit immédiatement qu'il comptait l'emmener soit dehors soit chez lui. D'instinct elle opta pour la deuxième solution.

- La guitare c'est pour quoi ? Questionna la jeune femme, curieuse qui enfilait un gilet. Tu comptes te la jouer charclo dans métro ?

- Plutôt te jouer la sérénade, fit-il charmeur.

- Et en vrai ?

- Livraison à un pote qui ne pouvait pas la récupérer tout de suite au magasin de réparation, répondit-il, sincère. Mais je compte quand même te jouer la sérénade.

- J'sais pas si j'dois douter de tes cordes vocales ou pas.

Deen releva un sourcil.

- Serait-ce un défi, princesse ?

Une lueur de défi naquit dans les prunelles de Lou.

- Je vérifie qu'elle soit bien accordée et je te la joue ta sérénade, princesse.

Installé sur le canapé, Deen gratta les cordes avant de se lancer. Intérieurement, il remercia son ancien colocataire australien, fan incontesté de musique française qui l'avait poussé à apprendre quelques classiques de la chanson française. Cette pensée lui fit rappeler qu'il devrait l'appeler à l'occasion.

Hymne à l'amour d'Edith Piaf. L'une des plus belles chansons au sens de Deen.

Il n'avait pas le même timbre quasi inimitable d'Edith Piaf néanmoins celui de Deen avait un truc. Un truc qui indéniablement fit vibrer Lou. C'est sa voix, la guitare et autant les paroles qui firent vibrer Lou.

- C'est beau, lâcha-t-elle, émue.

Deen se rembrunit. Il était content de sa prestation et au courant du potentiel de sa voix mais que Lou le reconnaisse était une toute autre affaire, ça le rendait un peu gêné, presque timide face au petit bout de femme debout devant lui et qui le regardait avec un regard déstabilisant.

- C'est toi qui es belle.

- Loveur à deux balles, rabroua-t-elle.

Pourtant Lou le prit dans ses bras et nicha sa tête dans son cou. Il l'avait émue.

- Tu m'en fais une autre ? Demanda-t-elle doucement, les joues légèrement rosies.

Deen la dévisagea et ouvrit la bouche pour la refermer l'instant d'après. Sous le coup de l'étonnement et de la surprise, il lui fallut quinze secondes pour assimiler la demande. Fier comme un coq, le jeune homme redressa le torse et dans un sourire qui manquait de lui avoir des crampes il prit la parole :

- Une autre sérénade ? Fais attention je pourrais commencer à croire que tu succombes au charme de ton loveur à deux balles.

- Faut croire que certaines phrases de loveur à deux balles finissent par marcher.

- Je retiendrais seulement que tu ne nies pas, glissa-t-il dans un clin d'œil.

Lou ne pouvait plus nier ne ressentir que de l'attirance physique envers Deen. C'était plus, bien plus. Et même si sa peur de l'engagement restait, Lou ne se sentait pas de pouvoir lui mentir. Deen parvenait à la mettre en confiance et la moindre des choses était de l'honnêteté de sa part.

Quand je t'aime de Demis Roussos fut le second choix de Deen. Le jeune homme eut rapidement la pensée d'être un vrai sentimentaliste de bas étage. Il était sûr que les gars le traiteraient de véritable canard ou de fragile s'ils pouvaient l'entendre. Ses pensées disparurent bien vite lorsqu'il aperçut la mine de Lou. Si elle le lui demandait, il serait prêt à lui faire un concert entier. Et ce même sous les railleries des gars.

- C'est vraiment beau, complimenta Lou une nouvelle fois, toujours aussi touchée. Tu sais toucher le cœur d'une femme toi, loveur à deux balles.

Le cœur gonflé par ses paroles, Deen se rapprocha de Lou avec un regard dévorant. Néanmoins, lorsque ce n'était pas Lou, c'était les choses qui semblaient se liguer contre lui. Sans quitter Lou du regard il décrocha son téléphone, qui vibrait sa poche, avec un air de coq entouré dans sa basse-cour de luxe.

- Allo ? ... Ouais, ouais, on arrive.

Deen rangea la guitare toujours en se pavanant. Aujourd'hui, il était remonté à bloc. Et ça même si son petit frère venait de gâcher le romantisme qui venait de s'installer en le rappelant à l'ordre : ils avaient la réussite étudiante de leur petite brune préférée à fêter. Il lui montrerait son amour une autre fois, il n'était plus à une fois près.

- J'adorerais continuer à toucher ton cœur princesse mais les gars nous attendent.

L'instinct de la brunette ne lui avait pas fait défaut.

En une vingtaine de minutes, ils se retrouvèrent devant l'appartement des deux frères, Greg avec eux. Ils avaient trouvé ce dernier sur le quai du métro à leur arrêt. Même à la vue de Greg, Deen n'avait pas retiré son bras des épaules de Lou et cette dernière ne s'était pas non plus dégagée. Indubitablement les choses se concrétisaient.

- Lou des bois, hurla Jake lorsqu'elle pénétra dans l'appartement avant de la prendre dans ses bras dans une étreinte d'ours brun des forêts. Félicitations !

Une flopée de félicitations s'éleva derrière et Lou les remercia tous –Greg, Hugo, Hakim et même Thomas qui cette fois-ci qui reçut une œillade peu avenante de la part de Deen lorsqu'il déploya son cinéma habituel. Un compliment ressemblant à « Ton p'tit cul aurait pas pris du ferme ? » auquel Lou répondit par « Faut croire qu'un bel Apollon me donne envie de faire quelques squat ces derniers temps. » qui signait la fin de leur coutume. Bien que stupide Thomas respectait les couples, surtout depuis qu'il avait reçu quelques corrections bien senties.

- A ton année réussie et tes vacances officielles ! Clama Hakim en portant un toast.

- Et à notre future cuite ! Rajouta Hugo, hilare.