chapitre 2 - les prisonniers

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Côte à côte, deux hommes deux femmes deux femmes deux hommes, un seul enfant... C'est évident. Ce fourgon ne contient que des homosexuels. Nous sommes alors emprisonnés. Je pense à madame Klouchi, ma voisine musulmane, qui se retrouve elle aussi emprisonnée, victime de cette fameuse DFF. Plusieurs questions me viennent alors à l'esprit. Comment ont-ils su que j'aimais les hommes ? Comment va-t-on sortir de là ? Que va-t-il nous arriver ? Faut-il agir ? Non, je reprends mes esprits, et je commence dès maintenant à enquêter sur tout cela. Il faut que j'use de mes talents de journaliste. Je sors mon carnet, commence à observer tout le monde. Anxieux, stressés, visages fermés, pas un bruit. Je ne veux pas les déranger, alors je ne parle pas. J'entends une voix s'exprimer. C'est la radio, je n'arrive à distinguer que certains mots. Je prends mon crayon et mon carnet pour noter ceux que j'entends.

    « Europe 1 ! Bonjour à tous... d''état... plusieurs semaines... caméras... pendaisons... fourgons... direction de plusieurs... Président Manuel Valls... Anne Groivin... séquestrés... ». Puis la radio s'éteint. « Putain, on les a eus ces deux connards ! » s'écrie une voix. Une autre rigole. Plus rien, tout le monde se regarde. Apparemment, je ne suis pas le seul à avoir entendu tout ça. Tout le monde commence alors à discuter de ce qu'ils ont entendu. Mon voisin, brun, yeux en amandes, mâchoire carrée, me pose des questions.

« Lucas Duclos, et toi ?
-Romain Lagrange. Je comprends rien à ce qu'il se passe...
-Je crois que je commence à comprendre moi... T'es gay, nan ?
-Euh... Oui, haha. Pourquoi ?
-Car on l'est tous ici... Elle, lui, nous deux... Gays, lesbiennes, et ce bébé a dû être adopté. J'ai reçu un message d'un ami qui me disait que son fourgon ne contenait que des noirs. Et le brigadier-chef a dit qu'ils séparaient les noirs, les gays, et les religieux... C'est comme ça que je suis arrivé à cette conclusion.
-On est dans la merde... J'ai entendu à la radio qu'ils avaient installé des caméras dans tout Paris y'a quelques semaines pour espionner tout le monde... C'est pour ça qu'ils savent qu'on est homos...
-...
-T'as entendu quoi toi ?
-Je crois que Manuel Valls et sa femme sont séquestrés quelque part.
-C'est la merde. Apparemment on va être emmenés dans des camps, mais j'ai pas réussi à entendre quelles sortes de camps...
-Des camps ? J'ai peur, vraiment... »

  Des camps... Des frissons parcourent tout mon corps. Je vois ma vie défiler, je vois des milliers de morts. J'écris tout ce que Romain m'a raconté, prends mon téléphone pour prévenir Marvin, ma famille. Il ne s'allume pas, plus de batteries, aucun moyen de faire charger mon téléphone. Tout le monde parle autour. Tout le monde s'échange leurs informations. Tout le monde comprend que ce fourgon va nous emmener droit vers le cauchemar. Tout le monde comprend que le brigadier-chef nous a bernés. Il faudra que nous soyons solidaires pour se sortir de là.

  Tout le monde se regarde, les visages fermés deviennent alors des visages pleins de force, de courage. Mais pour l'instant, assis sur ces sièges, nous ne pouvons rien faire. Nous n'avons aucune arme, aucun moyen de se battre ou de se défendre. Nous ne sommes à l'abri de rien, et attendons tous d'atteindre l'endroit où nous devons arriver.

  Cela fait maintenant deux heures que nous roulons. « Dans 20 minutes nous arrivons, les tantouzes ! » crie le chauffeur. Puis des rires. « Camp de travail forcé à Lille, vous aimez ? En plus, si vous faites pas bien le boulot, vous vous ferez fouetter ! Vous aimez ça de toute façon, hahaha ! On a séquestré Martine Aubry pour qu'elle accepte de vous loger dans sa ville, mais elle a pas voulu... Heureusement pour vous, on lui a tranché la gorge, donc vous pourrez vivre à Lille ! Vous inquiétez pas, vous pourrez rencontrer d'autres pédés, y'en a plein dans cette ville. Vous travaillerez avec eux, et avec ceux de la France entière. Chaque semaine vous aurez des nouvelles missions, et si elles sont pas exécutées, c'est vous qui vous ferez exécuter, hahahaha ! Les musulmans sont à Béziers, Robert Ménard va pouvoir bien s'occuper d'eux ! Les juifs sont à Caen, on a fait un p'tit jeu de mot, hahaha ! Et les noirs sont à Bordeaux. »

  Nos preneurs d'otages rient, nous, les prisonniers, sommes effarés. Nous savons maintenant que dans vingt minutes, nous serons à Lille, dans un camp de travaux forcés.
« Votre première mission, vous aurez une semaine pour vous construire vos abris dans lesquels vous allez dormir ! En une semaine, j'vous conseille pas de faire des villas de luxe, une petite cabane ça doit suffire. De toute façon, un pédé ça bricole pas bien. On vous a donc délimité votre construction avec des lignes blanches. Vous serez cinq par cabane, mais j'veux pas savoir ce que vous ferez là-dedans ! Vous avez de la chance, on vous laisse choisir vos camarades ! Allez, vous avez plus que quinze minutes pour choisir, à tout à l'heure les tapettes hahaha ! »

HexagoneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant