Je vois ma vie défiler, je ne sais plus où regarder, je ne sais plus comment agir. Je fixe ces écrans géants, Marvin est effondré, Steeve Briois est enchanté. Un gros plan se fait sur sa main tenant le revolver. Son index effleure la gâchette. Je transpire, respire fort, Théo et Romain me retiennent avant que je tombe. Ils m'emmènent un peu plus loin pour que je puisse m'asseoir. Soudain, parmi le chahut de la foule, un coup de pistolet se fait entendre, et un silence s'abat. Les yeux sont rivés sur les écrans. Marvin est étendu par terre, du sang recouvrant son visage. Je hurle, mes deux amis me tiennent, me demandent de rester calme, je me débats, je hurle encore, jusqu'à en perdre la voix, puis la fatigue prend le dessus. Je m'endors alors, avec l'impression que le monde n'existe plus.
Marvin est là, allongé à côté de moi, une cicatrice sur la tempe. Je lui caresse la joue, il me sourit, et nous nous embrassons. C'est notre premier baiser. Il est passionnel, nous ne voulons pas nous lâcher, et nous ne nous lâcherons jamais. Nous nous marierons dans quelques années, peut-être adopterons-nous un enfant également. Je m'allonge contre son torse, je me blottis à lui, puis une sensation de vide s'installe. Le lit dans lequel nous étions a disparu, puis je le vois s'élever vers le ciel. Et moi, je tombe, dans un vide infini, qui ne s'arrête pas, jusqu'à ce qu'une main m'agrippe le bras.
"Tout va bien Lucas ?" J'ouvre les yeux doucement, me les frotte pour mieux voir où je suis. Laura, Théo et Romain sont à mon chevet. "Oui, tout va bien... Merci encore, pour tout.
-Nous sommes rentrés chez moi.
-Laura nous a reconduit chez elle après que... que Claire et Chloé soient allées au cœur de la foule...
-Que... Qu'est-ce qu'elles ont fait là-bas ?
-Des renforts de la DFF sont arrivés. Nous avons cherché les filles de longues minutes, puis nous avons été obligés de rebrousser chemin. En sortant de la manifestation pour rejoindre la voiture... Clai... Claire et Chloé étaient mortes, tuées par balle..."
Aucun son ne sort de ma bouche, aucune réaction ne s'affiche sur mon visage. Je n'ai plus la force de ressentir une quelconque émotion. Les trois personnes à mes côtés me serrent contre elles, nous nous serrons fort, je sens leurs larmes couler sur mon propre visage. Soudain, le son d'une voix résonne dans le salon. Nous nous précipitons dans la pièce, la télé s'est allumée. Le président de la DFF est assis, et s'apprête à prononcer un discours.
"Chers compatriotes français. Hier, une manifestation meurtrière a eu lieu à Bordeaux. Les trois quarts des prisonniers noirs ont été abattus. 500 agents de la DFF sont également morts. C'est pourquoi, j'ai pris une décision radicale. J'ai contacté plusieurs pays pour nous venir en aide. Malheureusement, seule la Russie a accepté. Vladimir Poutine va donc nous prêter quelques hommes pour maintenir le calme dans le pays, et fermer les frontières car il se peut que certains pays entrent en guerre contre nous. S'il le faut, nous procéderons de la même manière dont nous avons procédé hier lors des manifestations, si des actes semblables venaient à se reproduire en France. J'abattrai de mes propres mains certains prisonniers, comme je l'ai fait hier, si je le juge nécessaire. J'espère m'être fait comprendre. A bientôt."
Puis, des images d'avions et de chars russes en direction de notre pays apparaissent à l'écran. Je me perds dans mes pensées. Marvin, Claire, Chloé, Steeve Briois, Vladimir Poutine... Tant d'informations à digérer en si peu de temps. Je ne peux plus tenir. Je cherche une solution à tout ça. Soudain, une idée me vient à l'esprit. Une idée brillante. Je n'ai plus rien à perdre. Je me lève, me dirige vers la salle de bain, ferme la porte à clé, marche lentement vers la baignoire. Je pose mes mains sur le bord de celle-ci, et repense à toute ma vie. Mes amis d'enfance, mes collègues de bureau, ma mère, mon frère, ma sœur, mon père. Je tourne le robinet. "Tu fais quoi Lucas ?
-Rien... Je prends juste un bain, ça me fera du bien.
-D'accord, à tout à l'heure."
La baignoire est bientôt remplie. Je me déshabille. Je tourne ma tête, vers le miroir. Je me regarde. Je me contemple, comme jamais je ne l'avais fait dans ma vie. Je vais me saisir du miroir, le lance au sol, prends un bout de verre, m'installe dans la baignoire, me taille les veines du bras, des jambes, l'eau devient rouge, je ne souffre pas, je sens mon corps me lâcher, ma tête sombrer sous l'eau. Puis plus rien.
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Hexagone
AksiDans un futur proche, la France est victime d'un coup d'état. Une organisation ségrégationniste va alors prendre le contrôle du pays, séparant les musulmans, les juifs, les noirs et les homosexuels. Lucas Duclos, jeune journaliste parisien va alor...