chapitre 3 - le groupe

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« Allez, on sort ! Plus vite ! Et oubliez pas vos sacs à main les tantouzes » ! Soleil tapant, mes yeux me piquent, j'ai du mal à marcher. Je n'ai jamais aimé rester assis un long moment. Et avec tous les événements, tout ce que j'ai appris, ma tête tourne. Les rues de Lille sont noires de fourgons. « J'ai jamais vu autant d'homos au mètre carré, hahaha » ! Tous les faux brigadiers rient. Mais nous ne pouvons rien dire. « Nous allons vous escorter jusqu'à la place du Général de Gaulle. On préfère se mettre derrière vous, on sait jamais ce qu'il peut nous arriver si on marche devant vous, hahaha ! Alors on vous explique les règles du jeu. Nous on est les boss, vous nous écoutez. Là, on vous emmène dans vos camps, et vous aurez une semaine pour construire vos cabanes. Les mutins, ou autres conneries du genre seront battus devant leurs collègues tantouzes qui seront sûrement en train de chialer car ça fera une personne en moins à baiser, puis enfermer dans des endroits très sombres. Si vous finissez pas le boulot dans le temps imparti, votre sort sera le même, hahaha ! Des questions » ? Lille est, tout d'un coup, silencieuse. Juste le bruit des moteurs de fourgons, qui vont-et-viennent, laissant échapper la fumée du pot d'échappement.

« Formez vos groupes de cinq ! Vous avez deux minutes. » Nous arrivons à la place. Une place déserte, boutiques fermées, rues vides. « Lucas » ! Je me retourne. « Oh, Romain. Je ne pensais pas te retrouver avec tout ce monde.

-Moi non plus, on doit sûrement avoir de la chance.

-Je ne sais pas si on peut appeler ça de la chance...

-C'est vrai... On se met ensemble pour la cabane ?

-Pourquoi pas.

-J'ai déjà recruté ces deux filles. »

Blonde, yeux bleus. Brune, yeux vairons : un vert, l'autre marron. Un mètre soixante-quinze chacune environ, plutôt fines. La blonde commence : « Claire. Enchantée !

-Louis, enchanté également. Et toi ?

-Chloé. »

Les deux forcent leur sourire. Nous forçons tous nos sourires. Le bonheur cache l'angoisse dans laquelle nous sommes plongés. Moi, eux, tous les français. Il ne nous restait plus que quelques secondes pour trouver la dernière personne qui allait composer notre groupe. J'entends des pleurs, je me retourne, et vois un jeune homme, assis sur un trottoir, les mains au visage. Il parvient apparemment moins à cacher ses émotions que certains. Je m'approche. Il lève la tête pour me regarder. Brun aux yeux marrons, des lunettes et une barbe bien taillée.

« Salut, t'as besoin d'aide ?

-... J'ai tout perdu... Ils m'ont arraché de ma mère, elle est malade, ce putain de cancer qui la ronge de plus en plus chaque jour... J'ai tout quitté pour être à ses côtés, et là, j'me retrouve là, sans aucun repère, j'ai perdu mon téléphone dans la précipitation, j'peux pas l'appeler, j'peux pas la réconforter, elle ne peut pas me dire que tout va bien, j'peux rien faire !

-Calme toi, respire bien. Viens avec nous, on est déjà quatre. » Il respire pour calmer ses nerfs. « D'accord... Moi c'est Théo.

-Lucas. Lui c'est Romain, elle c'est Claire, et là c'est Chloé. »

Tout à coup, une voix s'élève, venant du ciel. Je lève la tête, et vois des haut-parleurs installés partout sur la place. « Les emplacements pour vos cabanes sont délimités par les lignes blanches. Le matériel se trouve dans les camions situés un peu partout sur la place. Je vous rappelle que si vous voulez survivre, il ne faut pas faire de conneries, et travailler durement. Vous vous lèverez tous les matins assez tôt pour pouvoir travailler à 7h, , mangerez un bout de baguette et un Danone nature sans sucre à 13h, reprendrez le travail, et mangerez le même repas à 19h. Ensuite, vous ferez ce que vous voudrez tant que vous n'enfreignez pas le règlement du camp. Le règlement est placardé sur toutes les vitrines des magasins. Vous avez intérêt à le lire. Comme on est plutôt gentils, on a décidé que pour votre premier soir, vous dormirez avec votre groupe dans un appartement pas loin d'ici. Répartissez-vous par groupe, nous allons venir vous chercher d'ici quelques instants. »

A peine le discours fini, les gens commencent à se disperser par groupe, comme demandé. Puis, une main me saisit le bras. « Suivez-moi ». Nous n'avons pas le choix, Claire, Chloé, Romain, Théo me suivent, nous arrivons devant une vitrine. « Lisez. » Une feuille, avec une grande liste de règles. Je lis à la va-vite. Les mutins, les ébats sexuels, ou encore le vol de nourriture. Puis, l'homme nous amène dans un immeuble. Nous montons les escaliers. Troisième étage.

« Vos clés. Vous les laissez sur la serrure demain en sortant. Vous ne sortez pas d'ici, et demain, rendez-vous à 7h en bas. » Très bien, il tend son bras pour me donner la clé, je présente ma main, il lâche la clé par terre. « Oups » me dit-il avec un grand sourire. Je ravale ma salive, me baisse pour ramasser les clés, il me met son pied contre mes fesses. « T'aimes ça » ? J'ouvre la porte, tout le monde entre, tête tournée vers l'homme. « J'adore ». Et je claque la porte. Je m'écroule par terre, en sanglots. La DFF, ma famille, Marvin, mon métier, mon appart', Paris, les fourgons, les brigadiers, Lille, le camp, la cabane... Toutes ces images dans ma tête. Puis plus rien.

HexagoneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant