Chapitre I

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Je me réveillai lentement. Le lieu dans lequel j'étais ne ressemblait pas à celui dans lequel j'avais l'habitude de me lever. Les murs étaient blancs, les draps de mon lit était d'un bleu proche du vert, on aurait dit un bloc opératoire. A côté de moi, un ordinateur était éteint. Je regardai l'heure dans ma tête, il était 17H23. La date : 13 août 2203. La météo : un peu nuageux, 21°C. Il était déjà tard, je ne savais pas pourquoi j'avais dormi autant, j'étais encore un peu dans le brouillard du réveil, j'avais beau cherché ce que j'avais fait avant de m'endormir, je ne me souvenais de rien. Je me relevai, ma tête tournait. Le médecin arriva dans la salle :

«Comment allez-vous monsieur Hickman ? »

Je passais mes mains sur mon visage encore un peu fatigué.

«J'ai fait un comas éthylique c'est ça ? »

Le médecin se mit à rire, je ne comprenais pas pourquoi.

«Non, vous venez de subir un formatage cérébral. »

Un formatage ! Mais pourquoi ? Le médecin sembla voir mon incompréhension et me dit :

«Vous étiez infecté d'un logiciel malveillant impossible à éliminer.

-Ah... Et tout est arrangé ? Demandai-je.

-Il a fallu tout effacer. Le formatage n'est pas une opération facile, il y a souvent de fortes répercutions par la suite, certaines personnes change de personnalité, d'habitudes voire de vie. Un suivi psychologique n'est pas obligatoire mais est fortement conseillé.

-Je veux juste rentrer chez moi.

-Oui, bien sûr, je ne vais pas vous retenir plus longtemps, sachez juste qu'au moindre problème, vous pouvez appeler le centre. »

Je hochai la tête en signe d'approbation et je quittai le centre un peu déboussolé. Je ne reconnus pas l'extérieur, je dus utiliser la fonction GPS dans ma tête pour me repérer jusque chez moi, me souvenant miraculeusement de l'adresse, je ne sais par quel moyen.

Au fait, je ne me suis toujours pas présenté, je suis Dany Hickman,j'ai 17 ans, je suis né le dimanche 3 mai 2186, c'était un dimanche, et comme vous l'aurez compris, je sors d'un formatage, ce qui fait que je ne me souviens plus de ma vie d'avant. Je vis dans une société où tout est connecté, et avec les innovations technologiques, nos cerveaux aussi sont capables de se connecter à un réseau internet. Je suis né dans l'état de l'Illinois, à Chicago, aux États-Unis. Mes parents sont venus habiter en France pendant plus de dix ans, mais j'ai décidé de rester à Paris, je ne sais plus pour quelles raisons. Ce sont les seuls souvenirs de ma vie, une vie que j'allais devoir reconstruire petit à petit, rencontres après rencontres, des rencontres peut-être déjà faites auparavant mais dont je n'ai aucune souvenance.

J'arrivai dans mon appartement. C'était un plutôt bel espace : la porte d'entrée donnait sur la salle à manger, une petite table ronde en bois clair se dressait au centre de la pièce, entourée par les murs sur lesquels se trouvaient les étagères où étaient rangés couverts et assiettes, l'évier se trouvait sous la fenêtre qui donnait sur l'extérieur, et sur un balcon fleuri et plein de verdures, le frigo se trouvait sur le mur de droite. Le papier peint était joli aussi, un papier jaune décoré par des plantes grimpantes, jusqu'à une fresque qui parcourait la pièce le long du plafond. A gauche, un passage en forme d'arc donnait directement à la chambre. Une porte menait à une autre pièce adjacente, j'ouvris: il s'agissait de la salle de bain, une pièce plutôt étroite. Je n'y restai que peu de temps pour le moment. Je m'assis sur le lit de la chambre, regardant le décor de la pièce : tout à l'effigie de la ville de New York. En face du lit, une commode sur laquelle se trouvait une reconstitution miniature de la statue de la liberté, et juste à côté, un cadre photo. Je m'approchai pour la voir de plus près. Il s'agissait d'une photo de moi avec trois autres personnes que je ne connaissais pas, sûrement des amis lors d'une sortie dans un parc, à l'ombre d'un châtaignier. A gauche, un gars à la teinte asiatique regardait en direction de l'objectif, un peu mal à l'aise devant l'appareil, derrière, collée à lui, une fille aux cheveux fort colorés se tapait la pause, bien à l'aise contrairement au premier. Plus vers la droite de la photo, une autre fille était agenouillée et étendait ses bras sur les épaules du mec asiatique et sur les miennes. Elle était brune, les joues plutôt rouges, qui ressortait de sa teinte pâle, elle était vêtue de vert, ce qui allait bien avec son visage. Tout à droite, en tailleur, c'était moi, j'avais au moins le prestige de me reconnaître ! Comme d'habitude, j'étais cheveux plutôt sombres, visage fin à l'identique du reste de mon corps, lunettes carrées, cachant mes yeux noisettes, et un tee-shirt drapeau américain, témoin de mes origines. Je reposai le cadre sur le meuble, ayant fini la visite de ma propre demeure. Je m'enfermai dans la salle de bain et pris une douche bien chaude.

A peine eus-je le temps de sortir que l'on vint frapper à ma porte. 18H36. Qui cela pouvait-il bien être ? J'ouvris, il s'agissait des trois amis sur la photo. Le mec asiatique, qui avait un peu changé, un peu amaigri, tenant la main de sa copine aux cheveux colorés, elle aussi amincie par rapport à son apparence sur la photo sur la commode, elle regardait autour d'elle comme si elle découvrait les lieux, et la fille brune qui me fit un petit sourire avant de me demander si ils pouvaient entrer. Je les laissai passer,toujours en les défigurant un peu. Ça devait être gênant pour eux d'ailleurs. Voyant que je les fixais sans cesse, ils se présentèrent rapidement, pour que je connaisse leurs noms. Le mec asiatique se nommait Chang, sa copine Mari... Non, Jess, c'est ça, avec ses cheveux arc-en-ciel, et Maria la fille brune.

Chang sortit un ordinateur d'une sacoche, pendant ce temps, Maria me demandait comment s'était passé l'opération. Je lui racontai uniquement mon réveil, la seule chose dont je me souvenais. Le reste était inexistant, comme si j'étais né adulte il y a seulement quelques heures.

«Tu ne te souviens vraiment pas de nous ? Demanda Maria, espérant sûrement qu'il me reste quelques brides de mon passé.

-Non, il ne me reste rien, je suis désolé, j'aimerais me souvenir de ma vie d'avant. Répondis-je.

-C'est pas grave, rétorqua Chang le nez sur son écran. On va remédier à ça.

-Comment ça ? Demandai-je.

J'ai trouvé une solution. »

Je fronçai les sourcils en signe d'interrogation.

« On va te transférer tous les souvenirs que nous avons de toi, comme ça tu connaîtras une partie de ta vie d'avant, même si ce n'est pas de ton point de vue. »

Chang sortit un câble de branchement et un clé. Il connecta la clé à son ordinateur et connecta, à l'aide du câble, son port USB.

«Je vais transférer mes souvenirs de toi dans la clé et te les retransférer. »

Il fit quelques opérations sur sa machine, se débrancha et dit :

« Viens, c'est ton tour. »

Il me tendit le fil, je reliai ma tempe à son ordinateur. Il transféra ses fichiers souvenirs et des flashs apparurent : je vis notre rencontre, dans le bus menant au centre de mise à jour, il y a trois ans, une dame se moquait de ses origines et je l'avais soutenu, et nous avions commencé à se parler ce jour-là. Je me rappelai de toutes nos discussions et nos sorties, du jour où il nous avait présenté Jess, ce qui semblait nous avoir surpris tant leurs caractères étaient différents, jusqu'au jour où il m'avait donné ce robot qui se transformait en ce que je voulais et que j'avais nommé Bobby.

Chang récupéra ensuite le câble et demanda à Jess de brancher le câble sur sa tête. Elle eut un mouvement de recule.

«Qu'est-ce que t'as ? Demanda Chang.

-Et si j'infectais Dan en lui transférant des fichiers infectés ? »

Chang se stoppa net. Je revis alors les étapes de la maladie de Jess du point de vue de Chang : du jour où il était venu nous voir pour nous en informer jusqu'à ses dernières crises de folie.

« C'est vrai, répondit-il comme s'il, l'espace d'un instant, il avait oublié l'existence de sa maladie. »

Ce fut ensuite au tour de Maria de me transmettre ce que nous avions vécu ensemble. Je me rappelai de tout à présent : des moments quel'on avait partagés ensemble, la fois où je lui ai fait découvrir le robot de Chang, le jeu que l'on avait vécu avec le casque de réalité virtuelle, mais aussi toutes mes confidences, certains moments de malaise que j'avais lorsqu'on se regardait trop longtemps dans les yeux, et bien entendu du jour où je l'avais appelée à propos du fichier qui m'avait infecté. Je me souvenais maintenant de ce que m'avaient dit les voix et des numéros qui revenaient sans cesse : 45, 17, 5 et 72. Cependant, aucun souvenir me disait à quoi ces nombres correspondaient ; mais peu importe maintenant, tout ça était fini et j'avais retrouvé une grande part de mon passé, même si ce n'était pas de mon point de vue. Je les remerciai fortement, réalisant l'importance qu'ils avaient pour moi, aussi bien avant qu'après mon opération. Mais j'étais déterminé à retrouver tous mes souvenirs et surtout comprendre ce qui m'avait infecté et trouver la signification de ces nombres qui me revenaient souvent en tête. 

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