Chapitre 21 - Emma

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De retour chez moi vers 23h00 le lundi soir, je constate que mon portable était resté sur mon bar et que j'ai vingt-trois messages et dix-huit SMS. Ils sont de Julie et Peter essentiellement. Je suis furieuse après moi. Julie doit être terriblement inquiète. Je ne comprends cependant pas pourquoi elle n'a pas essayé de me joindre au bureau. Je la rappelle. Elle décroche aussitôt.

« Emma ! J'étais très inquiète. Pourquoi ne m'as-tu pas rappelée avant ? »

« Je suis désolée, Julie. J'ai oublié mon portable ce matin et je rentre tout juste du bureau. ».

« J'ai pensé qu'il t'était arrivé quelque chose, il est plus de 23h00. Je ne sais pas si j'ai commis une erreur mais j'ai appelé Peter pour savoir s'il avait eu de tes nouvelles. »

Je me mords les lèvres. Julie reprend :

« Il va falloir que tu m'expliques ce qui se passe entre vous car je n'ai rien compris. »

Je lui explique que j'ai revu Peter dans le train du retour de Paris, il y a deux semaines et qu'aussitôt j'ai de nouveau perdu le contrôle. Je lui raconte le baiser fougueux interrompu lors de sa soirée et la visite de Peter à mon appartement le lendemain. Je lui dis qu'il m'a fait part de son souhait de me reconquérir et de me recruter. Elle sait déjà que je ne me suis pas rendue à notre rendez-vous du vendredi soir et que je m'étais réfugiée à la Flotte, où Peter est venu me retrouver le soir du décès de Paul. Je lui avoue que nous avons fait l'amour chez ma grand-mère puis le lendemain à Paris. Je lui explique que j'avais perdu la raison et que je n'avais pas réellement l'intention de reprendre une relation durable avec Peter. Je me justifie par cette attraction physique entre nous, contre laquelle aucun de nous ne semble pouvoir lutter. Je lui confie que je lui ai demandé de me baiser brutalement et que j'ai de nouveau accédé à des sensations que je n'avais pas retrouvées depuis lui.

Lorsque je m'interromps, je l'entends soupirer à l'autre bout du fil :

« Je ne comprends pas pourquoi tu luttes. Ce mec a tout. Il t'aime, il est beau et riche et c'est ton meilleur plan cul. Que s'est-il passé pendant que nous étions à la chambre funéraire ? Pourquoi as-tu fuit une nouvelle fois ? »

« J'ai trouvé un message non équivoque d'une autre femme dans la poche de sa veste. »

« Et il s'est expliqué comment ? »

« Je ne lui ai pas donné l'occasion de s'exprimer. Les faits sont évidents. Il a reçu plusieurs messages d'elle à l'accueil de l'hôtel et son portable n'a pas cessé de vibrer. Quand je suis sortie de la chambre pour le rejoindre, il s'était éloigné pour la rappeler sans que je puisse l'entendre. »

« Emma !!! Rappelle-moi quel est ton métier ??? »

« Tu ne vas pas t'y mettre toi aussi ! Il m'a fait la même réflexion ! »

« Que disais le message que tu as lu ? »

« Je ne sais pas : je l'ai juste entrouvert et j'ai vu une empreinte de lèvres rouge ... »

Je ne poursuis pas, soudain consciente de mon jugement hâtif.

« Et c'est pour toi « un message non équivoque » ? Peter n'a sûrement pas dû s'abstenir pendant trois ans. Toi non plus. Et de mémoire, tu as même eu une période plutôt « débridée ». Il peut s'agir d'une ex-maîtresse qui souhaite le revoir. Rien ne te dit qu'il l'a revue depuis qu'il est revenu vers toi... »

Je ne réponds pas. Julie n'a pas tort. J'ai encore agi sur un coup de tête.

« Emma, écoute-moi ! Peter n'est pas un homme parfait. Je ne connais pas précisément la cause de votre séparation, mais je sais qu'il a commis des erreurs par le passé. Cependant, ce n'est pas un salaud et il les a payées cher. Et surtout Emma, désolée de ne pas être de ton côté cette fois-ci, mais ce mec est fou de toi. David me rejoint sur le sujet. Il ne l'a jamais vu aussi heureux que lorsqu'il est avec toi et jamais aussi malheureux que pendant votre rupture. Si tu l'aimes, fonce mais arrête de faire ton enfant gâté. »

Cette dernière remarque me met en colère.

« Lorsque je suis avec Peter, je ne suis plus capable de raisonner. Je me laisse guider par mes émotions. Notre relation est intense, brutale et je ne suis pas assez forte pour y survivre. »

Je ne peux lui en dire plus, pas au téléphone.

« Emma ! Tu es trop têtue pour reconnaître que tu l'aimes. Beaucoup de femmes donneraient cher pour perdre leur capacité de raison face à un homme. Pourquoi est-ce mal de vouloir céder à ses émotions si l'on fait confiance à son compagnon ? Ces sentiments-là n'arrivent pas souvent, Emma ! As-tu déjà ressenti la même chose pour un autre homme ? »

Je pleure à l'autre bout du fil mais Julie ne se laisse pas attendrir.

« Réponds-moi honnêtement, Emma ! As-tu déjà ressenti la même chose pour un autre homme ? »

« Non » je murmure entre deux sanglots.

« Emma ! Tu vas laisser partir l'homme de ta vie si tu ne réagis pas avant qu'il ne soit trop tard. C'est ta meilleure amie qui te parle. Je sais que tu pleures et que ce que je te dis est difficile à entendre. Mais c'est mon rôle. Je ne peux pas te regarder gâcher ta vie sans essayer de te faire prendre les bonnes décisions. »

Je pleure mais parviens à susurrer entre deux sanglots.

« Merci, Julie. Je t'aime très fort. Je te promets de réfléchir à tout cela. Je suis épuisée et vais aller me coucher. On se retrouve demain. Mon train arrive à 12h35 à Montparnasse. »

« Nous viendrons te chercher à la gare et nous déjeunerons ensemble. Bonne nuit, Emma. Moi aussi je t'aime. »

Je raccroche et mon téléphone sonne aussitôt. Je décroche, pensant que c'est Julie qui a oublié de me dire quelque chose.

« Emma, putain !!! J'essaie de te joindre depuis quatre heures ! Tu es vraiment irresponsable ! »

« Bonsoir, Peter. »

Je soupire. Il doit comprendre à ma voix faible que je suis épuisée et se radoucit.

« Bonsoir, Emma. Désolé. J'étais inquiet. Julie m'a appelé. »

« Je sais, je quitte Julie à l'instant. J'ai passé ma journée au bureau. »

« Jusqu'à plus de 22h00, Emma ! Tu ne me feras pas croire que tes raisons sont exclusivement professionnelles ! »

La colère monte en moi et je retrouve des forces.

« Qu'insinues-tu, Peter ? Et en quoi cela te regarde ? »

« Je sais que tu as passé la nuit avec le fils Gilbert. »

« Quoi ? Tu m'espionnes ? De quel droit me fais-tu suivre, Peter ? Je ne t'appartiens plus ! J'ai été assez claire hier ! »

« Tu ne m'as pas laissé la moindre chance de t'expliquer. Je ne peux l'accepter. Je veux que tu m'écoutes, Emma. Je ne te laisserai pas partir tant que nous n'aurons pas eu cette discussion. Je te propose un nouveau dîner à Nantes vendredi soir. Je te promets qu'après cet échange, je respecterai ton choix. »

« Samedi soir. Je pense finir très tard vendredi pour boucler mes dossiers. »

« Je te rappelle samedi matin pour te préciser l'heure et le lieu. A demain, Emma. »



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