Le Roi s'avança de quelques pas, et s'agenouilla. Ses deux enfants le succédèrent, et bientôt, tous furent accroupis, les mains ouvertes vers le ciel, éternellement sombre.
"Astres, acceptez cette lumière", dit le monarque d'une voix puissante.
Il se munit d'une jarre en cristal et, se penchant vers l'Ambrosia, y récupéra un peu d'eau sacrée. Il porta le vase à son visage et y trempa ses lèvres. L'homme se retourna alors lentement vers Henri, et lui tendit le récipient. Ce dernier le récupéra du bout des doigts, et imita son père avec presqu'autant de légèreté. Puis ce fut au tour d'Ana de prendre une gorgée de la potion. Lorsque ce fut fait, elle déposa le réceptacle sur la surface en marbre. Le verre vibra contre la pierre et brisa le silence ambiant. Le tintement résonna en plusieurs échos qui se heurtèrent aux montagnes bleues, avant de ne devenir que des soupirs presque inaudibles.
Suite à ce geste, les mages Faerys se relevèrent, leurs capes de soie bruissant en un râle eurythmique. Ils écartèrent les bras, leurs paumes tournées vers le ciel, et entamèrent un long chant, riche en harmonies. Leurs voix graves se mêlaient au souffle du vent, provoquant des frissons dans l'assemblée. Ana se retint de croiser ses mains sur sa poitrine, secouée de sanglots inaudibles.
Devant le regard attentif de tous, jaillit une lumière éblouissante. Au sein de la poitrine de chacun des membres de la famille royale, le sang avait bleuit au point qu'il semblait luire. Le faisceau s'échappait par la bouche et les yeux des souverains, et s'atténuait en une fine poussière fluorescente avant de disparaître complètement.
Au bout d'un temps qui sembla être une éternité, l'obscurité redevint maitresse et permit à Ana et Henri de reprendre leur souffle. Le Roi, habitué à cette tradition longuement perpétrée à Noctalea - sa propre mère étant décédée alors qu'il n'était qu'un garçon -, se mit debout et invita ses enfants, d'un hochement de la tête, à faire de même.
Une fois sur pied, un second cor résonna, en un gémissement plus long et grave que le premier. Alors la jeune princesse entama une danse délicate. Son corps tout entier se mouvait, telle un océan déchaîné. Ses pieds nus glissaient sur le marbre glacé tandis que ses bras s'agitaient gracieusement au dessus de sa tête et que ses hanches se balançaient d'un côté à un autre. La chorégraphie semblait décomposée au premier coup d'oeil, voir même anarchique. Mais en y prêtant attention, tous les mouvements effectués par Ana s'avéraient être d'une justesse exquise. Sa robe légère semblait animée d'une conscience qui lui était propre, et voletait autour de la princesse indépendamment de ses gestes. Elle accrochait la peau au niveau de sa taille, soulignait ensuite le galbe de sa poitrine ronde pour s'évanouir plus bas, au niveau de ses fines chevilles. Il n'y avait pas de musique pour l'accompagner, mais la beauté de sa performance comblait cette absence. Ana sembla pointer du doigt un espace vide, et un battement de cil plus tard, un oeillet blanc naquit au creux de sa paume. Puis un autre, au niveau de son poignet. Très vite, ses bras furent recouvert de fleurs. Ainsi, la princesse cessa son ballet et s'approcha de l'Ambrosia, d'une démarche presque divine.
" Fleurs du ciel, acceptez cette vénusté", articula d'une voix posée Ana.
Elle sentait son coeur cogner contre ses frêles côtes. Son regard se posa sur le fleuve en contre-bas. Elle pouvait y distinguer son visage, l'eau s'apparentant à un psyché d'exception. En relevant les yeux, elle aperçut l'expression sévère du Roi, qui sembla lui intimer d'agir. Après une brève hésitation, les jambes tremblantes, elle se laissa tomber en arrière. La vallée la prit dans ses bras et l'engloutit toute entière. Dans sa chute, ses iris clairs remplis d'éclats dorés, avaient cherché une nouvelle étoile. Et lorsqu'elles l'eurent trouvée, Ana murmura une prière supplémentaire:
"Mater céleste, puisse ton coeur honorer Sélène, puisse ta flamme sécher ses larmes, puissent tes rayons purifier son âme. "
En heurtant la rivière, le corps de la princesse se dispersa en des centaines de pétales blancs, couvrant l'Ambrosia d'une écume éthérée.
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Dianthus, du grec "Dios" (dieu) et "anthos" (fleur) signifie littéralement"fleur des dieux". Les dianthus sont une espèce d'oeillets (symbole du deuil éternel).
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Ce chapitre est très court, une fois de plus. Il marque la fin de l'introduction à Abymes Enchantées, en quelque sorte.
La narration devrait être plus active dans les prochaines parties. (je vais explorer les relations entre les personnages, et "délaisser" les descriptions de l'univers d'AE.
Je pense avoir couvert une bonne partie du contexte, (je compte me pencher sur la vie du peuple un peu plus tard, c'est pourquoi il n'y a pour l'instant, que très peu d'informations à ce sujet), mais si vous souhaitez que j'explicite tel ou tel idée, faites-le moi savoir en commentaire.
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ABYMES ENCHANTÉES
FantasiaPar delà les plaines sèches des Terres du Sud, le Royaume de Noctalea trône, sous les scintillements attentifs des étoiles. Contrée éternellement plongée dans la nuit, ses habitants vouent un culte aux astres qui les surplombent. Ils ne se doutent...