Chapitre 1 : Leksa Kom Trikru

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Je cours à en perdre haleine, me griffant superficiellement au passage aux branches qui me fouettent le visage, les muscles de mes jambes me tirent et je sens mon cœur battre la chamade. A l'affût des paroles que j'entends au loin, j'essaie de rester calme et sereine lorsque je ralentis mon rythme. Je les entends chuchoter qu'il faut l'encercler. Je m'arrête un peu plus loin, et me tapis dans les fougères, essayant de voir, d'écouter, et d'imaginer la traque. Je reste là quelques minutes, qui me semblent une éternité, sachant pertinemment que je ne dois absolument pas me faire repérer sous peine de ne plus jamais pouvoir aller chasser. Non, je n'ai pas le droit d'être ici, et je laisse volontairement autant de distance entre les chasseurs et moi, pour que ni eux, ni le gibier ne puissent me repérer. Patience, analyse... Il y a une légère brise qui file dans mon épaisse chevelure châtain, révélant ainsi mes reflets auburn à la lumière du jour. Mais heureusement ce petit vent ne porte pas dans leur direction. Ma position pourrait vite devenir problématique, je suis prise entre les trois éclaireurs, et le reste du groupe. Les premiers se détachent souvent en période de chasse, ce sont les meilleurs archers, et ils ont vraiment une très bonne connaissance de la topographie de nos terres. Lorsque le gibier est abattu, et suivant sa taille, ils utilisent un cor pour avertir les autres de leur position, afin de quérir leur aide pour le ramener au village. J'adore la chasse, et en grandissant j'espère pouvoir y participer avec eux, et autrement qu'en me tapissant dans les forêts et en observant de loin. Soudain le cor retentit, et tout s'immobilise autour de moi l'espace d'une seconde. Je ne reconnais pas ce son, ce n'est pas celui de la chasse. Mon rythme cardiaque s'accélère, quelque chose ne va pas, et je le sens. Je me lève, et alors que je recommence à courir pour diminuer la distance qui me sépare des chasseurs, j'entends les bruits lointains du reste du groupe qui s'agite. J'entends des cris derrière moi. Et j'en entends devant. Un combat. Ce n'est pas un cor de chasse que mon ouïe a perçu, c'est un cor de combat. J'accélère le rythme, et manque même dans ma course de m'entraver dans une racine qui déborde du sol. La douleur me remonte légèrement dans la cheville, mais je reprends malgré tout ma course aussi rapidement que je viens de la stopper. Je sais que je suis en train de me rapprocher, l'air porte une odeur de sang, de guerre. La peur monte en moi, mais mes jambes continuent d'avancer. Une détonation retentit, figeant tout, me figeant moi. Puis une deuxième. NON ! NON, NON, NON ! Pas ça, pas eux ! Je reprends ma course, encore plus vite, portée par je ne sais quelle force. Je les aperçois, dans leurs combinaisons blanches et avec leurs masques, à travers les branches qui me séparent d'eux. Je n'ai rien, rien pour me défendre, rien pour attaquer, et au fond je ne sais pas vraiment comment me battre. Mais je suis là, et hors de question de reculer. Je jette un œil autour de moi, et remarque un bout de bois légèrement pointu, assimilable à une lance. J'ai une facilité à viser, je le saisis et le lance de toutes mes forces sur l'un d'eux. Empalé en plein torse, son corps recule de plusieurs mètres, il n'a même pas le temps de crier. Un deuxième commence alors à tirer à l'aveugle dans les buissons, juste à côté de moi, je dois bouger très rapidement sur la gauche pour éviter ses balles, et me tapir sur le sol en attendant que la rafale ne passe. Le reste du groupe se rapproche, et les deux hommes armés commencent à s'agiter en faisant des signes de main. Ils reculent, mais alors que trois des miens sont à terre, allongés sur le sol en sang, il est impensable que je les laisse partir. Je surgis des buissons et me jette à toute puissance sur l'un d'eux, entamant un corps-à-corps dans lequel je suis pourtant en position de faiblesse. Son visage représente la mort, mais je n'ai pas peur d'elle. Nous, peuple de la terre, peuple des arbres, nous n'avons pas peur d'elle. Alors que nous sommes tous deux en train de nous battre au sol, que j'ai réussi à le désarmer, je vois son acolyte essayer de trouver un angle de tir pour m'atteindre, mais je ne lui en laisse pas l'opportunité en plaçant sans cesse mon adversaire entre nous.

Tout d'un coup, je me retrouve allongée sur le sol, ma tête prend un coup, et je suis en position de faiblesse. Il se jette sur moi et essaie de m'étrangler avec un bout de bois ramassé à côté. Mes forces sont en train de me quitter dans ma lutte contre ce visage sans forme, quand soudain, il est transpercé d'une lame par derrière, et j'use alors de mes dernières forces pour extirper son corps qui me tombe lourdement dessus. Il se tient là, debout mais à moitié mort, criblé de balles et dégoulinant de sang. Son regard vide croise le mien, juste avant qu'il ne s'effondre.

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