Chapitre 14 : Polis will change the way you think about us

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La vue sur Polis en contrebas est impressionnante. Au travers des arbres s'élève cette Tour que nous connaissons tous depuis notre enfance. Monument le plus imposant, siège de Heda, berceau de nos traditions, et vestige d'un riche passé. Mon cœur s'emballe à cette vision, alors que ma jument marche dans les pas de celle d'Anya. Mon regard ne peut quitter cette vue. Mais je ne peux non plus m'empêcher de me retourner vers Costia, à laquelle je souris en voyant cela.

Alors que nous amorçons la descente vers la ville, des images défilent dans ma tête. Je me suis longtemps imaginée la capitale, ses grandes allées, sa population en effervescence, la vie qui s'en dégage, le commerce, les marchés, les bâtisses qui ne ressemblent à aucunes autres, l'eau courante... J'ai toujours imaginé Polis à l'écart de toute guerre, ce qui est surement biaisé comme représentation. Ici siège Heda, donc les plus gros conseils de guerre, et des camps d'entrainements sont certainement implantés un peu partout. Polis devrait être la représentation d'un idéal de notre monde, les armes ne devraient pas y être autorisées, la ville devrait être protégée, mais la violence absente en son enceinte. Les enfants pourraient circuler librement sans risquer de se blesser, et sans que les parents ne craignent qu'ils se fassent tuer au détour d'une ruelle. Les anciens ne seraient plus obligés de devoir porter les armes sur leurs vieux jours pour défendre leur ville, leur peuple ou leur famille. Les femmes n'auraient plus la crainte de ne pas voir leur mari, leur femme ou leurs enfants ne pas rentrer du combat. Notre monde devrait évoluer différemment. Mais malheureusement, notre monde n'est pas comme cela. Et nous faisons ce qui est nécessaire pour survivre, comme il a toujours été fait. Polis doit donc être la représentation de notre monde tel que nous le connaissons. Tout ne doit pas y être serein, mais c'est aussi de là que tout peut changer.

Alors que nous arrivons devant les portes de la ville, nous stoppons les chevaux pour en descendre, et lorsque mes pieds touchent le sol, je regarde Costia qui se trouve à mes côtés. Nous y sommes, et ensemble. Cette pensée me réjouit.

Deux hommes armés jusqu'aux dents gardent l'entrée principale, et alors que l'un d'eux nous bloque la route de sa lance, l'autre nous demande la raison de notre venue.

- « Ai laik Anya kom Trikru. » annonce Anya en se positionnant devant lui, le regard déterminé et le port de tête fier.

Le garde recule légèrement devant la prestance d'Anya, ce qui laisse un petit sourire apparaître au coin des lèvres d'Astria.

- « Je viens voir Heda. Laisse-moi passer. »

Elle n'a pas fini d'ordonner au garde de bouger que celui ci s'exécute. Il la connaît, ou il connaît au moins son nom. Sa réputation la précède. Alors que nous pénétrons dans l'enceinte de la ville, je peux voir énormément de guerriers armés un peu partout. Plus nous avançons dans l'une des artères principales, plus je m'émerveille de l'architecture, si différente de tout ce que je connais jusqu'à présent. Costia présente le même émerveillement que moi. La vie est bien effervescente comme je l'imaginais, mais il n'y règne pas la paix que j'espérais y trouver.

Tandis que nous avançons vers le centre de la ville, je lève les yeux pour faire l'ascension de cette Tour, magnifique, que je vois grandir au fur et à mesure devant moi. Elle me donne l'impression de toucher le ciel. Mais mon attention est très vite accaparée par le cri d'une femme, qui émane d'une rue adjacente. Par réflexe, je stoppe mes pas et en cherche du regard l'origine. A mes côtés, Costia s'est aussi arrêtée, à l'écoute.

D'un coup, je la vois s'élancer et pars immédiatement à sa poursuite dans les méandres d'une petite ruelle, en espérant gagner l'endroit d'où proviennent les cris. Nous ne connaissons absolument pas la ville, mais notre instinct nous guide à travers elle, un peu comme il nous guide au travers de la forêt. Rapidement, nous déboulons devant une scène que je n'aurai jamais penser voir en ces lieux. Devant nous, deux gardes menacent une petite fille et ce qui doit être sa mère de leurs armes. L'un deux tient la jeune femme par les cheveux et lui secoue violemment la tête, tandis que l'autre saisit l'enfant et le brutalise. Le regard suppliant de la mère, à peine visible sous son visage ecchymosé, me met complètement hors de moi. Machinalement, nous dégainons nos armes, et nous apprêtons à leur faire face pour stopper cette violence inutile, et à priori injustifiée. Ce n'est pas comme ça que j'imaginais Polis, et ce n'est pas comme ça que je pensais vivre mes premiers instants dans cette ville aux côtés de la femme qui fait battre mon cœur. Mais pour le moment, la seule pulsation que je sens est due à cet énervement face à cette violence. Pourtant, nous ne sommes pas seuls dans cette rue, mais personne ne réagit. Est-ce cela la normalité de Polis ?

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