Si seulement...

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Leurs regards, leurs sourires, leurs idées.
Ils nous pensent tous les deux en couple.
Tes bras, ta main dans la mienne, ta voix.
Mais ils sont tellement loin de la réalité...
Leurs mots peu discrets, leurs gentils rires.
Si seulement, si seulement ils savaient.
Tes murmures à mon oreille, tes émotions.
Ce n'est pas ce genre de discussion...

Ils passaient, continuaient de venir et de s'en aller,
Certains en souriant, murmurant une phrase amusée,
Tandis qu'un peu à l'écart, nos mains entremêlées, nous étions installés.
Tu m'as enlacée, et je me suis appuyée contre toi. Alors tu as raconté.
Ils continuaient de rire, mais au fil des mots était venue l'envie de pleurer.

Allégresse ? Tristesse.
Bonheur ? Dépression.
Ensemble ? Solitude.
Tactiles ? Isolés.
Amour ? Amitié.

Tu as poursuivi ton récit, et le monde s'est estompé,
Pendant que tu chuchotais, livrant les fragments du passé,
A mon oreille, marquant des pauses quand l'émotion t'a submergé.
Le ciel était bleu, la brise douce. Mais perdu dans l'obscurité,
Tu as resserré ton étreinte. Jamais je n'avais entendu ta voix ainsi trembler...

Allégresse ? Tristesse.
Bonheur ? Dépression.
Ensemble ? Solitude.
Tactiles ? Isolés.
Amour ? Amitié.

Les phrases une à une prononcées, ta voix s'est mise à vibrer.
De la tristesse, de la douleur, peine et souffrance dans tes mots se sont mêlées.
Sans bouger, nos souffles sans faire de bruit envolés, nous sommes restés enlacés,
Les yeux fixés sur un point lointain, nos regards s'évitant pour ne pas sangloter.
Du bout des doigts, sur ta peau, j'ai dessiné, tu m'as serrée. Un peu calmé, tu as continué.

Allégresse ? Tristesse.
Bonheur ? Dépression.
Ensemble ? Solitude.
Tactiles ? Isolés.
Amour ? Amitié.

J'étais la première, je suis la seule. Tu m'as tout révélé.
Sans omettre un détail, en un murmure touché, tu as dit tes pensées.
Tu t'es traité de lâche, en parlant du couteau et de trancher les veines de tes poignets.
Tu n'avais pas réussi, pas réussi à mettre fin à ta vie. Tu n'avais pas osé te suicider.
Le coeur vide, sans voir d'avenir, fatigué de lutter, tu avais pourtant souhaité t'envoler...

Allégresse ? Tristesse.
Bonheur ? Dépression.
Ensemble ? Solitude.
Tactiles ? Isolés.
Amour ? Amitié.

Tu m'as ensuite avoué qu'il était heureux que tu n'aies pas eu ces médicaments pour te tuer.
Mes mains ont encore resserré ton étreinte sur moi, pendant que tu évoquais ton coeur s'arrêter.
Tu as admis avoir tenté une coupure, une seule, cachée, pour tester, par ton bracelet.
Une nouvelle vague d'émotions a déferlé, et quelques secondes, le silence est retombé.
Il n'y avait plus que le vent, les autres en arrière-plan. Je n'avais pas les mots, tu ne pouvais parler.

Allégresse ? Tristesse.
Bonheur ? Dépression.
Ensemble ? Solitude.
Tactiles ? Isolés.
Amour ? Amitié.

Les larmes retenues, un sanglot camouflé et ma voix redevenant légèrement posée,
Tu m'as laissée te poser des questions. Tu as réfléchi une seconde, puis tu t'es lancé.
Tu as répondu : oui, ta mère avait douté. Mais tu avais fait semblant, souri, camouflé, rassuré.
Aux yeux de tous, hormis tes amis, tu n'étais que fatigué, malade, rien d'autre. Et elle s'y est trompée.
Si elle avait su à quel point tes amis s'inquiétaient, si elle avait su qu'elle aurait pu avoir à te pleurer...

Allégresse ? Tristesse.
Bonheur ? Dépression.
Ensemble ? Solitude.
Tactiles ? Isolés.
Amour ? Amitié.

J'ai retourné la tête vers toi, et j'ai remarqué que tes traits d'ordinaire impassibles s'étaient troublés.
Puis, un regard rapidement échangé, tu as baissé les paupières et tu as, ton histoire, terminée.
Tu as soufflé, sincère, calme et terrible, provoquant les larmes, ta vision du monde, de la rentrée,
Et la triste mélodie s'est adoucie, pendant que tu achevais et me disais que je t'avais sauvé.
Je ne savais pas, alors, mais quand tu me l'as avoué, j'ai été si heureuse d'être venue te parler !

Allégresse ? Tristesse.
Bonheur ? Dépression.
Ensemble ? Solitude.
Tactiles ? Isolés.
Amour ? Amitié.

Ce n'était pas dans mes habitudes, pas avec mon passé, mais je l'avais fait.
Et si je reconnaissais avoir brisé un serment à moi-même, peu m'importait de m'être attachée.
Peine, douleur, dégoût et colère s'étant succédés, ne restait plus que ta tendresse et un "merci" touché.
Nous étions proches, sans aucun doute, mais à ce moment, nos secrets révélés nous ont encore liés.
Alors on s'est promis, de ne pas se laisser, et longuement enlacés, lentement, je t'ai bercé.

Allégresse ? Tristesse.
Bonheur ? Dépression.
Ensemble ? Solitude.
Tactiles ? Isolés.
Amour ? Amitié.

Leurs plaisanteries complices, leurs photos.
Ils nous pensent tous les deux en couple.
Tes yeux brillants, et entrelacés aux miens, tes doigts.
Mais ils sont tellement loin de la réalité...
Leurs doux commentaires et nos souvenirs.
Si seulement, si seulement ils savaient.
Nos étreintes, nos larmes, nos chuchotis, notre affection.
Non, ce n'était pas ce genre de discussion...

Ils ne savent pas, et ne comprendraient pas forcément. Il faut de l'empathie, de l'écoute, et aussi un lien fort pour qu'on parle, nous aussi. Ils ne savent pas, et ne comprendraient pas forcément. C'est pour cela que nos petits gestes ont une signification différente à leurs yeux. Ils ne savent pas que les dessins du bout des doigts sur la main et le poignet de l'autre nous apaisent, qu'entrelacer nos mains plus fort encore permet de se rassurer. Ils ne savent pas qu'effleurer doucement la joue de l'autre d'une caresse calme les battements du coeur et les larmes, tandis qu'une étreinte permet, l'espace de quelques secondes, de tout oublier. Ils ne savent pas que rester assis, côte à côte, ma tête sur ton épaule et ton bras dans mon dos, en silence, nous permet de discuter, de nous confier, et que nos chuchotements à l'oreille sont une promesse de toujours rester. Ils ne savent pas qu'un simple sourire, parfois, empli de complicité, illumine la journée. Ils ne savent pas que tu es mon confident, mon ami, mon "presque frère", mon protecteur, mon allié. Ils ne savent pas que je suis ta confidente, ton amie, ta "petite soeur", ta protégée, ton alliée. Ils ne savent pas, et ne sauront jamais toute la vérité. Simplement, parfois, l'amour vaut moins que certaines amitiés. ~

Nuit étoilée de la connerieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant