En transition

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     Je sors du bureau avec une boule au ventre, la tête dans les nuages. Je marche tout droit sans regarder où je vais. J'ai l'impression d'être passée en l'espace de quelques minutes d'une joie immense à une tristesse indescriptible... Je me perds dans mes idées et réalise concrètement que je ne suis plus rien pour lui, que je n'ai plus de place ni dans sa tête ni dans son cœur alors qu'avant j'étais tout ce qu'il avait. 

    J'appréhendais cette situation depuis longtemps, j'étais bien consciente qu'il me verrait comme une totale étrangère lors de nos retrouvailles, qu'il ne risquait pas de me prendre dans ses bras et de pleurer toutes les larmes de son corps en constatant que je suis toujours en vie et juste à côté de lui. 

    Comment lui en vouloir? Si moi même j'ai du mal à reconnaître mon propre reflet dans le miroir aujourd'hui. Mon physique est passé au scalpel tant de fois que j'ai l'impression de vivre dans le corps d'une autre à présent. 

   Et c'est quelque part le cas.... je ne ressemble plus en rien à celle que j'étais, celle-là même qu'il a aimée et qu'il croit morte et enterrée...

    Je savais que ça risquait d'être très pénible à ressentir de n'être qu'une inconnue à ses yeux après tout ce qu'on a vécu ensemble. Mais c'était une chose de se l'imaginer, et une toute autre de s'y confronter en vrai.

   Je sens mon cœur se serrer à me remémorer ses yeux vides et nonchalants qui me regardaient sans réellement me voir. Cette image se répète en boucle dans ma tête et me fait frémir... Son regard était ce que j'adorais le plus chez lui, il est si expressif et si perçant qu'il ne ment jamais. J'adorais voir tout l'amour qu'il éprouvait à mon égard aux creux de ses iris qui brillaient rien qu'en me voyant. 

     Il n'était pas toujours bavard concernant ses sentiments mais son regard parlait souvent pour lui. Il m'enchantait au point de me faire oublier toute la maltraitance qu'exerçait mon beau père sur moi à l'époque à chaque fois que nos yeux se croisaient. 

    Ce foutu psychopathe que je haïrai à vie. L'enfer qu'il m'a fait subir m'a fait perdre le peu de foi que j'avais en la gente masculine. Si je n'avais pas eu Yassine dans ma vie, j'aurais certainement haï les hommes du monde entier, et qui sait ce que j'aurais pu devenir, probablement une meurtrière ou une de ces criminelles qui errent dans les rues, même si j'en suis pas si loin... 

    Des nausées me prennent lorsque ma mémoire se met à ressasser quelques souvenirs que j'avais enfouis depuis longtemps en moi et dont je ne veux plus me rappeler. Je secoue la tête comme si j'espérais les éjecter physiquement de mes pensées, et me re-concentre sur le présent. Je commence à résumer mentalement les événements de cette matinée agitée pour tirer des objectifs pour la période qui va suivre comme j'ai pris l'habitude de le faire au quotidien: 

Alors voyons voir...

* Yassine ne m'aime plus, je ne suis qu'une inconnue pour lui et il l'est devenu en partie pour moi aussi.

ET....

* J'ai une chance de pouvoir être avec lui tous les jours si j'arrive à décrocher ce job qui m'est tombé du ciel et je pourrais donc recréer des liens. 

Objectifs- Apprendre à le connaître de nouveau, regagner sa confiance, mais surtout son amour-

"Facile à dire" me souffle ma conscience qui semble se moquer de moi.

    En effet, je vais avoir du pain sur la planche... Je me jette littéralement dans la gueule du loup mais ai-je réellement le choix ? 

Ma vie sans luiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant