Protection

84 14 12
                                    


PDV de Sarah

Il nous a fallu dix sept minutes en taxi pour arriver devant l'hôpital. Dix sept longues et interminables minutes pendant lesquelles mon cerveau était en constante ébullition et ne cherchait qu'une chose : être soulagé de ses tourments.

Dans le coma... dans le coma... dans le coma...

Ces trois mots n'arrêtent pas de tourner en boucle dans ma tête depuis que Clara les a prononcés. Je suis totalement désemparée après ce que je viens d'apprendre et les questions s'enchaînent dans mon esprit pour m'enfoncer un peu plus dans ma dégénérescence morale:

Est-ce qu'elle va se réveiller? A quel point cet enfoiré l'a-t-il empoisonnée? Son état est-il grave? si grave... que je pourrais la...perdre?

NON !! Tu n'as pas le droit de penser à ça me crie subitement ma conscience.  Pas maintenant, ni même dans cinq ans....Ta mère est là pour toi, elle a TOUJOURS été là pour toi et elle ne te laissera pas tomber, elle ne peut pas partir, pas de cette façon...

 Elle n'a pas le droit...non elle n'a pas le droit de me laisser.... 

    A peine suis-je sortie du véhicule que Yassine règle la course du trajet et me rejoint devant l'entrée du grand établissement aux nombreuses fenêtres bleu claire. Je me fige un moment devant la porte, lui à mes côtés, et prend une très grande inspiration pour avoir le courage d'affronter ce qui va suivre. Yassine ressent le stresse et la peur qui me gagnent à cet instant, et comme si on s'apprêtait à entamer une guerre à deux, il enroule ses doigts autour des miens pour serrer fermement ma main dans la sienne histoire de me faire comprendre qu'il est là quoi qu'il puisse se produire. Son geste m'apaise un peu et me donne la force de franchir le pallier de la porte qui me sépare d'une vérité à laquelle je ne pourrais jamais échapper.

   Nous sommes à présent au deuxième étage, plus précisément devant la chambre 206D, là où se trouve le corps inerte de ma mère. Comme un réflexe absurde, presque inconscient, je tape à la porte trois fois avant de l'ouvrir sachant pertinemment qu'elle ne me répondra pas et que je n'entendrai pas le mot "Entrez" sortir de sa bouche que je vois désormais branchée à une machine respiratoire qui la maintient en vie. Seuls les sons des machines se font entendre.

Je suffoque rien que de la voir ainsi, étalée sur un lit, les yeux clos et le teint pâle sous des draps blancs qui ne laissent apparaître qu'une partie de son corps tiraillé par divers raccords de perfusions intraveineuses qui me nouent l'estomac.  Debout dans l'embrasure de la porte, les doigts serrant toujours la poignée, je laisse échapper un hoquet de surprise lorsque je la vois ainsi et ma main se pose instinctivement sur ma bouche pour essayer de l'étouffer. Les sanglots prennent place et les larmes entament leur course poursuite sur mes joues. Je sens une main me caresser tendrement l'épaule avant de se retirer.

-" Je vais t'attendre dehors" me lance Yassine sur un ton compatissant pour me laisser un peu d'intimité avec elle.

J'avance de quelques pas et ferme la porte derrière moi. Je m'assois sur une chaise que je tire tout près d'elle et prend l'une de ses mains glacées à m'en donner des frissons dans les miennes avant de caler ma tête dessus. 

   Je la regarde entre mes larmes et me demande pourquoi tout ça nous arrive à elle et moi. Pourquoi on doit constamment se battre contre des enflures qui parsèment la planète et qu'on semble attirer comme des aimants dans nos vies. Pourquoi faut-il toujours qu'on paye pour avoir cédé à des envies humaines: ne pas vouloir rester seules, avoir envie d'aller de l'avant et former une famille est-il devenu un crime de nos jours? 

Ma vie sans luiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant