Ma vie sans lui

Euphorie

En sortant du bureau, je n'en revenais toujours pas de la tournure qu'avaient pris les événements. Philippe avait insisté pour m'accompagner jusqu'à la sortie, notamment pour me briefer par rapport à mon nouveau poste et à ce que je devais lui fournir comme documents "supplémentaires" pour qu'il finalise mon dossier. Finalement c'était une bonne chose qu'il sache que je me fais passer pour une autre et que ce soit lui qui gère les papiers, autrement je serais dans une toute autre galère en ce moment. Nous marchant ensemble dans le hall, je le dépasse de peu sans m'en rendre compte, la tête dans les vapes, j'étais en pleine euphorie et je n'arrivais pas à écouter un seul mot de ce qu'il me disait, c'était le flou sonore.

Ce n'est qu'en arrivant devant l'ascenseur de l'étage que sa réplique m'interpelle pour me sortir de mon évasion.

-" Hé Suzanne !".

Je me retourne brusquement derrière moi et .... Clic !!!

Philippe me prend en photo à l'improviste avec son téléphone portable.

Mais...qu'est-ce que...

-" C'est pour ton badge, il doit être prêt pour demain matin, et vu que je n'ai que des photos de l'AUTRE Suzanne..."

Ouais mais tu pouvais prévenir aussi... Je n'insiste pas sur ce détail et lui pose une question qui m'intrigue depuis le début:

-"A ce propos, pourquoi est-ce que vous m'aidez? Je ne comprends pas"

Il fait mine de réfléchir tout en rangeant son portable dans sa poche puis me lance:

-"Parce que j'avais l'impression que tu avais un profil avantageux qu'il fallait que je découvre...Depuis notre premier échange tu affichais des expressions qui ne laissaient rien paraître et tu n'étais pas très bavarde mais je ressentais une certaine profondeur en toi...chose qui s'est confirmée très peu de temps après.."

Les portes s'ouvrent et nous mentons dans l'ascenseur avant qu'elles ne se referment de nouveau. Il appuie sur la touche menant au rez-de chaussée et reprend:

-" Quand la vraie Suzanne est survenue et que j'ai découvert ton .."plan", je me suis dis qu'il fallait vraiment du culot pour se faire passer pour une autre personne afin d'avoir un job. Que derrière ces airs niais et innocents que tu reflétais, tu étais vraiment maligne et audacieuse. Alors, curieux comme je suis, je t'ai laissé faire, et j'ai joué le jeu"

-" D'accord..." murmurai-je en baissant les yeux au sol.

-" D'ailleurs, je suis fier de constater que je n'avais pas tord! Regardes... Tu es la première qui a osé insulter le patron, et pourtant tu n'étais pas notre premier cobaye. D'autre ont subit pire que toi mais ne l'ont pas humilié pour autant, et il t'a quand même engagée. Tu ne t'en rends peut être pas compte, mais c'est vraiment pas rien ça. Ca a beau être mon meilleur ami, il peut avoir un caractère de chien, surtout quand ça touche le respect."

A qui le dis-tu... Je ne le connais que très bien et je suis moi même étonnée...

-"En parlant de ça, est ce que... vous testez tout le monde de cette manière?"

Il émet un rire léger et nous sortons de l'ascenseur pour nous diriger vers la sortie.

-" Tu as dû remarquer qu'on n'était pas très nombreux dans cette boite, 62 personnes pour être exact, et tu viens de devenir la 63 ème. Nous engageons peu, mais bien. Et donc nous testons différemment chaque personne d'après le profil recherché. Dans ton cas, comme te l'a dit Mr M. tout à l'heure, nous avons testé ta réaction aux imprévus, car dans tes tâches de designer graphique tu devras faire face à énormément d'imprévus. J'ai évalué ta gestion du stresse... D'ailleurs je m'excuse de t'avoir mis autant de pression et de t'avoir fait du chantage , il fallait que je joue les sales types pour ça..."