Moment de paix

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PDV de Sarah

    Nous avons fait un détour au poste la nuit du drame avec Alice pour ramener Clara chez elle. Elle avait insisté pour qu'on la dépose au bout de la rue prétextant qu'elle ne voulait pas que ses voisins la voient dans un état pareil et qu'ils se mettent à lancer des rumeurs à son sujet. Elle nous a dit qu'elle connaissait un raccourci à pieds pour les éviter et m'a demandé de prendre soin de moi et de ma mère en partant. Étrangement, j'ai beau l'avoir appelée une dizaine de fois depuis, histoire de m'assurer qu'elle va bien, je n'ai plus eu de nouvelles jusqu'à ce jour.  

    Ça fait maintenant quatre jours qu'Alice et sa maman nous héberge chez elles et qu'on enchaîne les allers et les retours entre l'hôpital et les cours. Parfois on passe en coup de vent chez-moi pour prendre quelques affaires dont j'ai besoin. Car oui, vous l'aurez compris, la mère d'Alice, cette généreuse bonne femme au cœur si grand qu'on pourrait s'y perdre, a exigé que je reste sous son aile tant que ma mère ne s'est pas réveillée et qu'elle n'est pas rentrée saine et sauve à la maison.

   Je peux vous dire qu'elle sait se montrer convaincante quand elle veut. La preuve... elle a réussi à héberger cette tête de mule de Yassine pendant près d'un an sous son toit, et avec son consentement qui plus est.  

   J'étais entrain de plier les vêtements qu'Alice m'avait gentiment prêtées pour dormir chez elle la nuit qui a tout chamboulé dans ma vie quand sa mère est entrée dans la chambre. Elle venait d'apprendre que je comptais repartir chez moi ce soir-là malgré les nombreuses et vaines tentatives d'Alice et Yassine pour me convaincre de rester. On était en plein dimanche, elles m'ont hébergée jusqu'à la fin du weekend et je n'avais nulle raison de rester plus longtemps même si je me plaisais à me sentir si bien entourée parmi eux.

    Je n'aime pas abuser de l'hospitalité des gens, j'avais déjà passé quatre journées entières à profiter de leur gentillesse, c'était amplement suffisant, il fallait que je regagne mon chez-moi désormais. Mais c'était sans compter sur la ténacité de Mme Chataigner...

  En me voyant, elle a légèrement poussé la porte à moitié ouverte et m'a lancé sur un ton stricte qui n'admettait aucune opposition :

-"Écoutes-moi bien jeune fille ! Tu n'as aucune raison de partir d'ici, ça n'est pas la place qui manque et ta maman n'est pas à la maison donc tu es sous ma responsabilité jusqu'à ce qu'elle le soit, c'est compris ? Allé range moi ça dans le placard et rejoins-nous dans la cuisine, on va préparer le dîner et je ne serais pas contre une paire de mains supplémentaire pour m'aider à le faire".

     L'ambiance était si chaleureuse et si familiale chez les Chataigners ...et le Mabrouk... que j'arrivais presque à oublier le trou béant qu'a causé l'absence de ma mère depuis quelques temps. Une semaine de plus s'est écoulée, son état était stable et j'arrivais à m'organiser pour pouvoir la visiter tous les jours entre les cours à l'heure du déjeuner. Certains de nos camarades de classe ont généreusement accepté de faire don de leur sang pour elle. Avec celui d'Alice, de Yassine et le mien on avait rassemblé assez de variété de groupes sanguins pour l'aider elle et pleins d'autres patients par la même occasion. La solidarité était au top tout au long de la semaine et les docteurs en étaient ravis. Je ne me doutais même pas qu'il y avait autant de gens qui m'appréciaient avant cette épreuve... 

Il faut croire que la vie nous réserve parfois de grandes surprises et que même dans le mauvais, il y a du bon!

    Je commençais à prendre goût à ma nouvelle vie de "famille", bien que le membre principal manquait encore à l'appel, et à trouver mes repères dans cette petite maison au charme et à la convivialité sans pareils. On a fini par tisser des habitudes au fil des jours: On se rejoignait à table le soir pour dîner ensemble à la maison et se raconter nos journées respectives. Et chaque matin, Alice et sa mère partaient au travail très tôt pour se préparer à recevoir les clients. Elles avaient cette délicieuse habitude de nous laisser quelques unes de leurs succulentes pâtisseries sur un plat avant de sortir en guise de petit déjeuner. Repas qui est devenu mon préféré et que nous prenions Yassine et moi à la va-vite avant d'aller au lycée.

Ma vie sans luiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant