CHAPITRE 10

74 18 3
                                    

     Il ne restait plus que quelques heures. Quelques heures à vivre. Vivre sa dernière journée dans un monde qu'il a un jour apprécié. Un monde qu'il déteste bien trop aujourd'hui, au point de le quitter précipitamment.

« A 14 heures. »

     L'heure était fixée.

« Où ? »

     Où devraient-ils se retrouver ? Dans un parc ? Un café ?

« Je vous attendrai dans la salle d'attente de votre cabinet. »

     Le lieu n'était qu'à moitié fixé.

« C'est votre dernier jour. »

     Une affirmation douloureuse.

« J'en suis conscient. »

     Une conscience soulagée.

« Votre dernière consultation. »

     Une affirmation d'autant plus douloureuse.

« Oui. »

     Une réponse brève.

« Quel est votre sentiment ? »

     La consultation débutait réellement.

« Je suis heureux. »

     Le mot « heureux » ne lui convenait qu'à moitié, cependant, c'était celui qui se rapprochait le plus de ce qu'il ressent actuellement.

« Vraiment ? »

     Une pointe de déception pouvait s'entendre dans le timbre de sa voix. Il n'allait définitivement pas changer d'avis.

« Heureux de ne plus devoir porter sur mes épaules le poids de la société, le poids de ses attentes. »

     Elle pouvait comprendre son point de vue. En vérité, elle aimait le savoir penser ainsi. Elle aimait savoir qu'il ne réfléchissait pas à des choses absurdes juste avant sa fin.

« Tant mieux alors. »

     Un sourire s'installa sur les lèvres du jeune homme, toutefois, il disparu assez vite. Un sourire bien plus léger et gêné apparu à la place. Une question, sans doute bien trop déplacée, lui était venu en tête.

« Vous viendrez ? »

     Sa tête se baissa légèrement sans le vouloir. Elle l'a releva finalement tout en souriant légèrement.

« Avec joie. »

     Jamais elle n'avait eu ce genre de conversation. A vrai dire, maintenant qu'elle en vivait une, elle aurait préféré que cela n'arrive jamais. C'était une conversation douloureuse.

« J'aimerai avoir des roses blanches. »

     Il avait commencé cette phrase en regardant le vide. Ses yeux s'étaient finalement rivés sur cette jeune femme, sur sa psychologue.

« Mais ne pleurez pas. »

     Il avait ajouté cela d'une voix légèrement voilée. Il ne voulait pas voir une personne de plus pleurer lorsqu'il rejoindrait sa nouvelle propriété.

« Je serai forte pour vous. »

     L'un comme l'autre savait qu'elle mentait. Elle ne pourrait pas se retenir. Elle serait belle et bien présente mais malheureusement, elle ne pourra empêcher les larmes de couler le long de ses joues.

« Merci. »

     Il acceptait ce fait. Le fait qu'elle allait pleurer.

« Votre mort approche. »

     Aucun des deux ne pouvait s'empêcher de revenir à cette fatalité.

« A grand pas. »

     Il confirmait cette douloureuse épreuve.

« Combien de temps ? »

     Combien de temps resterait-il encore en vie ?

« Neuf heures. »

     Une fois de plus, il comptait sa vie. Il comptait le peu de temps de vie qu'il lui restait. Neuf heures ; c'est si long et court à la fois.

« Avec moi ? »

     Combien de temps leurs restent-ils ensemble ? Combien de temps doit durer ce sourire si douloureux ?

« Quatre heures, sans compter celle-ci. »

     Quatre heures et quart, si elle comptait le peu de temps qu'il restait dans la séance. C'était si peu.

« Quel endroit ? »

     Poser la véritable question était bien trop dur pour elle. Secrètement, il remerciait la discrétion qu'elle utilisait pour en savoir plus sur sa mort.

« Mon lit. »

     Toutes personnes rêveraient de mourir dans son lit. Peut-être pas ainsi, peut-être pas aussi jeune.

« Quel alcool ? »

     Il allait prendre ce qu'il préférait. Il voulait que le goût de sa mort soit agréable. Que l'odeur soit celle de cet alcool qui le rend si faible le soir.

« Whisky. »

     Son visage était désormais caché. Elle voulait tout savoir, même si c'était douloureux.

« Combien de... »

     C'était au dessus de ses forces. Jaewon le compris très vite, lorsqu'il entendit un léger reniflement.

« La plaquette. »

     Il se reprit vite, changeant sa réponse. Malgré cette réponse douloureuse aux oreilles de sa psychologue, il se devait de lui dire la vérité. Lui mentir était une chose inimaginable, encore plus depuis que sa mort était à porté de main.

« Non, la boîte. Peut-être plus. »

THE ENDOù les histoires vivent. Découvrez maintenant