Chapitre 4

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2015

Je fis assez rapidement le deuil de mon arrière grand-mère.

Mais j'avais gardé un profond dégoût pour les hôpitaux.

En reprenant les cours, peu après les vacances de Noël, notre professeur principal nous avait annoncé qu'en fin d'année un stage de découverte du monde du travail aurait lieu.

Il nous avait distribué quelques feuilles afin que nous puissions procéder à la recherche d'un stage.

J'éliminais d'office les stages qui se déroulaient dans les hôtels, restaurants et bars. Ayant eu une expérience désastreuse lors de mon premier stage en classe de troisième, j'avais très peu envie de réitérer la chose.

Ma mère était commerçante et possédant son propre magasin.

Inutile de vous précisez que j'y passais le plus clair de mon temps.

Ma sœur et moi y travaillons pour Noël et j'y étais indirectement rattachée. Dès que ma mère avait un empêchement et que j'étais, malheureusement pour moi, disponible, elle me faisait rappliquer d'urgence pour que je prenne sa relève.
Alors ayant déjà ma propre expérience dans ce milieu, je rayais de ma liste les stages qui se dérouleraient en magasins.
Puis, je me souvenais qu'en face du magasin de ma mère se situait une pharmacie, dont nous connaissions le patron.

J'appelais alors leur numéro et leur demandais s'il serait possible d'obtenir un stage dans leurs locaux.

Quelques jours après, je me présentais dans la pharmacie et donnais ma fiche de stage à la pharmacienne pour qu'elle puisse la remplir.
Sa voix était très douce et elle paraissait gentille et souriante.

Elle s'appelait Mandy et une autre de ses collègues fit son apparition. Elle était débordante de joie se présenta sur le champ, elle s'appelait Aurore.
Elles m'ont fait énormément rire. Toutes les deux m'ont prises pour une jeune fille de classe de troisième.

Je ne faisais pas du tout mon âge à vrai dire.

Et je ne le fais toujours pas. Si vous saviez le nombre de fois où les gens me prennent pour le cadet de la famille ou le nombre de fois où les flics m'arrêtaient en pensant avoir affaire à une mineure en infraction. Je jubile toujours lorsqu'un des hommes des forces de l'ordre me fait arrêter sur le bas côté.

Les cours continuèrent et ma tranquille routine semestrielle s'installa à nouveau.

J'avais perdu une partie de ma joie de vivre. Mes sourires se raréfiaient. Seul des sourires faux étaient à présent perceptibles. Certains de mes poches amis ou de mes proches, tout simplement, avaient accès à quelques vrais sourires, rares tout de même.

Ne possédant qu'un groupe restreint d'amis, constitué depuis peu d'une unique personne, je m'enfermais peu à peu dans une solitude que moi seule pouvais briser à n'importe quel moment.

J'étais triste, seule, maussade. Ma vie était, pour mon jeune âge, déjà très lourde à porter. Lourde de sens, lourde de vécu, lourde d'expérience plus lugubre les unes que les autres.
D'un côté, je remerciais grandement cette sombre vie, car grâce à celle-ci, j'avais pu me forger mon caractère. Un caractère bien à moi.

Un caractère de battante, avec un bouclier aussi fort et imposant que l'Himalaya. Rien ni personne n'arrivait et ne pouvait m'atteindre. Le jugement des autres s'heurtait à mon masque de guerrière. Les insultes, qui fusaient à mon égard, auraient certainement pu me toucher, un jour. Mais plus aujourd'hui.

Aujourd'hui, j'étais forte.

C'est faux, tu ne l'es pas.

Aujourd'hui, j'étais capable de me sortir de ma spirale infernale, nommée dépression.

Ca aussi, c'est complètement faux.

Aujourd'hui, j'essayais de vivre comme l'adolescente « possédant une vie normale ».

Mais là encore, c'était faux.

Effectivement je le savais. Je me mentais à moi-même pour cacher mes sentiments, mon désespoir, les appels au secours que j'envoyais sans cesse à ma famille dans l'espoir qu'un jour, un seul, ils me verront dans ma détresse.

Chez certaine personne, la dépression peut faire des ravages. Elle peut vous briser, comme vous renforcer. Tout dépendra du moment à laquelle, elle aura été décelé. Si vous faites partis de cette catégorie de personnes chanceuses ; par « chanceuse » j'entends ces personnes n'ayant aucuns problèmes d'élocution vis-à-vis de leur semblable, pouvant s'ouvrir facilement aux autres et débordant de confiance en eux, alors vous serez sain et sauf. Grâce à votre fort caractère et votre expression, vos proches arriveront à vous sauver de cet enfer. Par malchance, si vous faites partis de ma catégorie de personne ; toujours silencieux et souriant, cachant toute leur émotion, essayant de garder toute leur souffrance et leur mal-être pour eux, alors vous êtes condamnés.

Jamais personne ne vous sauvera.

Je suis condamné à mourir de mon silence.

Ma mère, récemment, m'a affirmée qu'avec un mot, un seul, elle pouvait lire en moi et de ce fait connaître mon état.

Dans un sens, je me sentais rassurée que quelqu'un puisse remarquer mon état aussi déplorable soit-il. Mais j'étais seule tout de même.

J'avais tellement appris à cacher mes émotions, que même lorsque je recevais un cadeau lors de mes anniversaires, que je haïssais d'avantage que je haïssais Noël, il m'était impossible de sourire ou de laisser transparaître une once de joie sur mon visage fermé et nonchalant.

Ça m'est toujours encore impossible de laisser briller la joie de mes yeux d'adulte et pourtant depuis, j'ai fait un énorme bout de chemin.

Mes amis ne savaient que très peu de chose me concernant, je ne leur laissais savoir ce que j'avais envie qu'ils apprennent.

Peu de personne savaient que mon arrière grand-mère était décédée, le mince nombre de personne à qui j'avais laissé échapper cette information ne pouvait se compter que sur les cinq doigts d'une main.

J'avais, étant un peu plus jeune, accordé ma confiance beaucoup trop rapidement à beaucoup de mauvaises personnes, si vous voulez tout savoir. Alors depuis...

Je jugeais par moi-même les personnes dignes de recevoir ma confiance, celles pouvant garder mes secrets les plus honteux comme les plus futiles et enfin et surtout les personnes qui ne me poignarderaient pas dans le dos, la première occasion se présentant.

Alors, d'après vous, combien de personne ai-je pu mettre au courant du sombre quatorze juin deux mil quinze ?

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