Le début de l'enfer.
Le début de mon enfer.Les premiers temps étaient tellement durs psychologiquement comme émotionnellement. Parfois, il m'arrivait d'entendre sa voix murmurer mon prénom. Ou encore de percevoir ses rires enfantins se fondant dans les bourrasques de vent.
Mon sourire était mort avec lui. Après son décès, je ne riais plus aux éclats, je ne rayonnais plus, je n'étais plus comblée. Il ne restait qu'un trou béant dans ma poitrine. Un vide, qui ne demandait qu'à être refermé par la même personne qui en avait causé les ravages.
Ce soir là, en rentrant de l'hôpital, je n'arrivais pas à avaler quoi que ce soit. Mon estomac se contractait rien qu'en sentant l'odeur de la nourriture fraîchement déposée sur la table. Ce soir là, personne n'avait ri, personne n'avait dîné, personne n'osait faire un quelconque bruit, personne n'osait entamer une discussion. Ce fut le calme le plus total. La télévision, d'habitude allumée, était restée éteinte.
Seul les bruits de nos sanglots, étouffés pour ma part, se faisaient entendre.
Le lendemain, après la journée éprouvante de la veille, j'avais repris le cours mon stage.
Au jour d'aujourd'hui, sans ce stage, qui m'a aidé à me concentrer sur une autre partie de ma vie, je pense que je n'aurais jamais pu surmonter la folie meurtrière qui avait pris place en moi.
Je m'étais forcée à sourire pour paraître de bonne humeur. Personne n'avait posé de quelconques questions sur le pourquoi de mon absence.
Je remercie encore aujourd'hui les pharmaciens pour avoir fait preuve d'autant de respect et d'une discrétion des plus totales. Je n'étais définitivement pas prête à en parler.
Le soir même, j'allais comprendre et apprendre ce qu'était un funérarium. Nous arrivions en voiture à hauteur d'un ancien hôpital en travaux. Celui-ci serait nouvellement aménagé pour y disposer des logements.
Je pouvais apercevoir une petite maisonnette peu chaleureuse à côté de l'aile droite de cet hôpital miteux. Sur celle-ci, on pouvait y lire une prière gravée dans les murs en pierre rosés. Une croix trônait sur le toit triangulaire de cet endroit glauque. Il fallait monter quelques marches pour accéder à la porte en verre noire. Un boîtier électronique fixé au mur attendait sagement qu'on presse ses boutons pour déverrouiller la porte. Ma tante composa le code à quatre chiffres : 0800, si mes souvenirs sont exactes. Le boîtier émit un son discret qui enclencha le mécanisme d'ouverture de la porte et un léger bruit nous en averti. La porte était aussi lourde que l'atmosphère qui régnait devant celle-ci.
Toute la famille s'était réunie.
Comme lors du décès de mon arrière grand-mère.
A peine avions-nous posés le premier pied dans cet endroit, que tous se mirent à pleurer. Quelques larmes perlèrent aux coins de mes yeux. Je m'étais mise à l'écart dans le fond du hall de la maisonnette. Ma tante entra et pleura tout ce qu'elle pu. Elle passa délicatement ses doigts sur la plaque d'une des trois portes. Un prénom, un nom, une date de naissance et probablement de mort, même une photo. L'encadrer sur la porte affichait la biographie complète de mon cousin alité à cette « chambre ».
Soudain, ma tante posa lentement sa main sur la poignée de porte. Les secondes qui défilaient, semblaient être interminable. Elles se transformaient en heures comparées aux minutes précédentes.
Plus la poignée s'abaissait, plus les pleurs redoublèrent et les souffles se coupèrent. L'angoisse. Nous étions tous choses pantelants face au suspense insoutenable que renfermait cette porte.
La clenche s'abaissa. Je ne respirais plus. J'avais une vue directe sur la scène se déroulant devant mes yeux. Comme s'il voulait que je le regarde la première. Mon champ de vision était complètement dégagé. Il n'y avait plus que son corps et moi.
- Mon bébé... Pleura ma tante à bout de force.
Un violent vertige me prit de court et je dus me rattraper au dossier d'une chaise que je n'avais même pas remarqué en entrant. Ma sœur déposa ma main sur son épaule. Elle était assise sur ladite chaise. Une écœurante remontée gastrique débuta et mon ventre me fit souffrir le martyre. Je tremblais et mon souffle était saccadé.
Je pleurais de plus belle sans tenir compte cette fois ci du regard que les autres pouvaient me porter.
Son corps inerte gisait, là. Recouvert d'une fine couverture rougeâtre. Sa tête était délicatement déposée sur un coussin, rouge également. Il ne respirait plus. Je m'étais alors lentement approché de lui. Je voulais être au plus près de lui. Cette fois ci, je pris directement place sur une chaise présente dans la chambre funéraire. Mes jambes ne soutenaient plus le poids de mon corps.
Sans avoir à le toucher directement. Il me fallait un temps pour réaliser et m'adapter. Un temps pour analyser et comprendre qu'il nous avait quitté avant tout le monde. Trop tôt ... Beaucoup trop tôt.
Je souhaitais juste lui faire savoir et sentir que j'étais la pour lui et que je serais toujours là. Que je ne l'oublierai jamais et qu'il ferait à jamais parti de ma vie.
Il faisait froid dans la pièce. Tous pleuraient. Moi j'avais ravalé mes larmes. J'observais ce qu'il se passait autours de moi. Certaines personnes de ma famille avaient dû sortir de la chambre. A peine avait-ils posés leur regard sur le corps froid et blafard de mon cousin, qu'une bouffée de chaleur, d'amertume, de rancœur et de nausée les prit à la gorge.
Je faisais parti de ces gens. J'étais aussi sorti dehors pour respirer et refouler tous ces sentiments au plus profond de moi.
Mes maux de ventre ne me quittaient pas, au contraire ils s'intensifiaient.
Lorsque je voulais à nouveau rentrer dans le lieu de mes plus pires cauchemars, je ne me souvenais plus du code qui permettait de déverrouiller la porte.
Faute de trop d'émotions, j'avais eu une courte amnésie.
J'avais attendu une dizaine de minutes jusqu'à ce qu'un autre membre de ma famille vienne se rafraîchir et ouvre la porte.
- Ca va ? Avait adorablement demander mon parrain.
- C'est plutôt à toi que je devrais poser la question... Soufflais-je.
Il eut un bref sourire et me fit signe de venir plus près. Je le pris dans mes bras. Son père sortit à ce moment même du funérarium et commença une discussion avec son fils. J'en avais profité pour m'échapper et retourner aux côtés de mon défunt cousin.
J'entrais à nouveau dans cette pièce et je me postais à proximité de ma sœur qui avait prit ma place sur la chaise. Après quelques minutes de long silence, ma sœur, accompagnée de ma mère, se détacha de la chaise et alla rejoindre la petite communauté qui s'était formée à l'extérieur.
Histoire de se changer les idées.
La belle-mère de ma tante fit son apparition dans cette cellule et posa la question, la plus bizarre, idiote et malpolie que je n'avais jamais entendu à un tel moment.
- Pourquoi tu n'as pas voulu le faire incinérer ? Avait-elle quémandé tout naturellement.
Sans aucune finesse, sans aucune diplomatie, sans aucune gêne, sans tenir compte que le cadavre à qui "le" faisait allusion, se trouvait dans la pièce.
Question bête, réponse bête comme dirait-on.
- Il est déjà mort noyé, je vais pas non plus le faire brûler ! Rétorqua ma tante, manquant elle aussi de courtoisie.
Après tout, elle n'avait pas tord.
C'est dingue comme il me manquait déjà...

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A Part Of Me
Fiksi RemajaComment font-ils, tous ces gens, pour vivre et être heureux ? Je les envie tant... Moi mon monde s'est arrêté. Il a cessé de tourner, de s'illuminer et de rayonner. Il est devenu froid, terne, triste et lugubre. Je n'arrive plus à vivre, sourire, ma...