Chapitre 6

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Le lendemain matin, nous étions un lundi.

Je m'étais levée de bonheur, car en effet les deux semaines qui suivirent, j'avais mon stage en entreprise. Il devait être aux alentours de 8h30 lorsque j'étais sorti de chez moi. Je me dirigeais d'un pas léger et entraînant, vers le lieu de mon stage, le sourire aux lèvres et la musique défilait dans mes oreilles. La pharmacienne, qui s'était occupée de remplir ma convention de stage, m'avait précisée de venir le matin pour 9h.

De là où je me trouvais, je pouvais clairement voir la structure du bâtiment et distinguer la croix verte qui ornait la pharmacie. Je rêvassais en me demandant ce que j'allais pouvoir réaliser comme premier travail en tant que « stagiaire ».

Ce fut sans compter sur la sonnerie d'un téléphone qui me sortit de ma rêverie.

Mon téléphone.

Je sortais alors mon téléphone du petit sac à main vert et rose que j'avais pris. Ma mère m'appelait.

- Allô ?

- Ma chérie tu es déjà arrivée à la pharmacie ? Avait-elle répondu en pleur.

- Oui je suis tout juste devant là. Pourquoi ça ne va pas ? Maman je dois rentrer ? Pourquoi tu pleures ? J'avais laissé un petit temps pour qu'elle puisse me répondre. Tu t'es disputée avec Manuel ? Avais-je répondu précipitamment.

Elle se retenait de pleurer. Je pouvais largement entendre ses plaintes, ses gémissements et ses sanglots de l'autre côté du combiné. Mais pourquoi pleurait-elle ? Elle ravala ses cris de douleur lorsqu'elle me répondit enfin.

- Non, non ... Je t'expliquerais quand tu rentreras. N'y pense pas. Elle renifla bruyamment et toussa. Fais attention à toi en rentrant à midi. A tout à l'heure et bon stage. Bisous je t'aime fort !

J'avais à peine le temps de lui répondre, qu'elle raccrocha précipitamment.

Elle avait se disputer avec son conjoint et ne voulait pas m'en parler au téléphone.

Avais-je d'abord innocemment pensé. Innocente. Mais qui pense à ce genre de chose après avoir vécu une première tragédie six mois auparavant ?

Elle avait donc raccroché me laissant sur ma faim, quant à la cause de ses pleurs. J'avais, tout le long de la matinée, imaginé de multiples péripéties essayant de trouver une réponse à ma principale question. Quelle était la cause de ses pleurs ? Pas une minute n'avait passé sans que je ne cesse d'y penser.

J'étais plutôt... Perspicace.

Au bout de plus deux heures de réflexion intense, j'avais jeté l'éponge et étais restée focaliser sur ma première pensée : elle s'était disputée avec son conjoint.

Si seulement c'était vrai...

La première matinée de mon stage s'était plutôt bien passée, malgré l'irruption, à plusieurs reprises, de l'état de ma mère dans ma tête. 

Ma formation me plaisait énormément, j'avais fait la connaissance de multiples personnes travaillant dans la pharmacie. Il y avait principalement des femmes, quelques hommes aussi mais ces derniers n'étaient que trois et deux d'entre eux étaient en congés. Ils étaient tous plus souriants et sympathiques les uns que les autres. Mandy et Aurore, qui s'étaient chargées de moi depuis le début, m'avaient expliquées que pour mon premier jour, j'allais réceptionner une livraison et l'enregistrer dans le stock de la pharmacie. Alors c'est ce que je fis avec soin. J'avais réceptionné la livraison, vérifié que la marchandise collait avec le bon de commande et enfin j'avais scanné chaque produit et les avais enregistré dans le stock à l'aide de l'ordinateur. Exactement comme elles me l'avaient expliquées. J'étais fière de ne pas avoir fait une mauvaise manipulation avec l'ordinateur. 

Bien que je sois plutôt douée en informatique, tripoter à un appareil qui n'est pas le mien le met toujours une certaine pression. Par peur de le faire planter où tout simplement de le casser.

La matinée touchait à sa fin et Mandy me libéra. Je me précipitais pour chercher mes affaires et quittais la pharmacie pour rentrer déjeuner chez moi. Un imposant stress avait pris place dans mes entrailles. J'avais une boule au ventre, comme dirait-on, et l'envie de rentrer se dissipait au fur et à mesure que mes pieds s'approchaient de mon « futur » lieu de souffrance.

Trop perdue dans mes pensées et réflexions, je n'avais pas remarqué que je me trouvais devant la porte de l'appartement.
Ce fut le contact de ma main sur la poignée de porte qui me ramena à la réalité, bien trop brutalement à mon goût.

J'abaissais machinalement la clenche et pénétra dans l'appartement.
Une atmosphère pesante y régnait. Mon beau-père était assis dans l'un des deux sofas devant la télévision éteinte. Étrange ... Pensais-je.

J'allais le saluer et déposais mes affaires sur l'une des chaises trônant devant la table en bois plastifié.

Il affichait une petite et triste mine, je m'attendais au pire.

Ma sœur sortit en trombe de sa chambre. Elle n'était pas aller à l'école aujourd'hui. Bizarre ... Continuais-je. Elle avait les cheveux en désordre complet, comme si elle venait de se lever.
Ses yeux étaient rouges et bouffis, tout comme ses joues. Elle semblait avoir pleurer durant des heures. Elle portait un vieux jogging, récemment transformé en pyjama, et un T-shirt gris recouvert d'une doudoune rose flamboyante en fausse fourrure.

- Julie, il faut que je te parle. Avait calmement commencé mon beau-père, qui s'était précédemment levé du sofa.

Je pris une grosse goulée d'air et le regardais en attendant la suite des évènements.

A ce moment là, j'avais alors compris qu'il ne s'agissait pas d'une simple dispute. C'était bien plus que ça ...

- Tu devrais t'asseoir... Avait-il poursuit.

- Non, non je reste debout ! Si je m'assois ce ne sera que bien pire... Avais simplement répondu. Où est maman ?

- Elle est partit aider Claudia ... À l'hôpital. Avait-il répondu sur le même ton calme et posé.

Mon sang ne fit qu'un tour, mes joues commençaient à prendre une teinte rosé, ma tête me tournait, mes mains devenaient moites et ma respiration se coupa nette.

- Comment ça, aider Tata à l'hôpital ? Qu'est ce qu'il y a merde ? Je commençais à perdre patience.

Je le déteste encore aujourd'hui pour avoir mis si longtemps à répondre à ma question et surtout pour avoir tout fait, je suppose, pour rendre l'annonce longue. Mais le pire dans tout cela fut le ton des plus dramatiques qu'il a utilisé lorsqu'il s'était enfin résilié à répondre.

- Maxime est décédé cette nuit.

Ne dit-on pas qu'il faut enlever le sparadrap d'un seul trait pour ne pas ressentir la douleur ? Croyez-moi... Cette phase a provoqué tout l'effet inverse.

A Part Of MeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant