Chapitre 8

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Finalement, nous arrivions dans ce couloir. Ce même vert pastel plaqué sur les murs me remuait les entrailles. Cette horrible odeur putride de désinfectant et de patients confinés dans un même espace d'air, était encore plus insoutenable que lors de notre premère venue dans ce mouroir. Plus la fin du couloir approchait, plus mon ventre se tordait. Une forte envie de régurgiter me prit. J'entendais quelques patients parler entre eux dans leur chambre. Histoire de détendre l'atmosphère pesante régnant dans ces lieux tristes et maussades.

Le couloir semblait s'allonger au fur et à mesure que je marchais nonchalamment sur les carreaux de carrelage cirés. Enfin, j'arrivais à voir le bout de ma lourde marche. Au bout du couloir, un croisement m'obligea à tourner à gauche et tomber nez à nez avec la chambre tant redoutée. La porte était grande ouverte et pendant un instant, je pensais à une chose m'ayant marqué la première fois. 

Mon cousin était-il présent dans la pièce ? Lui aussi était-il allongé sur son lit de mort, les bras le long du corps et le teint blafard ?

Peut-être était ce idiot et totalement idiot de penser cela étant donné qu'il n'était en aucun cas mort ici, mais plongée dans une souffrance écrasante et le cœur compressé dans la poitrine, battant à tout rompre et étouffant chacun de mes halètements, mon cerveau ne réagissait plus normalement aux pensées virevoltant dans mon esprit et une banal réflexion cartésienne  devenait purement impossible à exécuter. 

Ma tante sortit de la chambre mortuaire et fut rapidement suivie de mon parrain et de sa fille aînée.

Elle fondit dans les bras à ma mère après nous avoir embrassés et serrés dans ses bras. Mon parrain salua ma mère et son copain et je décidais d'aller l'enlacer lui apportant un maximum de réconfort. Et il fondit lui aussi en larme dans mes bras. Ma mère vint me le prendre et le cajola à son tour. Pendant ce temps ma sœur câlinait ma tante et ma cousine trouva refuge dans mes bras où elle pleura courtement. Je séchais ses larmes et l'embrassais tendrement. 

- Pourquoi tu ne pleures pas ? 

Mes yeux s'écarquillaient et ma bouche s'entre ouvrit. Sa question me prit de court et je ne savais quoi répondre.

- Elle a déjà beaucoup pleuré à la maison, ma chérie. Lui assura ma mère, me sauvant la mise part cette même occasion.

Il est vrai que devant ma famille, à l'exception de ma mère, je ne pleurais jamais. Puis ma cousine avait besoin de réconfort et d'un maximum d'amour à ce moment. Alors mes pleurs se turent deux même.

Un faible sourire mûrit sur mes lèvres et je me concentrais sur ma cousine qui frottait ses yeux larmoyants à mon gilet.

- Où est Nélya ? Demandais-je alors que sa pensée se fraya un chemin dans mon cerveau embrumé.

- Elle est chez sa mamie. Me répondit ma tante las et exténuée.

Ma cousine se glissa hors de mon étreinte et alla trouver refuge dans d'autres bras. Moi profitant d'un moment de solitude, je m'aventurais dans la chambre d'hôpital, préparant mon cœur, mon corps et ma matière grise à la possible vue du petit ange couché dans son lit de mort. 

En entrant dans la chambre, mes mains étaient devenues moites, mes jambes tremblaient et le haut de mon corps semblait peser une tonne. Mais non, il n'en fut rien. Les volets étaient fermés donnant un aspect sombre et une atmosphère funèbre à la salle qu'occupaient mon parrain, ma tante et leur fille, deux lits trônaient au centre et quelques sacs de la veille étaient posés au pied de ceux-ci.Malgré tout, la chambre restait glauque.

Une ambiance malsaine résidait et ne semblait pas avoir envie de quitter les lieux.

- Bon on ne va pas rester plus longtemps ici, indiqua ma mère, allons nous en.

J'attrapais un des sacs non loin de moi et le portait jusqu'à la voiture. Ma mère prit le volant des mains de ma tante.

- Toi, dans ton état tu ne roules pas ! Quant à toi Théo c'est la même consigne à suivre.

Ils ne bronchèrent pas. Ma mère roula la voiture de ma tante jusque chez elle, tandis que nous suivions cette dernière dans sa voiture, son ami nous conduisant.

Nous arrivâmes tranquillement chez eux. Tous descendirent de la voiture et prirent le chemin pour la maison. En quelques enjambées, la porte fut ouverte, les chaussures ôtées et jetées au sol et les larmes perlèrent à nouveau.

Pour changer les idées à ma cousine, autant s'y prendre le plus tôt possible, je lui avais proposé un jeu. Elle avait ramené la boîte à Scoubidou et nous tricotions toute deux assises sur le sofa du salon. Telles deux grand-mères en fin de vie. Aucune de nous ne parlaient. Nous étions concentrées dans nos créations.

Je n'entendais même pas les pleurs de ma cousine ayant repris, le bruit du frottement de ses vêtements sur le sofa, lorsque celle-ci se leva, ses pas sur le sol quand elle rejoignit sa mère pour trouver du réconfort au creux de ces bras.

Je m'étais focalisée sur mon bout de ficelle bleu que je m'efforçais de tortiller dans mes mains, y faisant passer toute ma colère et ma peine.

Je m'emmurais dans un silence d'une profondeur inconnue et d'un confort absolu.

A plusieurs reprises j'entendais un murmure au loin, résonnant dans un coin de ma tête. Celui-ci ne m'interpellant pas plus que cela, je creusais un peu plus mon puit du silence. Une main délicate se posa sur ma cuisse, remonta jusqu'à la moitié de celle-ci, me fit sortir de ma tombe et mes songes.

Je suivais cette main du regard, elle s'arrêta et reprit sa course avant de s'abandonner sur mes mains, tenant encore la ficelle entre mes doigts.

- Julie, il faut que tu arrêtes maintenant... Me susurra ma mère au creux de mon oreille.

Une larme roula sur ma joue. D'autres avaient voulu la suivre mais je ravalais cet intense flot de chagrin et essuyais d'un geste vif l'unique larme de ma souffrance.

C'était la goutte de trop, personne ne se devait de me voir pleurer. PERSONNE ! Et pourtant j'avais faillit à ma mission.

C'était le début de l'enfer !

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