Goran
Lettre 1 - Tel que dans mes souvenirs -
13 septembre 2002
— Volim te, sine moj.
— Moi aussi, je t'aime, Mama.
Ma maman ne dit pas toujours les mêmes mots que mon Papa. Mais ceux-là, elle les dit pareil. Maman me dit toujours qu'elle m'aime. Après le bain, avant d'aller au dodo, quand je me réveille, toujours. Et moi aussi, je l'aime très fort. Je l'aime jusqu'en haut de la montagne Treskavica ! Et même plus. Jusqu'à l'infini...
Ma maman, elle est belle. J'aime enrouler mes doigts dans ses cheveux doux comme mon doudou et tout noir comme les oiseaux qui volent tout haut dans le ciel. Elle sourit tout le temps, et elle chante tout le temps. Et quand elle chante, tout le monde se tait et sourit, et Papa a toujours les yeux qui brillent quand il la regarde chanter. Il dit toujours qu'elle pourrait être une chanteuse célèbre dans le monde entier. Mais Maman ne chante que pour la famille et les amis, un peu.
Elle m'apprend des chansons sur l'amour et sur l'histoire. Sur son histoire. Maman dit qu'elle n'est pas née comme Papa, mais moi je ne comprends pas ce que ça veut dire. Papa me dit qu'ici, à Sarajevo, il y a des gens qui ont des « origines différentes », qu'ils n'ont pas le même Dieu. Pourtant, moi, je trouve que tout le monde a le même visage, avec deux yeux, un nez et une bouche. Deux bras et deux jambes.
Alors j'ai demandé à mes copains à l'école si ils étaient différents, si ils avaient un Dieu. Ils ont levé les épaules et secoué la tête. Ils ne savent pas non plus. Et moi, j'ai jamais vu le Dieu de mon papa ou de ma maman. Je leur demande tout le temps : « Quand est-ce que je le verrai le Dieu ? » Mais ma maman me dit que je le vois tous les jours, dans mon coeur et dans celui des autres. Dans les oiseaux qui volent et dans les collines autour de la ville. Je n'y comprends rien, mais je la crois. Alors je cherche. Je cherche le Dieu dans les coeurs et dans les oiseaux et dans la colline.
Mais je crois bien que l'autre jour, je l'ai vu le Dieu. C'était dans la rivière Mijacka. On est allés se baigner là-bas, comme toujours quand il fait trop chaud dans la ville. Maman m'avait dit d'attendre avant de me jeter dans l'eau parce que je venais juste de manger un énorme burek aux pommes de terre et au fromage. Mais j'ai pas écouté. J'ai couru dans la rivière et après il a fait tout noir. J'avais froid dans le ventre et dans la tête. Et puis, tout à coup, il a fait tout jour. C'était comme si des milliers de papillons étaient au dessus de l'eau ! Il y en avait partout. Et ils étaient tout chaud. Ça faisait comme les étoiles dans le ciel. J'étais tellement bien... Mais Maman m'a tiré très fort de l'eau, en criant. Et après, j'avais froid et j'ai vomi.
J'avais très peur que Maman me dispute, parce que je ne l'avais pas écouté. Mais elle m'a serré très fort dans ses bras et elle a beaucoup pleuré. Alors j'ai pleuré aussi, parce qu'elle était triste à cause de moi. Je lui ai dit : « Mama, je l'ai vu le Dieu ». Et elle a fermé les yeux et ses lèvres ont bougé. Je crois bien qu'elle disait merci au Dieu. Alors moi aussi, j'ai dit merci au Dieu. Mais j'ai dit à Maman que je n'étais pas sûr que je disais merci au bon Dieu, parce que Papa m'avait dit que tout le monde n'avait pas le même Dieu. Mais elle m'a dit qu'il n'y en avait qu'un, même si les gens ne l'appelaient pas tous pareil et ne lui disaient pas tous les mêmes mots.
Ma maman, elle est belle. Et j'ai de la chance, parce que je l'ai rien que pour moi. Luka, lui, il a pas de chance, parce qu'il a deux soeurs. A l'école, il râle tout le temps. Il dit que sa maman, elle s'occupe plus de ses soeurs que de lui, parce qu'elles sont pénibles. Moi, ma maman, elle s'occupe que de moi ; et de mon papa aussi, mais Papa est un grand. Et j'ai de la chance, parce que Maman, elle ne travaille pas. Elle est toujours là pour venir me chercher à l'école et me donner le goûter.
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Goran ( Sous contrat d'édition chez Black Ink Editions)
RomanceCharlie n'est pas rêveuse, mais déterminée, ça, oui. Issue des mauvais quartiers de Chicago et d'une famille tout aussi peu reluisante, elle compte bien s'offrir un avenir meilleur. Les hommes sont accessoires, son expérience l'a convaincue de ne p...