Goran
Lettre 6 - Mon évasion -
10 octobre 2002
— Cours, Goran...
J'entendais les soldats hurler et tirer, et moi, je n'étais pas plus fort que les autres garçons. Ou peut-être que si en fait, parce que je ne pleurais pas, moi. J'avais peur, ça oui ! Mais je ne pleurais pas. Je ne pleurais plus depuis longtemps...
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J'ai beaucoup beaucoup beaucoup pleuré, quand les autres ont dit que mes parents étaient morts. Je n'arrêtais pas de leur crier dessus : « C'est même pas vrai ! » Mais ils se sont moqués de moi, en me traitant de bébé. J'étais très en colère et j'ai cogné de toutes mes forces Viktor. Je le détestais ! Je n'avais pas peur de lui, même s'il était bien plus grand que moi. Et tous les autres garçons étaient autour de nous deux et ils hurlaient sans s'arrêter : « Allez, allez, allez ! Viktor, Viktor ! Vas-y, éclate-le, le bébé à sa maman ».
Je n'ai pas gagné. Viktor était bien trop grand et bien plus fort que moi. Je le détestais.
Mais après ça, je ne voulais plus qu'ils disent que j'étais un bébé. Alors je n'ai plus pleuré. Jamais. Même pas quand j'ai eu si faim ou quand j'ai eu si mal à mes doigts et dans tout le corps à force de travailler pour les soldats. Même pas ce jour là, où ça ne s'est pas passé comme prévu...
Et puis les enfants qui pleuraient trop fort, eh bien, les soldats les emmenaient quelque part et après on ne les voyait plus jamais, comme pour les « papa ». Des papa et des grands, il y en avait tout le temps qui arrivaient, mais ils ne restaient jamais très longtemps. Je ne sais pas où les soldats les mettaient tous ces grands et ces enfants qui pleuraient. « Peut être qu'ils les renvoient à leur maison ! Trop de chance ! » je me disais. Tu parles !
Ce qui est sûr, c'est que les grands étaient toujours frappés par les soldats. Beaucoup. Je n'avais jamais vu autant de rouge partout.
Les femmes et les jeunes filles, elles, elles restaient plus longtemps dans le camp, enfin, les plus jeunes. Mais elles étaient tellement tristes ! Chaque fois que les soldats venaient les chercher pour les emmener là où ils dormaient, en riant et en les tirant par le bras, elles pleuraient, mais tout doucement. Au début, je les avais vues hurler très fort et se débattre, mais après, elles ne faisaient que pleurer, tout doucement. Je crois qu'elles aussi, elles savaient qu'il ne fallait pas fâcher les soldats.
Moi non plus, je ne voulais pas que les soldats se fâchent après moi. Je ne voulais pas qu'ils me cognent, comme ils le faisaient sur les hommes et même sur les femmes. Ça, je le faisais déjà tout seul...
Quand je pensais à ma mère, je chantais les chansons qu'elle m'avait apprises. Et quand je pensais à mon père, je me battais, sur le dos. Comme lui. Ou c'était l'inverse, je ne sais plus. Je me battais, et ça me faisait penser à mon père. Je me souvenais bien des « slatch » qu'avaient fait les coups de fouet sur son dos. Alors j'avais caché un fouet derrière les tuyaux des toilettes, et des fois, j'allais me frapper le dos. J'avais peur d'oublier mon père, alors quand je me frappais, je pensais très fort à lui. Parce que je savais ce que c'était le courage, maintenant. Comme lui. Sauf que moi, je voulais être encore plus courageux et plus fort que lui. Je n'allais pas mourir. Jamais. Et je crois qu'à chaque coup de fouet que je me donnais, j'en étais encore plus persuadé.
Je me suis souvent demandé si mon ami Luka était lui aussi dans un endroit comme celui où j'ai passé tous ces jours. Je ne l'ai jamais revu. Peut-être un jour.
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Goran ( Sous contrat d'édition chez Black Ink Editions)
RomanceCharlie n'est pas rêveuse, mais déterminée, ça, oui. Issue des mauvais quartiers de Chicago et d'une famille tout aussi peu reluisante, elle compte bien s'offrir un avenir meilleur. Les hommes sont accessoires, son expérience l'a convaincue de ne p...